La financiarisation de l’eau

L’eau était très abondante. En 2019, l’opulence semble appartenir au passé.

Elle devient une ressource rare et chère.
L’idée opportuniste de transformer l’eau en produit financier fait son chemin.

Après les "subprimes" et la vente des droits à polluer grâce aux fameux "crédits carbone", l’eau était la dernière ressource naturelle à échapper aux marchés financiers. Probablement plus pour longtemps.
Et les spéculateurs d’exposer sans sourciller : « si l’eau devient rare, il est normal qu’elle ait un prix ».

 

La gestion quantitative de l’eau en France

• Les prospectives
Hormis la prise de conscience et les réalisations pertinentes sur la récupération des eaux pluviales en ville, la réflexion officielle encadrée de tabous, ne peut guère être qualifiée de "prospectives".
Le postulat pose en effet une lecture biaisée : il focalise sur le dérèglement climatique(1) et les pressions sur la ressource pour orienter les décisions publiques sur un axe prédéfini.

La ressource se raréfie et la demande explose ?
La réponse frustrante, très réductrice, dictée en France : « restrictions et réduction des consommations ».

Rien de moins certain que ce diagnostic univoque, imposé par ceux qui n’ont pas besoin d’eau, réponde aux besoins à court terme.

Des prospectives dignes de ce nom pourraient étudier les moyens à mettre en œuvre pour augmenter l'eau disponible de manière à satisfaire tous les besoins de ceux dont l’activité en dépend.

 

• La politique de l’eau

La doctrine française depuis une 12 aine d’années, opposée aux plans d’eau, subventionnant la destruction des moulins et des étangs, se permettant de larguer récemment 20 millions de mètres cubes d’eau douce (barrage sur la Sélune par exemple), réduisant la hauteur de certains barrages, encourageant le concept des « Rivières sauvages » (c’est-à-dire non aménagées pour dériver et stocker l’eau), contribue à sa mesure, lors de chaque destruction, à diminuer petit à petit le stock disponible.

En contribuant paradoxalement à raréfier la ressource alors que des milliards de mètres cubes se perdent dans l’océan, cela risque d’ancrer la certitude que l’eau rare a un prix qu’il faudra payer un jour à de futurs investisseurs.

Cette politique pourrait concourir à l’émergence d’un marché parallèle privé à celui de l’eau en France (2).

Juridiquement au visa du code civil, rien ne s’y oppose.

 

Quelle eau voulons-nous ?


• la marchandisation de l’eau

Comment l’administration française, en prétendant réduire l’eau à certains robinets pré-désignés, assécher les plans d’eau, vider l’eau des rivières en ne contribuant pas à l’augmentation les quantités d’eau gravitaire disponible "gratuite", ne risque-t-elle pas de faire le jeu de l’émergence d’outils financiers ?
Au simple principe de l’offre et de la demande : toute matière première qui se raréfie attise les convoitises et voit son prix augmenter.

En réduisant l’offre au nom du "développement durable" et de la prétendue "gestion équilibrée de l’eau" (alors qu’elle l’est de moins en moins), ces concepts pourraient être balayés par l’eau considérée comme un produit financier.

La demande en eau et le poids du libéralisme pourraient avoir raison d’une lecture univoque incriminant le changement climatique(2) au seul profit d’une doctrine stigmatisant les ouvrages hydrauliques.

 

-      L’eau sera une marchandise que FNE devra acheter pour sauvegarder sa nature.

-      Les Fédérations de pêcheurs seront contraintes d’en acheter pour sauver leurs poissons.

-      Même le piédestal des Agences de l’eau pourrait vaciller face au poids des fonds spéculatifs des banquiers de l’eau.

-      L’intelligence artificielle primerait l’usage traditionnel de l’eau en « bon père de famille » critiqué dans le cercle franco-français.

-      Le marché spéculatif pourrait primer l’acte de production agricole et industrielle (3).

 

La précieuse ressource serait réduite à un algorithme répondant aux marchés incriminant toujours le dérèglement climatique, mais cette fois au seul profit d’une variable du marché au curseur implacable : quand il pleut le prix de l’eau baisse, lors d’une sécheresse le prix de l’eau augmente.
Et ce ne seront plus les Agences de l’eau qui fixeront les cours, mais la loi de l’offre et de la demande.

 

Discussion       

En déstockant l’eau des barrages, étangs, réservoirs d’eau des biefs de moulins, canaux d’irrigation, l’administration poussant directement à la raréfaction de l’eau douce disponible, pourrait encourager implicitement à transformer l’eau en produit financier.

Le NASDAQ a d’ores et déjà introduit un indice pour parier sur son prix en Californie. La Californie, c’est loin… mais rappelons que dans le capitalisme mondial, les idées n’ont pas de frontières et circulent très vite.
L’eau, convoitée, est désormais considérée comme un bon placement.

• Question d’éthique

Acceptera-t-on qu’un bien commun, vital pour l’homme, soit exploité par des produits financiers ?

-      Evidemment, nous sommes très hostiles à toute OPA de la finance sur l’eau qui devrait doit rester un bien commun.

-      D’importants mouvements sociaux seraient à craindre entre ceux qui pourraient la payer et ceux qui devraient crever de soif.

• Nous estimons, de notre Observatoire, que la solution pour prévenir tous ces aléas financiers, techniques et sociaux serait d’offrir en France une eau abondante (dans un pays richement doté par les précipitations) au lieu de susciter de futures  machines à faire du cash favorisant la flambée de dividendes versés aux actionnaires des spéculateurs de l’eau, spoliant les usagers.

 

 illustration: Pierre de Montvallon. Cliquez pour lire.

 

(1)  Le dérèglement climatique a le dos large et autorise toutes les interprétations.

(2)  L’eau au robinet en France est déjà payée en France aux Agences de l’eau. EDF facture déjà le soutien d’étiage. L'eau d'irrigation est payée aux Agences de l'eau comme celle des producteurs hydroélectriques autonomes, au prorata des kW produits.

(3)  Forages dans les nappes déjà en principe payés aux Agences de l’eau, mais pas toujours.

Les commentaires sont fermés.