Un pamphlet tente de jeter l’opprobre sur les étangs du Limousin

Des propos élogieux qualifient souvent les étangs :"des réservoirs de biodiversité, des trésors naturels d’une grande richesse floristique et faunistique". En fait, de "naturels", les étangs du Limousin (ce n'est pas spécifique à cette région) ont tous été créés de la main de l’homme. 

Ils font en effet souvent l’objet de classements environnementaux, jusqu’aux sites RAMSAR dans d’autres régions.
L’illustration représente la chaussée de l’étang des Oussines (19) : un barrage poids d’environ 15 mètres de large en travers de la Vézère. Il a permis de créer cet étang devant couvrir 20 ha il y a plusieurs siècles, dans ce secteur déjà valorisé depuis les Romains. En aval, un moulin et un remarquable circuit hydraulique probablement destiné à l’irrigation.
L’homme a « gagné » (activité de mouture assurant la sécurité alimentaire, petit patrimoine, social, nombreux emplois-nature induits) et l’environnement aussi (ZNIEFF, Réserve naturelle).

 

Il s’est suivi pour nous un profond malaise en 2020 à la lecture d’une diatribe, parée de pseudo références savantes, n’épargnant personne : les ouvrages eux-mêmes, les rares scientifiques qui les étudient depuis longtemps, les propriétaires d’étangs, un lobby indéfini et une mise en cause directe de la DDT.
Si on commente sur OCE les outrances de tous les Don Quichotte omniscients sur la nature à renaturer, on y porte écho.
En ne les commentant pas, on laisse leurs allégations devenir une doctrine.
Nous avions choisi d’ignorer cette plaquette de propagande.

Les universitaires mis en cause ont choisi, eux, de répondre point par point aux allégations sans fond de l’association Sources et Rivières du Limousin (SRL).
Cette remarquable mise au point de Laurent Touchart-Pascal Bartout est exposée ci-dessous, ainsi que les propos vindicatifs de SRL qui l’ont suscitée.

 

PROPOS LIMINAIRES

Il faut être très circonspect en lisant les plaquettes dites "d'information" quand elles émanent des ONG, EPTB et Agences de l'eau. Elles portent d'abord une doctrine et quand elles se hasardent dans les "preuves" juridiques, il s'agit souvent d'une lecture mal digérée ou interprétée du Code de l'environnement.

Les appréciations à géométrie variable et peu robustes de SRL

Laurent Touchart et Pascal Bartout répondent de manière précise et pertinente sur le drapage « d’experts » et de « scientifiques » usurpé par les propagandistes de la gestion manichéenne de la nature.

 

Le statut du propriétaire prime une analyse multicritère

"Il faut détruire les étangs privés". SRL estime légitime (en vertu d’une simple affirmation) le combat pour la suppression des étangs privés (page 5).

Il se dessine dans la cible les « mauvais » étangs privés et les « bons » étangs publics.
Définition implicite : un « bon » étang est convoité à l’acquisition (ou déjà la propriété) d’une Fédération de pêche, d’une Collectivité territoriale ou d’une institution (CEN par exemple). Les autres sont décrétés illégaux par SRL.
Dans certains cas, par le biais du chantage à la subvention de l’Agence de l’eau, des ouvrages publics sont détruits sur fonds publics.
Le diagnostic opportuniste emporte une nouvelle science de combat : une fois oui, une fois non.
On constate que la priorisation est plus idéologique que environnementale.
Une nature d’où l’homme, le social et l’économie doivent être exclus.


La filière piscicole d’eau douce, le business, la pêche de loisir

L’association est manifestement mal informée sur les enjeux de la balance commerciale des produits aquatiques, du ministre de l’agriculture prônant l’aquaculture, de la prétendue non rentabilité, des emplois induits des étangs.

 

L’évocation lancinante d’un lobby

Nous souhaiterions un lobby, celui dont la DEB tiendrait compte de l’avis au lieu de signer circulaires et décrets défavorables aux étangs depuis 10 ans comme le funeste projet de décret en cours.

 

 

Le paradoxe d’une doctrine hostile aux plans d’eau a engendré l’expédient des bassines.

Démonstration d’une idéologie « perdant / perdant » :
Un plan d’eau, financé par le propriétaire du fonds, alimenté par l’eau gravitaire excédentaire gratuite, depuis que ce système historique de bon sens a été condamné au 21ème siècle par les écologistes et, par osmose, les services de l’Etat (il suffit d’assister aux CODERST), il a donné naissance au palliatif des bassines, financées par des fonds publics.

Ce concept innovant concourt avec celui de l’arrachage des haies, à la palme d’or de l’aménagement rural pour les nuls.
Les bassines amputent la surface agricole utile (SAU), sont énergivores (pompes, bâches EPDM), épuisent la nappe phréatique captive, ne restituent rien par infiltration, symbolisent le degré "zéro biodiversité", évaporent un volume conséquent facturé (compteurs obligatoires -art L.214-8 CE-) par les Agences de l’eau.
En d’autres termes, les écologistes ont suscité l’invention des bassines (qu’ils financent à leur mesure par leurs impôts) et qu’ils combattent.

 

DISCUSSION sur QUELQUES ÉLÉMENTS FONDAMENTAUX

 

Précipitations / évaporation

• qui reprocherait aux cours d’eau d’évaporer sur deux berges d’un linéaire national important (tels les redoutables bancs de sable de l’Allier et de la Loire) ?
• les arbres rivulaires et les ripisylves pompent des volumes considérables. Leur présence est pourtant réputée bénéfique à bien des égards. Qui leur reproche d’évaporer ?
• Une étude existe-t-elle sur les volumes évaporés par les pierrades surchauffées, tantôt granitiques tantôt calcaires du sud de la France ? Qui reproche le substrat géologique des cours d’eau jusqu’à disparaître dans une zone karstique ?

L’argument de l’évaporation est d’autant plus absurde que :

- nous bénéficions de 175 milliards de mètres cubes d’eau dite « utile » dont on laisse perdre la majorité dans la mer.
Seul un pays richement doté en eau peut se permettre un tel gâchis.

- Ne peut s’évaporer que l’eau disponible. Encourageons donc de faire le plein des étangs en optimisant les volumes stockés. Cela n’aura pas d’incidence sur les volumes évaporés, au lieu de stigmatiser les prélèvements d’eau gravitaire excédentaire qui inonde les villes et se perd dans l’océan.


Etude sur l’effet positif de l’évaporation sur le microclimat
• existe-t-il une étude sur l’impact éventuel de l’évaporation des étangs sur le microclimat ?

Des études sur l’évaporation des centrales nucléaires existent. Affublés de tels maux, il est curieux que rien n’ait été diligenté sur l’impact bénéfique / négatif des étangs sur les vergers, châtaigneraies ou forêts voisines.


Une association s’arroge les pouvoirs du préfet, de la police de l’eau et du juge

« Tous les étangs en barrage de cours d’eau contrôlés par SRL sont en

infraction ! »

Méconnaissance du contradictoire et de la concertation. C’est l’arbitraire total. Les seuls étangs "illégaux" sont ceux créés après le 29 mars 1993 qui doivent faire l'objet d'une régularisation.


Respect du droit de propriété

S’arroger un droit de contrôle nécessite une visite des sites. Seule la police de l'eau dispose de ce droit (hors cours fermées) pour accéder aux "installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA).
Les six examinateurs sur la photo de SRL disposent-ils tous les six et nominativement de l’autorisation des propriétaires des fonds parcourus ? A défaut, ils relèvent de la violation de propriété privée. Avec engins prohibés ? Certains propriétaires surexposés ont déjà été contraints d’installer une vidéo-surveillance. Rien de plus simple avec la technologie moderne.


Une police parallèle de l’eau ?

Entre l’incitation du rôle de « sentinelle » prônée par les Fédérations de pêcheurs et l’incitation ouverte à la dénonciation en blâmant au passage les services de l’Etat, le climat devient nauséabond.
On ne compte plus les délations très fréquentes à la Police de l’eau (DDT-OFB) dès que des travaux sont entrepris. Le délateur est incapable d’apprécier si l’objet relève du code de l’environnement ou sort du champ d’application de la Police de l’eau, mais il dénonce.
Aucune objection de notre part quand il s’agit de pollutions quelquefois de patrons-voyou. Pour des travaux et interventions même modestes de riverains, cela s’apparente souvent à une volonté punitive plus facile qu’envers les gros pollueurs.


Un code de l’environnement interprété pour qualifier les « délinquants »

• SRL n’hésite pas en 2020 à faire référence à l’article L.432-5 CE alors qu'il est abrogé depuis 2006.

• Il convient de respecter le débit réservé (art L.214-18CE).
Le principe est le même pour les moulins : c'est l'ouvrage de prise d'eau qui est considéré.
Distinguons l’étang en dérivation du cours d’eau non domanial  de celui installé en travers du cours d’eau.

- étang déconnecté du cours d'eau : il suffit de baisser la vanne d’alimentation de l’étang à la prise d’eau, par précaution, au début d'une période d'étiage élargie. Dans ce cas, l’étang respecte toujours le débit réservé.
On constate que le principe du moyen de contrôle des débits n’est que pur fantasme intellectuel : il suffit de fermer l’alimentation en cas de baisse sévère du débit du cours d’eau.
Si cet aléa "sécheresse" ne s’applique pas au cours d’eau considéré, il faut une surverse du seuil de 10% du débit. Pour lever toute controverse sur ce débit, il faut le faire transiter dans une échancrure, dont les dimensions auront été au préalable validées par la DDT.

- étang en barrage d'un cours d’eau : il est réputé, par hypothèse, respecter en tout temps le débit réservé : le débit sortant correspondant au débit entrant. En clair, quand il n’y a plus d’alimentation, il ne peut évidemment pas y avoir de restitution. Au sens légal, ce type d’étang est conforme à l’art L. 214-18 CE.

Conclusion

• Sur le défaut d’entretien

Le discours très hostile porté par des tiers, l’absence d’encouragement politique pour la filière d’eau douce oubliée, les complications administratives, la très forte prédation, ont découragé les exploitants d’étangs.
On récolte les effets d’un système. Dès lors, l’entretien qui est une charge sans retour pâtit de la tendance idéologique.
Il suffit de modifier ces paramètres externes pour remettre immédiatement au travail tous les étangs.
Les candidats à l’ouvrage et les investisseurs ne manquent pas.
On ne peut donc pas déplorer le défaut d’entretien en ayant tout fait pour qu’il ne se fasse plus.

 

• sur la notion d’étang illégal selon SRL

Ce qualificatif outrancier d’illégalité est inapproprié. Le contrôle technique d’une voiture peut être dépassé : c’est illégal et pénalisable. Les écologistes n’exigent pas pour autant la destruction de la carte grise et de la voiture. L’illégalité peut être transitoire et régularisable. Personne ne conteste la loi et les professionnels, les maîtres d’ouvrages aidés par les syndicats d'étangs s’y emploient.
Rappelons que la création de plan d’eau n’est pas interdite : il faut juste affronter toutes les fortes oppositions partisanes et la grande mauvaise foi des arguments délusoires opposés. Le juge a accordé dernièrement l’autorisation de création de deux étangs à un pétitionnaire. La DDT avait proposé la signature d’un arrêté préfectoral portant sur un refus de déclaration. Le projet ne lui plaisait pas et a usé de tous les moyens pour bloquer le dossier.


• sur la notion de privatisation de la ressource
Cette notion bafoue le droit d’usage des eaux de pluie, de ruissellement et d’écoulements d’eau sur des fonds privés d’une part, mais elle est surtout éminemment tendancieuse car ni les moulins ni les étangs ne consomment l’eau d’autre part.
Il n’y a donc actuellement aucune privatisation en tant que telle.

Ce reproche excessif est d’autant plus insignifiant que la ressource en eau non utilisée en France est considérable.
Au lieu de lorgner jalousement sur le sort de l’eau dérivée, cessons de spolier nos enfants en ponctionnant la nappe captive et imaginons comment en stocker suffisamment pour répondre à tous nos besoins.

 

Ceci dit, les velléités de marchandisation de l’eau existent déjà.

Dans ce cas, les investisseurs créeront d’immenses réservoirs et des pipelines pour transporter l’eau… ou importer par gazoduc recyclé l’eau de Russie si nous en manquons.
SRL ne reprochera plus à un petit lobby inconnu de "privatiser l’eau" mais devra s'adresser à Total, Gazprom, Suez-Véolia et Goldman Sachs.

 

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Touchart - Bartout -reflexions sur la plaquette SRL

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