Réclamons un moratoire sur la continuité écologique

Depuis 10 ans, au mépris des choix parlementaires qui n’ont pas prévu l'effacement d'ouvrages dans la loi sur l'eau de 2006, l'administration a programmé la destruction du plus grand nombre de seuils et de barrages sur les rivières de France au prétexte d'obtenir le bon état des eaux voulue par la DCE 2000 . Non seulement les autorités et gestionnaires de l'eau ne parviennent pas à tenir leurs engagements concernant ce bon état chimique et écologique des masses d'eau, mais elles entendent détourner l'attention sur des boucs émissaires.

Tous les moyens sont bons pour parvenir à cette fin : assertions souvent peu scientifiques sur le prétendu "impact majeur" des seuils et barrages, ainsi que sur la qualité chimique et écologique de l'eau, classement massif, autoritaire et irréaliste des rivières sous prétexte de continuité écologique, désinformation des élus et chantage aux subventions, harcèlement des propriétaires par les services instructeurs qui n’hésitent pas à interpréter le Code de l’environnement,…

Un rouleau compresseur injustifiable, qui dépense sans compter sans certitude avérée d'un gain environnemental et qui supprime de nombreux services rendus par les écosystèmes existants.

Les ouvrages hydrauliques – seuils, chaussées, glacis, déversoirs, digues, écluses, barrages – offrent de nombreux intérêts. Présents pour la plupart sur leurs rivières depuis plusieurs siècles, ayant recréé de longue date un nouveau profil d'équilibre, ces ouvrages sont étroitement associés à l'environnement et à l'usage des populations locales.

Ensemble, nous refusons les dérives administratives pour revenir à une gestion plus mesurée, concertée et apaisée de la ressource en eau.

Pour un moratoire sur la continuité écologique

photo NR du 28/05/2015

photo NR du 28/05/2015

Nous appelons les élus, les personnalités et les institutions (associations, etc.) à signer ici --> La demande de moratoire sur la mise en œuvre de la continuité écologique.

Attention, il ne s'agit pas d'une pétition "de masse" ouverte à chaque citoyen individuellement, mais d'une demande devant être signée par nos représentants démocratiquement élus, en vue d'une remise officielle au Ministère de l’Écologie en 2016).

 

Voici 25 arguments en faveur de la préservation et de la restauration des ouvrages. Ces facteurs ne sont jamais pris en compte lors des décisions de destruction.

Intérêts (et moindres impacts) morphologiques et hydrauliques

Les seuils diversifient les écoulements et donc les habitats d'un tronçon, leurs retenues créent des mouilles profondes favorables à certaines espèces aquatiques et terrestres.

1. Les seuils n'empêchent pas la rivière de disposer d'écoulements naturellement variés en dehors de la zone d'influence des remous liquides amont, donc ils n'impactent pas réellement la morphodiversité à échelle des bassins versants.

2. Les seuils ont un impact le plus souvent négligeable sur le transport solide en charriage et suspension, la sédimentation amont et l'érosion aval ne modifiant pas substantiellement les dynamiques sédimentaires des bassins versants.

3. Les seuils contribuent souvent à la régulation de crues modestes par divers mécanismes (effet retenue, diffusion latérale vers des champs d'expansion au niveau de la ligne d'eau amont, dissipation d'énergie au droit du ressaut hydraulique) et ils ralentissent la cinétique des crues/inondations.

 

Intérêts (et moindres impacts) biologiques

5. En période d'étiage sévère, les seuils et leurs retenues sont parfois les dernières zones de refuge pour les espèces piscicoles. Dans les régions à roche mère karstique ou calcaire, il arrive que les "fausses rivières" des biefs soient les seuls canaux en eau au cours de l'été.

6. Les seuils peuvent ralentir sur certains bassins la progression d'espèces invasives ou indésirables vers les zones amont des bassins (écrevisses américaines, silure, perche-soleil, etc.).

7. Bon nombre de seuils sont entièrement noyés lors des crues et deviennent franchissables aux espèces piscicoles. De même, il est fréquent que les bords de seuils en rive offrent des échancrures (jadis destinées à l'écoulement des débits réservés) en eau toute l'année et franchissables aux poissons ayant de réels besoins migrateurs.

8. Même s'ils abritent localement des espèces préférant les habitats lentiques banalisés, les seuils et leurs retenues contribuent à la biodiversité totale du bassin versant en diversifiant la faune aquatique et en augmentant le nombre total d'espèces du nouvel écosystème redevenu « naturel ».

9.Au XVIIIe siècle, et alors que plus de 80% des seuils actuels étaient déjà présents sur les rivières, les espèces migratrices se retrouvaient en tête de bassin versant (saumons, aloses, lamproies marines, etc.), suggérant que la petite hydraulique bien gérée est compatible avec les migrations piscicoles.

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Intérêts (et moindres impacts) physico-chimiques et écologiques

10. Bien que leur bilan d'oxygène total retenue + chute soit nul, les chutes des seuils créent une zone suroxygénée à l'aval, qui peut être bénéfique dans certaines périodes de stress intense.

11. Les seuils ralentissent la progression des pollutions aiguës.

12. Les seuils ont un effet tampon et stockent certaines pollutions diffuses, de sorte que le curage d'entretien de leur retenue équivaut à une dépollution locale.

13.Sur certaines substances (cycle de l'azote), les seuils ont plutôt un effet épurateur pour les rivières.

14.Les gestionnaires d’ouvrages récupèrent régulièrement les matières plastiques et autres charges polluantes qui, sans cela, alimentent la mer de plastique.

 

Intérêts économiques et sociaux

15. Les seuils et leurs moulins sont souvent aménagés en restaurants, chambre d'hôtes et gîtes ruraux, très recherchés par les amoureux des rivières, contribuant à l'attrait des vallées et des territoires.

16. Les seuils forment un potentiel de production hydroélectrique qui peut être mobilisé aisément dans le cadre de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Tourner en dérision cette petite production n’est pas conforme à l’esprit écologique.

17. Les seuils sont les outils indispensables à certaines professions (pisciculture, agriculture etc.) qui contribuent à faire vivre des territoires ruraux souvent désertés pour la plupart de leurs bassins d'emplois.

18. Ces trois valorisations contribuent à abonder la fiscalité locale dont le dogme destructeur n’a cure.

19. Les seuils sont des endroits appréciés des baigneurs, des promeneurs, des pêcheurs et de divers usagers qui tirent profit des services rendus par leurs singularités hydrauliques.

20. Dans certaines zones isolées, les seuils sont référencés « réserves d'eau » pour les pompiers.

procession de scolaires à chaque vidange d'étang

procession de scolaires à chaque vidange d'étang

 Intérêts paysagers, urbanistiques et touristiques

21. Les seuils ont façonné les berges des milieux urbanisés où ils garantissent un certain niveau quasiment constant, les riverains étant attachés à ce paysage de plans d'eau successifs à lame d’eau constante offert toute l'année.

22. Les seuils évitent le quasi-assèchement des lits au plus fort de la période estivale et les zones marécageuses induites par les variations de débit (zones appréciables en milieu naturel, mais combattues en milieu à forte densité humaine en raison des nuisances induites).

23. Les seuils sont parfois la condition de stabilité des constructions (fondations en bois) et des autres ouvrages d'art à proximité sur le tronçon.

 

Intérêts historiques et patrimoniaux

24. Les seuils témoignent de deux millénaires d'usages de l'eau, rappelant que la petite hydraulique a soutenu l'essor de l'artisanat, de l'agriculture, et a contribué au premier chef à la dynamique de valorisation des territoires et à l’essor industriel français.

25. Les seuils sont une clé de lecture pédagogique pour tous les animateurs scolaires et culturels, en raison des nombreux usages qui les ont accompagnés à travers l'histoire et de leur importance dans la construction des paysages de vallée.

En conclusion

Les usagers, les riverains et les citoyens, sont outrés par les absurdités et les gabegies de la politique française de l'eau, en particulier par la destruction planifiée de notre patrimoine hydraulique sans gain environnemental probant.

Il n'y a aucune fatalité à s'enfermer dans cette impasse qui non seulement détériore la qualité de notre cadre de vie, mais qui en plus n'empêchera nullement la France d'être condamnée pour non-atteinte du bon état chimique et écologique de ses masses d'eau.

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