truite meunière ou poisson au trimaton à la sauce continuité écologique?

 

L’appellation « meunière » fait référence au meunier.

Le trimaton est un pesticide cancérigène qui fait crever les poissons.

C’est ce qui s’est produit en Bretagne où ce pesticide a éradiqué toute vie aquatique sur 12 kilomètres d’un cours d’eau du Finistère.

pêche miraculeuse

pêche miraculeuse

 Il est utilisé pour traiter les salades…que nous consommons.

Il s’agit du « trimaton extra » (c’est son nom). Il est commercialisé par la société Cerexagri, vendue en 2007 par une ancienne filiale de Total. Le trimaton contient du dimethyl dithiocarbamate de sodium. C’est l’un des pesticides les plus utilisés aux États-Unis (25.000 tonnes par an). La substance active fait partie de la liste des cancérigènes « probables ».

 Les circonstances

Le 23 octobre 2010, un agriculteur breton traite le terrain avec ce puissant pesticide. Le principe cultural, avant de semer la mâche, consiste à stériliser totalement le sol sur une épaisseur de quelques dizaines de centimètres, « afin qu’il n’y ait plus aucune mauvaise herbe, plus aucun insecte, plus aucun champignon, plus aucun ver de terre qui vienne nuire à la production ». Il ne semble pas y avoir eu surdosage, mais les pluies après l’épandage ont lessivé le produit vers le cours d’eau. Un grand classique. Un faisceau de circonstances a mis ce problème en évidence. L’effet est bien plus insidieux quand l’agriculteur observe la météo avant de traiter, quand la parcelle n’est pas en pente etc…le produit toxique termine toujours sa course un peu plus tard dans la rivière : il ne fait alors pas disparaître les poissons, mais perturbe toutes leurs fonctions et celles des écosystèmes.

 Les effets

Selon l’Institut français de l’environnement (IFEN), 96% des masses d’eaux de surface et 61% des masses d’eaux souterraines contiennent des résidus de pesticides. Même les eaux de pluie sont touchées : des stations de mesure installées par l’INRA de Rennes ont révélé que presque tous les échantillons contenaient des pesticides. 60% d’entre eux dépassent même les 0,1µg/l, la CMA (Concentration maximale admissible pour l’eau de distribution). http://inra.dam.front.pad.brainsonic.com/ressources/afile/234144-01cff-resource-expertise-pesticides-chapitre-3.html

Cette dispersion importante des pesticides provoque un véritable désastre écologique dont personne ne mesure l’ampleur. Et pour un accident ponctuel, quelle est l’impact de la toxicité quotidienne invisible?

Les études de toxicité sont inquiétantes. Sur le lapin par exemple : à forte dose, la substance chimique provoque des malformations congénitales méningocèle (malformation congénitale avec absence de fermeture de la colonne vertébrale) et anophtalmie (absence d’un ou des deux yeux à la naissance) et une ossification incomplète.

Aux Etats-Unis, l’APE (Agence de protection de l’environnement) précise qu’en raison de la volatilité du metham sodium dans l’air, « aucun résidu n’est attendu dans l’alimentation » ou dans l’eau. Dans les usages agricoles, le metham sodium devient un gaz volatile (le methyl isothycyanate, ou MITC) peu après son application. Ce gaz est considéré par l’EPA comme « extrêmement toxique pour les mammifères, les oiseaux, les invertébrés aquatiques et les poissons ». Un rapport de l’EPA décrit le gaz MITC comme pouvant « migrer des champs vers des lieux où le public vit, travaille, joue ». Or une « métaplasie des tissus de l’appareil respiratoire, une lésion souvent associée au cancer, a été observée après seulement 28 jours d’exposition de rats au MITC ». Des cancers au bout d’un mois d’exposition.

L’État de Californie va plus loin et considère le metham sodium comme toxique d’un point de vue du développement. Le produit est également inscrit sur la liste des cancérigènes avérés, et sur celle des « perturbateurs de la reproduction ». L’inscription sur cette liste par l’APE de Californie est « basée sur une identification formelle par les autorités publiques que la substance chimique entraîne une toxicité reproductive ».

Côté français, le diagnostic est plus édulcoré : le site Agritox de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) fait état d’un « effet cancérigène suspecté » et de « preuves insuffisantes chez l’homme ». 
Le produit est cependant considéré comme « dangereux pour l’environnement », « très toxique pour les organismes aquatiques », et pouvant « entrainer des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique »….

 Une catastrophe ponctuelle ?

La Bretagne n’est pas spécialement incriminée. La presse se fait l’écho très régulièrement de sinistres aux résultats comparables. Seul les produits incriminés varient… et s’accumulent dans le milieu « naturel ». Les préfets s’empressent de prendre de nombreux arrêtés interdisant la consommation du poisson. Aucune sanction proportionnée au préjudice environnemental subi n’a jamais été prise, tout simplement parce qu’il n’est pas estimé.

 Et notre fameuse continuité écologique, dans ce cocktail de l’eau ?

Force est de constater que ce qui est invisible ne l’émeut pas beaucoup. Une certitude: quand on déplore l’acharnement dont les ouvrages sont la cible alors qu’aucune étude scientifique de long terme n’est capable d’en cerner l’impact, s’ils avaient la moindre responsabilité dans ce type de catastrophes écologiques récurrentes, des sanctions exorbitantes pleuvraient immédiatement… 

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