L’anguille disparaît. Les normes et la destruction des seuils en France vont-elles à elles seules restaurer les stocks halieutiques?

Nous n’avons pas contribué à la consultation publique du 28/09/2015 au 18/10/2015 « pour la campagne de pêche 2015-2016 concernant le projet d’arrêté portant définition, répartition et modalités de gestion du quota d’anguille européenne (Anguilla anguilla) de moins de 12 centimètres » parce que ces consultations publiques s’apparentent à un déni démocratique caractérisé.

Et pas uniquement pour l’anguille !

 

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=forum&id_article=1131

Nous nous interrogeons sur cette fureur normative, sur les projets d’arrêtés, de circulaires et leur capacité à restaurer les stocks ?

Un peu d’histoire, une histoire de normes 

En 1950, l’anguille est très abondante. L’ignorance règne à son sujet. Le décret n°58-874 du 16 septembre 1958 article 29 stipule :"sont reconnus comme particulièrement nuisibles, notamment pour l’application des dispositions de l’article 439-1 du Code rural, le hotu, l’anguille "…

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En 1970, les stocks étaient encore satisfaisants.

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A partir de 1980, très net déclin.

En 2000, l’espèce est en péril.

En 2010, elle est classée « espèce menacée ». Dix ans, fut le pas de temps entre le péril effectif et le statut « d’espèce menacée ».

Entre temps, elle a été victime de la pollution, de la surpêche et d’un braconnage forcené car le prix du kilo de civelle (alevin d’anguille appelé aussi « pibale ») se vend à prix d’or sur le marché local et, il y a encore peu de temps, sur le marché asiatique.

 

Des normes pathétiques en cul de sac

A bout de normes improductives, le MEDDE (Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Energie) a décidé en 2014 mettre en œuvre un programme de repeuplement de l’anguille européenne dans les différentes unités de gestion de l’anguille au sens de l’article 7 du règlement R(CE) N° 1100/2007 et du décret n° 2010-1110… en lançant un appel au secours aux professionnels qui pourraient avoir quelques savoir-faire, un peu de bon sens, du temps à consacrer et de l’imagination.

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Ces défauts de prospectives publiques sont depuis quelques années, baptisés « appel à projets »… ou mieux : « appels à projets innovants ».

Ils sont dotés de prix qui, sous couvert de stimuler l’entrepreneuriat, comblent les lacunes des services publics en matière d’études prévisionnelles.

Le MEDDE espère donc combler ces déficiences en lançant un AAP (Appel à projet) pour la mise en œuvre « du programme de repeuplement de l’anguille en France ». Le budget, hors suivi (30%), s’élevait à 2 000 000€.

 

Les pathologies

Comme un malheur n’arrive jamais seul, aux fléaux humains impactant l’espèce depuis 50 ans, un ver parasite (Anguillicola crassus) produit des ravages. Deux autres agents pathogènes (Pseudodactyloryrus sp. et le virus EVEX) ternissent le tableau d’autant que les études à leur sujet sont lacunaires.

 

La situation réelle, l’avenir de l’espèce et les effets collatéraux

De la profusion originelle, l’anguille, sensible aux pollutions et aux pathologies, pourrait suivre le sort de la morue, éradiquée par la surpêche.

Les pêcheurs, l’ayant considérée espèce « nuisible », chargés aujourd’hui de la protéger puisqu’elle est en voie de disparition, ont trouvé des boucs émissaires placides : les seuils des moulins.

Ils affirment au législateur que "les principaux responsables de la diminution de la population d’anguilles sont : la circulation entravée par les barrages hydroélectriques ou les seuils non pourvus de passe à poissons qui nuisent à sa survie et contraignent ses déplacements."

Le législateur a donc imputé implicitement en 2006 aux ouvrages hydrauliques multiséculaires la charge du déclin de l’anguille (et d’autres espèces migratrices subissant les même sort).

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Cet électorat est sensible… mais nombre de pêcheurs ne partagent pourtant pas les vues de leur fédération nationale.

La FNPF (Fédération nationale de la pêche en France), chargée de protéger la nature, avec beaucoup d’aplomb sur la notion « d’intérêt général », jamais en peine d’une mesure sous couvert d’écologie, fait payer 2 000 000€ au contribuable pour que les hobbies privés de ses clients puissent continuer à pêcher l’anguille.

Ces repeuplements feront au moins le bonheur des braconniers, qui vendront leur butin 350 €/kg, et du silure car la civelle est un mets de choix.

 

Cette pression actuelle exorbitante, probablement temporaire sur les ouvrages hydrauliques, ne devrait avoir strictement aucun effet sur la restauration des stocks d’anguille, espèce victime de bien d’autres maux.

 

Lire : http://www.hydrauxois.org/2015/10/languille-et-les-obstacles-sa-migration.html

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