Un décret du 30 juin 2020 facilite la destruction des moulins et des étangs

Détruire une chaussée de moulin, assécher un bief, un canal ou un étang, détruire un plan d'eau, changer le lit d'un cours d'eau: tout cela est désormais possible sur un simple dossier de "déclaration" loi sur l'eau au lieu d'un dossier "autorisation" selon la procédure initiale. Plus d'étude d'impact environnemental et social, plus d'enquête publique, plus d'information des citoyens.
Nous pourrions nous réjouir de ce choc de simplification?
Cela mérite une analyse une peu plus fine.
D'une part, depuis 2012, nombre de moulins ont souvent déposé un dossier de "mise en conformité". De ce fait, le nombre de ceux qui pourraient bénéficier de cet allègement au niveau national est faible.
Par contre, tout ceux qui n'ont rien fait et qui sont donc à détruire aux yeux de l'administration sont encore très nombreux. L'administration le sait.
D'autre part, l'OCE n'a pas cessé de dénoncer le fait que la loi n'était quasiment jamais respectée lors des chantiers de destructions d'ouvrages: plusieurs rubriques de la nomenclature étaient sciemment ignorées. Nous dénoncions l'iniquité de traitement pour un dossier de demande d'aménagement déposé par un porteur de projet privé, examiné à charge et à la loupe par l'administration, et la grande légèreté et l'indulgence de la DDT quand le prérequis de la destruction exigé par l'Agence de l'eau (financeur) était mis en oeuvre par le Syndicat de rivière (destructeur).
S'il y a eu très peu de recours judiciaires de tiers sur ces procédures réglementaires non respectées par les dossiers "destructions", la DEB (Direction de l'eau et de la biodiversité) savait que la posture n'était plus tenable ni durable au vu du nombre d'ouvrages qu'elle envisage obstinément de détruire.
Il lui fallait donc un outil qui l'affranchisse de respecter les règles procédurales d'instruction des dossiers. La solution était de casser le thermomètre. Sans modifier la loi qui exige le respect de la nomenclature, il suffisait de changer la nomenclature.
C'est aussi habile que déloyal. Plus question de s'encombrer de biodiversité, d'impacts environnementaux, d'aménités sociales et de valorisation des territoires ruraux dans la doxa destructive.

Par un décret de juin 2020, la technostructure de l'eau met bas les masques : en guise de "continuité apaisée" à laquelle ont pu croire quelques naïfs, c'est un blanc-seing à la destruction facilitée et accélérée des aménagements hydrauliques historiques qui est l'enjeu.
Au menu: une bonne dose de désinformation, un zeste de menaces et de harcèlement par courriers recommandés, une carotte à la subvention de 100% pour "effacer", 3 ou 4 pages pour une "déclaration" très allégée au lieu d'un dossier "d'autorisation" de 3 kg. Tels sont les ingrédients pour obtenir la reddition des propriétaires.

Le décret n°2020-828 du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature et la procédure en matière de police de l'eau vient de paraître au journal officiel.

Il est complété par un arrêté du 30 juin 2020 définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, aussi paru au journal officiel.

Le premier texte crée un nouveau type de travaux en cours d'eau, tenant à la "restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques".

« 3.3.5.0. Travaux, définis par un arrêté du ministre chargé de l'environnement, ayant uniquement pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, y compris les ouvrages nécessaires à cet objectif (Déclaration).« Cette rubrique est exclusive de l'application des autres rubriques de la présente nomenclature.« Ne sont pas soumis à cette rubrique les travaux n'atteignant pas les seuils des autres rubriques de la présente nomenclature. »

En clair, tous les travaux de restauration morphologique et de continuité écologique entrent désormais dans la catégorie des simples déclarations (D) et non des autorisations (A). Cela sans limite d'impact même si des milliers de mètres linéaires de cours d'eau ou des milliers de mètres carrés de plans d'eau sont affectés.

L'arrêté donne la mesure de tout ce qui est concerné en ratissant très large:

1° Arasement ou dérasement d'ouvrage en lit mineur ;
2° Désendiguement ;
3° Déplacement du lit mineur pour améliorer la fonctionnalité du cours d'eau ou rétablissement du cours d'eau dans son lit d'origine ;
4° Restauration de zones humides ;
5° Mise en dérivation ou suppression d'étangs existants ;
6° Remodelage fonctionnel ou revégétalisation de berges ;
7° Reméandrage ou remodelage hydromorphologique ;
8° Recharge sédimentaire du lit mineur ;
9° Remise à ciel ouvert de cours d'eau couverts ;
10° Restauration de zones naturelles d'expansion des crues ;
11° Opération de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques prévue dans l'un des documents de gestion suivants, approuvés par l'autorité administrative :
a) Un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) visé à l'article L. 212-1 du code de l'environnement ;
b) Un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) visé à l'article L. 212-3 du code de l'environnement c) Un document d'objectifs de site Natura 2000 (DOCOB) visé à l'article L. 414-2 du code de l'environnement ;
d) Une charte de parc naturel régional visée à l'article L. 333-1 du code de l'environnement ;
e) Une charte de parc national visée à l'article L. 331-3 du code de l'environnement ;
f) Un plan de gestion de réserve naturelle nationale, régionale ou de Corse, visé respectivement aux articles R. 332-22, R. 332-43, R. 332-60 du code de l'environnement ;
g) Un plan d'action quinquennal d'un conservatoire d'espace naturel, visé aux articles D. 414-30 et D. 414-31 du code de l'environnement ;
h) Un plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) visé à l'article L. 566-7 du code de l'environnement ;
i) Une stratégie locale de gestion des risques d'inondation (SLGRI) visée à l'article L. 566-8 du code de l'environnement ;
12° Opération de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques prévue dans un plan de gestion de site du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres dans le cadre de sa mission de politique foncière ayant pour objets la sauvegarde du littoral, le respect des équilibres écologiques et la préservation des sites naturels tels qu'énoncés à l'article L. 322-1 susvisé.

C'est donc un outil nouveau pour nier la démocratie des cours d'eau, affirmer que les destructions ne génèrent aucun impact environnemental sans besoin de les étudier afin de faciliter la destruction de tous les milieux aquatiques aménagés par l'homme au cours de l'histoire et de les renaturer par l'homme tel qu'il l'entend en 2020.

Nous avions mis en garde en 2019 lors de la consultation du public dont on sait que l'exercice ne sert à rien, sur ce projet de décret. Rien n'y a fait, malgré toutes les oppositions exprimées lors de cette supercherie de consultation publique.

Conclusion
Entre se réjouir pour quelques ouvrages pouvant se prévaloir de cet arrêté, nous préférons le dénoncer et le contester pour protéger les milliers d'ouvrages ciblés par le programme univoque de destructions.
C'est à l'administration que profite cet arrêté rédigé par elle.
Nous dénonçons une fois de plus ces enjambements anti-démocratiques ou 2 ou 3 personnes, dans un ministère (MTES) qui prône la co-construction, imposent et usent de leur position dominante pour infliger une doctrine d'écologie politicienne à des milliers d'usagers de l'eau.
C'est le vrai visage de la continuité écologique apaisée: un leurre pour intimider et hameçonner les propriétaires mal informés.

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