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Séminaire sur la continuité écologique organisé au Ministère annulé. Un non-événement?…pas si sûr

{CAPTION}A la place du débat règne le diktat d’une minorité; à l’époque du concept de la démocratie participative nous déplorons qu’au sujet de la politique de l’eau et d’elle seule, les principaux acteurs (moulins, étangs, forestiers et paysans -les ¾ du territoire- ainsi que les producteurs hydroélectriques) n’aient pas voix au chapitre. Il n’existe pas d’autre exemple comparable de déni démocratique en France; on, la continuité écologique n’est ni un enjeu majeur pour l’homme ni pour l’environnement ; l’administration ressentirait des blocages en 2016. Nous n’acceptons pas cette dérision ni le slogan vide selon lequel la réforme souffre d’un problème de compréhension et de pédagogie : la continuité écologique est fort bien comprise. Elle n’est pas acceptée pour ce qu’elle est ni ce qu’elle prétend. Le dessous des cartes (humain) n’est pas glorieux. Si les résultats environnementaux ne sont pas là, il en est un dont personne n’avait besoin, c’est le discrédit que les usagers portent à nouveau sur leur administration alors que le regain de confiance progressait depuis 20 ans. Voilà un enjeu à restaurer.

 

« Organisé par la DEB, ce séminaire devait débattre des enjeux et de la politique de restauration de la continuité écologique des cours d’eau. Les barrages, écluses, seuils de moulins, étangs, prises d’eau d’irrigation, barrages, sont des obstacles à la continuité écologique. Afin d’atteindre le bon état des eaux imposée par l’Europe, la restauration de la continuité écologique est un enjeu majeur. Les interventions peuvent être l’aménagement d’une passe à poissons jusqu’à la suppression complète de l’ouvrage.

Cette politique de restauration de la continuité écologique provoque localement des réactions d’oppositions de plus en plus fortes.

Cette journée devait permettre de débattre sur le bien-fondé de la politique de la restauration de la continuité écologique des cours d’eau et de présenter ses

justifications scientifiques. A partir d’expériences réussies ou pas, l’objectif est de mobiliser et fédérer l’ensemble des acteurs concernés par la restauration de la continuité écologique et d’échanger sur les points de blocage ressentis par les acteurs afin d’élaborer une stratégie mieux partagée ».

Ce modèle de langue de bois doctrinal, martelé depuis la LEMA 2006, a peut-être été contrarié par les propos que les parlementaires ont découverts pour la première fois le 23 novembre 2016 à la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale ?

Au lieu de sentir les blocages l’administration conviendrait-elle que ses prétendues justifications scientifiques circonstancielles ne répondent pas aux questions que nous posons depuis quelques années ? Qu’elle n’a pas d’élément, hormis la croyance, pour répondre aux questions légitimes engendrées par l’application de la continuité écologique?

·                     il existe des pressions sur la ressource quantitative en eau et des incertitudes sur le futur régime hydrologique des bassins en situation de pénurie. La destruction des retenues liée aux effacements de barrages ou de digues d’étangs a-t-elle été évaluée dans les prospectives sur les besoins en eau (alimentation en eau potable, productions agricoles, besoins industriels?

·                     les épisodes récents de crues et inondations ont montré que la mémoire du risque s’efface alors même que nos sociétés sont plus vulnérables que jamais aux aléas naturels. La politique de continuité écologique a pour ambition de modifier de manière globale les systèmes hydrauliques de rivières entières, avec des conséquences sur l’onde de crue, sa diffusion et sa cinétique. Ces points ont-ils été modélisés sur chaque bassin versant avant d’entreprendre des destructions d’ouvrages ? 

·                     des travaux récents en hydro-écologie quantitative (Van Looy et al 2014, Villeneuve et al 2015 en France) montrent que la densité de barrage en rivière a un impact modeste sur les peuplements piscicoles utilisés comme bio-indicateurs de qualité pour la DCE (incluant certaines espèces migratrices concernées par le classement de continuité). Par ailleurs, les habitats lentiques des retenues peuvent avoir des effets positifs sur la biodiversité totale d’un tronçon, laquelle ne se réduit pas à des espèces piscicoles migratrices ou rhéophiles (ni aux poissons en général). Le choix d’effacer ou aménager des milliers d’ouvrages au titre de la continuité écologique répond-il à une priorité pour l’état écologique des rivières, et en ce cas, avec quelle prédictibilité sur l’évolution des peuplements piscicoles et lesquels?

·                     de manière assez constante, la recherche scientifique montre que la restauration physique des cours d’eau a peu d’effets sur la qualité des peuplements biologiques si le bassin versant présente d’autres pressions importantes, liées notamment aux usages des sols (Haase et al 2013, Dahm et al 2013, Verdonschot et al 2013, Nilsson et al 2015). Le classement des cours d’eau à fin de continuité écologique et de restauration des habitats a-t-il été validé par des modèles de priorisation ? A-t-il un sens dans un écosystème pollué ?

·                     des travaux également nombreux montrent qu’en augmentant le temps de résidence hydraulique et la sédimentation locale, les plans d’eau, retenues et étangs liés à des ouvrages hydrauliques ont des effets positifs sur l’autoépuration de la charge en nutriments, mais aussi en produits phytopharmaceutiques (Gaillard et al 2016, Expertise collective Irseta-Onema-Inra 2016). Cette dimension a-t-elle été étudiée dans chaque programme de restauration de continuité au regard des pollutions et des enjeux estuariens ?

·                     les millions de mètres cubes de sédiments remobilisés par le libre transit alimentent les bouchons estuariens. Les surcoûts de dragage sont très élevés. L’impact environnemental du clapage est-il étudié ? La nature de cette surcharge sédimentaire a-t- elle un lien (consistance chimique, pathologies) avec les sinistres déplorés par la filière conchylicole sinistrée ?

·                     la terre a besoin d’eau, mais la mer n’a pas besoin de terre. L’analyse granulométrique des sédiments a-t-elle été conduite ? De quel type de sédiments la continuité écologique et l’océan ont-ils besoin ?

·                     en France (Morandi et al 2014, Lespez et al 2015) comme dans d’autres pays (Palmer et al 2014), des chercheurs ont tiré le signal d’alarme sur le manque de qualité scientifique dans le diagnostic initial et dans le suivi des chantiers de restauration morphologique (dont ceux de continuité écologique), ainsi que sur la mauvaise appréciation de l’histoire sédimentaire des bassins dont la dynamique fluviale doit être restaurée. Comment s’assurer du point de vue méthodologique que l’investissement public dans la continuité écologique produise des résultats tangibles à partir d’une information scientifique solide dès la phase de planification ?

·                     les ouvrages hydrauliques intéressent l’expert en hydrobiologie et hydromorphologie, mais ils ont également de nombreuses autres dimensions, usages (pêche) et aménités sociales. Or, nous constatons que les sciences humaines et sociales (histoire, sociologie, droit, économie, science politique) sont très peu mobilisées sur la question. Comment mettre en œuvre une approche multidisciplinaire des ouvrages hydrauliques, capable de nourrir une programmation publique répondant à l’ensemble de ces enjeux importants ?

·                     Enfin, l’ACA (Analyse coût-bénéfice) est un concept ignoré des prescripteurs de l’eau, tant en termes d’études aussi innombrables que dispendieuses qu’en exigences démesurées de travaux …jamais confrontées aux bénéfices escomptés ni à la pertinence des coûts.

 

L’administration s’est-elle trouvée en déficit d’auditoire, en pénurie de conférenciers, en panne de début de réponses à ces questions importantes?… probablement tout à la fois.

 

 

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