1990-2009 : l’évolution de la population des poissons remet sérieusement en doute le discours officiel sur la continuité écologique

 

L’Onema vient de rendre publique sur son site une synthèse sur les tendances observées dans les populations de poissons d’eau douce de la France métropolitaine entre 1990 et 2009 (Onema 2013). Ce document reflète, assez tardivement, une étude parue en 2011 dans le Journal of Fish Biology (Poulet et al. 2011).

 Au sein de la base de données des milieux aquatiques et piscicoles (BDMAP), une sélection a été faite de 590 stations bénéficiant d’une durée égale ou supérieure à 8 années de suivi. Soit un total de 7746 pêches électriques de contrôle des populations piscicoles en rivière. La couverture est relativement correcte du point de vue national et toutes les tailles de cours d’eau sont représentées, avec  une dominante de petites rivières en ordre de Strahler 3 ou 4 (les ordres 1 à 4 sont nettement plus représentés que les ordres 5 à 8). Au total, 48 espèces ou taxons sont concernés.

A l’échelle nationale, on observe une augmentation de richesse spécifique moyenne (biodiversité), qui gagne 1,4 espèce en moyenne. L’augmentation s’observe sur 58% des stations tandis qu’une diminution est constatée dans 34% d’entre elles.

 Concernant l’occurrence par espèce, les résultats sont également positifs puisqu’une augmentation significative est observée dans 42% des cas et un déclin significatif dans 11% des cas seulement.  Concernant la densité moyenne, la même tendance est relevée : une augmentation significative dans 74% des cas, un déclin significatif dans 17% des cas.

 Qui sont les gagnants et les perdants (si l’on peut dire) de ces tendances dans la population piscicole ? Le résultat n’est pas toujours celui que l’on pouvait espérer.

 Ainsi, sans grande surprise, les espèces nouvellement introduites – comme le silure, l’aspe, le pseudorasbora (extrêmement prolifique) et l’épirine lippue – voient leur population grimper, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les populations autochtones car ces espèces perturbent gravement les écosystèmes. D’autres comme l’anguille, le brochet ou la truite commune sont en revanche en déclin.

 En revanche, on observe aussi le déclin plus surprenant d’espèces connues comme assez adaptables à des eaux polluées ou réchauffées (tanche, brème commune). Il en va de même pour la carpe.

 D’autres espèces plus exigeantes en qualité de milieu ou plus rhéophiles sont en revanche en hausse dans les rivières : barbeau, apron du Rhône, chevesne, lamproies ou chabot.

 Ce qu’il faut retenir :

 • dans la mesure où il y a augmentation globale (mais pas forcément locale) de tous les indices sur la période (biodiversité, occurrence, densité), il est difficile d’invoquer un état catastrophique des populations piscicoles.

 • les causes de l’évolution des espèces ne sont pas analysées, et l’on sait que cette attribution de causalité est très difficile en raison des pressions multiples (pollutions diffuses et aigues, surpêche et braconnage, réchauffement, introduction d’espèces invasives, dégradations morphologiques de toute nature, etc...) 

 • le schéma observé d’évolution des espèces ne permet pas de dire que les seuils et barrages (principaux objets des efforts de continuité écologique) jouent un rôle majeur. Si tel était le cas, on devrait en effet observer un gradient de dégradation plus marqué de l’aval vers l’amont (à mesure que les impacts des obstacles se cumulent) et concernant en priorité les espèces rhéophiles (que l’on suppose affectées dans leur cycle de vie par les retenues à écoulement lent). Or il n’en est rien.

 Il resterait certainement des points techniques à débattre, comme la mesure de significativité des prélèvements sur une même station, qui est un point assez complexe en hydrobiologie. Mais quand on commence à prendre des mesures scientifiques de long terme, au lieu d’imprécations subjectives, voire idéologiques, on est convié à une grande modestie sur le niveau de nos connaissances des rivières et à une grande prudence dans le choix de nos actions.

 Cette étude s'ajoute au constat que l'OCE a déjà fait d'une absence de corrélation entre score de l’IPR (Indice Poisson Rivière. mesure piscicole de qualité) et présence de seuils en rivière, cela sur l'ensemble des départements de la France métropolitaine.

Voir notre dossier complet :  http://oce2015.wordpress.com/2013/01/20/obstacles-sans-impact/

Puissent les décideurs tenir compte de ces incertitudes piscicoles.

 Références

Onema (2013), Tendances évolutives des populations de poissons de 1990 à 2009, Les Synthèses, n°7, mai.

Poulet N, Beaulaton L,  Dembski S (2011), Time trends in fish populations in metropolitan France: insights from national monitoring data, Journal of Fish Biology, 79: 1436-1452.

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