Evaluation de la politique de l’eau : le diable dans les détails

A l’appui de sa démonstration sur l’intérêt de la restauration écologique, le récent rapport d’évaluation de la politique de l’eau cite une étude scientifique internationale qui conclut… en sens contraire, à savoir que cette restauration a un effet très faible sur la biodiversité et nul sur les services rendus par les écosystèmes aquatiques des milieux tempérés.  A ce niveau d’absence de rigueur (meilleure hypothèse) ou de manipulation (pire hypothèse), la politique de l’eau touche-t-elle le fond ?

Les évaluateurs de la politique de l’eau lisent-ils et vérifient-ils  les références scientifiques et techniques qu’ils utilisent? On peut en douter  à propos du prétendu « service rendu par les écosystèmes », serpent de mer permettant de justifier à peu près tout et n’importe quoi.

Le rapport d’évaluation de la politique de l’eau écrit en page 70

« Des études à l'échelle internationale tendent à montrer que la restauration écologique facilite la récupération des services écosystémiques et permet d’augmenter de 44 % la biodiversité et de 25 % les services écosystémiques (58). À l'inverse, il n’y a pas de récupération biologique tant que dure l’altération physico-chimique, et l’artificialisation des milieux aquatiques (chenalisation par exemple) pourrait être à l'origine d'une réduction de 80 % ou plus de la biomasse des poissons. »

La référence (58) appuyant cette affirmation est la suivante :

"l’effet de la restauration écologique est à peu près nul"

"l’effet de la restauration écologique est à peu près nul"

« Rey-Benayas J.M., Newton A.C., Diaz A., Bullock J. (2009). «Enhancement of Biodiversity and Ecosystem Services by Eco- logical Restoration: A Meta-Analysis.» Science 325(5944): 1121 – 1124 (in Onema : Pourquoi restaurer – mai 2010 et in Rapport du CGEDD de décembre 2012 « Plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau (Parce) Diagnostic de mise en œuvre »).»

Un article de "Science", l’une des deux revues de référence dans le monde scientifique, cela en impose. Or de toute évidence, le CGEDD, l’ONEMA et les auteurs du rapport d’évaluation n’ont lu que le résumé de l’étude de Rey-Benayas et al 2009.

En effet, ces auteurs ont pris le soin d’analyser en détail les restaurations de biodiversité et les services rendus par les écosystèmes selon les milieux, en distinguant milieu aquatique et milieu terrestre d’une part, zone tropicale et zone tempérée d’autre part.

Voici le graphique de synthèse de ce travail de recherche, assortie d’une légende en commentaires.

On observe donc qu’en milieu tempéré et aquatique — ce qui intéresse la politique de l’eau en France — l’effet de la restauration écologique est à peu près nul (histogrammes de gauche, différence entre milieu restauré et milieu intact / milieu restauré et milieu dégradé non restauré) et que les services rendus par les écosystèmes ne sont pas statistiquement significatifs (histogramme de droite) — c’est-à-dire que la méta-analyse de Rey-Benayas et al 2009 ne parvient pas à trouver autre chose que du bruit sans signification.

En fait, l’essentiel des gains des opérations de restauration écologique s’observe en milieu terrestre et en zone tropicale.

Références

Rey-Benayas J.M. et al. (2009), Science 325 : 1121-24

Anne-Marie LEVRAUT, Denis PAYEN, Nathalie COPPINGER, François CHOLLEY, Marie-Laurence MADIGNIER, Jean-Jacques BENEZIT, Marie-Louise SIMONI, Richard LAGANIER (2013)

Évaluation de la politique de l’eau, juin 2013

Les commentaires sont fermés.