Protéger l'anguille… pour mieux la pêcher !

Menacée un peu, appréciée beaucoup, aimée à la folie, protégée...pas du tout.

l'incohérence du Ministère de l'Ecologie aurait-elle une limite(1) ?

Ce billet concerne l’anguille. Nous pourrions réitérer, version « protéger le saumon… pour mieux le pêcher »

Qu’il s’agisse d’une activité de loisir ou d’une activité commerciale (Scapêche et autres) les mêmes concupiscences et les mêmes enjeux commerciaux engendrent la même permissivité sur les quotas de pêche de la part de la France et de l’UE…jusqu’au jour où les stocks seront épuisés (2).

 Le Ministère de l'Ecologie a décidé de doubler le quota de civelles (juvéniles des anguilles) destinées à la commercialisation, cela alors même que l'anguille est considérée comme une espèce menacée dans les cours d'eau français et européens, à la suite de sa raréfaction brutale depuis le début des années 1980 (voir la fiche INPN de cette espèce). 

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Dans un communiqué (pdf), la FNPF exprime son désaccord sur ce choix gouvernemental, tout en soulignant qu'il n'existe toujours aucun retour d'évaluation sur le Plan de gestion de l'anguille.

En Yonne et Côte d'Or, la rivière Armançon a été classée en liste 2 au titre de la continuité écologique (art L.214-17 C env.) avec l'anguille comme principal enjeu migrateur amphihalin. Le Ministère de l'Ecologie et l'Agence de l'eau imposent donc des effacements d'ouvrages ou des aménagements coûteux sur le bassin de Seine Amont pendant qu'ils délivrent un blanc-seing de prédation sur le bassin de Seine Aval et autres zones estuariennes.

Cette incohérence, où seul surnage le poids de plus en plus manifeste des lobbies dans la politique de l'eau, serait cocasse si les effets induits n'étaient pas aussi graves pour le patrimoine hydraulique de nos territoires, et socialement pour les propriétaires désemparés des ouvrages menacés.  

Et …très accessoirement pour l'anguille elle-même, espèce dont le recrutement reste très faible dans les rivières malgré une petite amélioration récente.

Rappelons que les ouvrages hydrauliques de l'Armançon étant présents depuis un à huit siècles. Il est peu probable qu'ils soient la cause d'un déclin essentiellement documenté depuis 30 ans.  

Rappelons enfin que les pêcheurs avaient mission de traquer l'anguille comme espèce considérée "nuisible" -par totale ignorance- dans les rivières de première catégorie jusque dans les années 1980, de sorte que leurs fédérations -à la mémoire courte- ne sont pas toujours les mieux placées pour donner des leçons de bonnes pratiques piscicoles et environnementales.

photo : Wikimedia,

A lire sur le sujet : l'excellent ouvrage d' Eric Feunteun (2012), Le rêve de l'anguille, Buchet-Castel. Un des meilleurs spécialistes internationaux de l'anguille expose de manière précise et vivante nos connaissances sur l'espèce, ainsi que les enjeux de sa protection.

(1)quand les bornes sont dépassées…il n’y a plus de limites !

(2) qu’adviendra-t-il de la pertinence des classements des cours d’eau L1, L2 ?…un ordre de reconstruction des seuils et des barrages détruits sur l'autel des espèces piscicoles amphihalines?

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