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Projets de territoires: FNE confisque la pensée

C’est ce que nous inspire la lecture du rapport du 22/10/2018 du CGEDD sur « la gestion quantitative de l’eau pour faire face aux épisodes de sécheresse ». Un sujet qui nous tient à cœur. Et comme FNE fait référence à la version du 01/06/2018, nous avons lu ce document de travail. Le mot « Sivens » y est cité 15 fois. C’est une démarche de confiscation de la pensée publique.

FNE valorise « Sivens » comme un chiffon rouge

FNE a réussi à capter le discours sur un bien commun, l’eau, pour faire passer un message particulier : « les plans d’eau, étangs et les barrages devraient disparaître ». L’eau a toujours été un bien commun en tant que bien partagé pour de multiples usages, exceptés ceux qui désormais devraient être bannis, car FNE les décrète illégitimes.

FNE brandit « Sivens » comme un étendard pour en faire implicitement un verrou  psycho-administratif pour s’opposer aux projets de plans d’eau et stigmatiser ceux qui existent.

Que FNE dicte de regarder les milliards de mètres cubes d’eau couler vers l’océan et préconise la restriction des usages(1) au lieu d’intercepter l’eau excédentaire, relève d’une posture difficilement soutenable qui s’oppose à l’intérêt général.
On l’observe avec la sécheresse 2018. Elle succède à d’autres…qui en précèdent peut-être de plus sévères ?

Des préceptes viciés

L’inflation normative a eu pour corollaire de susciter le réflexe du recours au financement public. Ce qui était autorisé, autofinancé, est devenu interdit avec une alternative, elle subventionnée.

Volonté de contrôle, perte d’autonomie, chacun doit rentrer dans les cases de l’Etat jacobin. Chaque projet doit obéir à une nomenclature et une grille de financement.
Il n’est pas établi que ce mode de réflexion serve l’Etat.
En effet, l’époque n’est pas éloignée où le pétitionnaire supportait son entier investissement. Et il ne manque pas de porteurs de projets qui n’auraient jamais eu l’idée de recourir à l’Agence de l’eau si les procédures ne l’y incitaient pas.
C’est nouveau et spécifique au domaine de l’eau, le financement public d’un projet privé n’est ni la garantie de son efficacité, ni le gage de son bien-fondé.
Les contre-exemples abondent avec les bassines énergivores, installées dans des terres cultivables, pompant dans la nappe phréatique et qui remplacent les étangs plans d’eau gravitaires recelant une riche biodiversité.

Pour l’Etat, c’est perdant-perdant : il subventionne FNE et indemnise les « calamités sécheresse » au lieu d’augmenter la ressource.

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Le syndrome de la co-construction
Depuis Sivens, tout doit répondre depuis 2015 du principe de la co-construction(2).
La co-construction, c’est une ouverture théorique et un frein effectif: c’est l’art de débattre des “besoins”, entre celui dont l’activité économique résulte de l’usage de l’eau, et celui qui n’en a pas besoin.

Imaginez ce scénario: des syndicats agricoles, qui seraient subventionnés à hauteur de quelques millions d’euros/an, et utiliseraient cette manne publique pour manifester et s’opposer farouchement en toutes circonstances contre les transports en commun. Absurde ? Telle est pourtant la posture de FNE au sujet de la gestion quantitative de l’eau.
Ses adhérents n’ont pas plus besoin d’eau que les paysans n’utilisent les transports en commun.

Or, les acteurs économiques ne disposent d’aucun  moyen pour exiger que leur contradicteur ne réduise sa consommation annuelle de 150 à 50 m3/an. Et cet adhérent hydrovore non contrôlé s’autorise à suggérer à l’industriel et au paysan l’usage qu’ils devraient faire de l’eau. Sous couvert d’écologie, bien entendu.
C’est ça, la co-construction.

Comment répondre aux enjeux ?

Les rares prospectives officielles sur la gestion quantitative de l’eau s’interdisent d’emblée certains diagnostics. La pensée publique est terrorisée, sclérosée au point même que la sémantique s’autocensure : il y a des mots tabous, qui risqueraient de heurter FNE avant même qu’ils ne soient prononcés.

Attendons de voir si cette disposition de « projets de territoires » répondra très rapidement à l’aléa sécheresse, dans un pays qui reçoit 137 milliards de m3 d’eau utile/an alors que notre consommation n’est que de 50 milliards de m3. Des problématiques de riches.


Le CGEDD aurait pu s’inspirer des « retours d’expérience », les vrais. Pas ceux à l’échelle de 5 ans… alors que depuis des siècles, de la Méditerranée au Machu Picchu, des civilisations ont su répondre aux enjeux de l’eau alors qu’elle était rare.
Et pas nous !

(1) la chasse à tous les gaspillages, fuites des réseaux constitue évidemment un axe pertinent.

(2) nous sommes attaché à toute démarche démocratique. Adhérer à une association ne nous rendrait pas pour autant omniscient ni légitime pour nous prononcer sur la co-construction de projets de tiers.

Rapport PDF ici : gestion quantitative eau_CGEDD_rapport oct 2018

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Commentaires du CGEDD :

« La conséquence de cette approche « subie » est que, bien souvent, on aura repris sans guère de changements les outils antérieurs, en les « repeignant » aux couleurs d’un projet de territoire, alors qu’il eut été préférable d’aller plus loin dans l’analyse des potentialités de ce nouvel outil ».

« La faiblesse du volet qualitatif des projets analysés crée une fragilité préoccupante qui peut contrarier la légitimité d’une intervention des agences de l’eau et poser plus globalement la question de l’opportunité d’un financement public ».

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