L’INRA embrouillerait-il un peu plus le débat sur les cours d’eau ?

Elargir au débat mondial offre-t-il une diversion au débat national très controversé?

En titrant que « Plus de la moitié des cours d’eau mondiaux sont intermittents » l’INRA ne précise pas si un oued est qualifié de « cours d’eau » dans son pays, ni si un écoulement d’eau en France répond à la qualification de « cours d’eau » selon les critères (que l’INRA ne rappelle pas) ni selon une jurisprudence constante (que l’INRA oublie de citer) définissant le principe légal de « cours d’eau ».

L’infox va bon train sur la notion d’intermittence pour des « cours d’eau » qui n’ont peut-être jamais été « cours d’eau », mais pour lesquels (sait-on jamais ?) des prescriptions administratives encore plus fortes leurs permettraient, par un miracle indéfini, de devenir « cours d’eau » ?
Une vraie fable préparant les esprits ?

Discussion

Ceci dit, l’information sur le fait que les cours d’eau mondiaux soient intermittents nous semble un truisme incontestable.
Et ensuite… que fait-on de ce constat ?

Rappelons nos suggestions récurrentes, ayant fait leurs preuves depuis des millénaires, sur la faculté d’assurer le soutien d’étiage des cours d’eau et d’écosystèmes, favorables à la biodiversité en France :

-          stocker l’eau gravitaire excédentaire = oui.

-          pomper dans la nappe captive = non, tant que nous n’avons pas lancé toutes les prospectives permettant de stocker l’eau douce gravitaire qui se perd dans l’océan.

-          créer des retenues importantes suggérées par des concepteurs pour lesquels seul un projet dit « ambitieux » serait digne de considération = non.
Ce concept inapproprié reste en vigueur chez les concepteurs, à l’aune d’honoraires alléchants (études copieuses et maîtrise d’œuvre de travaux).

-          Créer les plans d’eau et étangs dimensionnés selon la classification hydrographique de Strahler = oui ;
En clair : un petit ruisseau = un petit étang, et ainsi de suite.

Notre avis

Concernant la gestion quantitative de l’eau, il existe 36 000 appréciations pour épiloguer.

Mais nous en retenons deux :
- la bonne : pour stocker l’eau gravitaire excédentaire selon un concept millénaire mondial, capable de répondre aux enjeux,
- la mauvaise : pour vider les cours d’eau selon le concept dogmatique récent des « rivières sauvages ».

https://www.inrae.fr/actualites/plus-moitie-cours-deau-mondiaux-sont-intermittents-premiere-cartographie-lechelle-mondiale

Plus de la moitié des cours d’eau mondiaux sont intermittents : une première cartographie à l’échelle mondiale

COMMUNIQUE DE PRESSE - Une nouvelle étude portant sur 64 millions de kilomètres de cours d’eau dans le monde révèle qu'entre 51 et 60 % cessent de couler périodiquement ou sont à sec pendant une partie de l'année. Ces résultats, publiés le 16 juin 2021 dans Nature, découlent du tout premier effort de quantification empirique et de cartographie de la distribution mondiale des rivières et des ruisseaux intermittents. Menée par des chercheurs d’INRAE et de l'Université McGill, cette recherche vise à faire reconnaître la prévalence et l’importance écologique des cours d’eau non pérennes et à déclencher des démarches pour gérer adéquatement ces écosystèmes uniques.

Publié le 17 juin 2021

illustration Plus de la moitié des cours d’eau mondiaux sont intermittents : une première cartographie à l’échelle mondiale© Bertrand Launay, INRAE

Les cours d'eau sont essentiels pour le maintien de la biodiversité, des cycles biogéochimiques et des sociétés humaines. La recherche d’INRAE et de l'Université McGill montre que plus de la moitié des 64 millions de kilomètres de cours d’eau étudiés cessent de couler au moins un jour par an en moyenne. Contrairement aux rivières et ruisseaux permanents dont l’importance est bien reconnue, la valeur et le devenir des cours d’eau intermittents ont tendance à être négligés ou ignorés.

 Distribution mondiale des cours d'eau intermittents. Ils sont présents sous tous les climats et sur tous les continents. (Messager et al. 2021)

Des écosystèmes uniques et précieux sous tous les climats et sur tous les continents

Les rivières et ruisseaux intermittents abritent une biodiversité unique, composée de nombreuses espèces adaptées aux cycles de présence et d'absence d'eau. Ils jouent également un rôle important dans le contrôle de la qualité de l'eau et fournissent des sources d'eau et de nourriture essentielles pour les populations. Aujourd’hui, il s’agit de la première source d’eau et de moyens de subsistance pour des millions de personnes.

En s'appuyant sur des informations concernant le climat, l'hydrologie, la géologie, et l'utilisation des terres environnantes du réseau fluvial terrestre, cette étude met en évidence la présence des cours d’eau non pérennes dans tous les climats et biomes[1], et sur tous les continents. Sur la base d'estimations préliminaires, l’étude suggère que plus de la moitié de la population mondiale vit dans des endroits où le cours d'eau le plus proche n'est pas pérenne.

De nombreux cours d'eau autrefois pérennes sont devenus intermittents au cours des 50 dernières années, y compris des sections de fleuves emblématiques tels que le Nil et le Colorado. Liée à la poursuite du changement climatique, aux changements d'utilisation des terres, et à l’évolution du prélèvement d'eau pour de multiples usages (agriculture, eau potable, industries et énergie …), une proportion de plus en plus importante du réseau fluvial mondial devrait cesser de couler de manière saisonnière au cours des prochaines décennies.

Un manque d’études et de gestion adaptée

Bien souvent, les cours d’eau intermittents sont gérés de manière inadéquate voire exclus des actions de gestion et des lois de conservation, car oubliés. Cette négligence conduit dans de nombreux cas à leur dégradation due au pompage excessif de l'eau, à la pollution et à la surpêche.

Jusqu'à présent, les sciences de l'eau douce se sont concentrées sur le fonctionnement et la conservation des masses d'eau pérennes. Ce n’est que récemment que les scientifiques ont pris conscience de l’importance et de la dégradation rapide des cours d’eau intermittents. Par conséquent, les méthodes scientifiques, les outils de gestion, et les protocoles de surveillance de la santé de ces rivières et ruisseaux sont encore limités ou absents.

Pour comprendre et gérer de manière adéquate les eaux courantes terrestres, leur biodiversité et leur intégrité fonctionnelle, les résultats de cette étude appellent à une révision des concepts fondamentaux de la science et la gestion des cours d’eau qui supposent traditionnellement un écoulement de l'eau toute l'année dans les rivières et les ruisseaux.

L’extrapolation du débit, enregistré par des stations de mesure situées dans plus de 5 600 cours d’eau, a permis aux chercheurs d’établir la première carte mondiale des cours d’eau intermittents. Cette carte fournit des informations de base essentielles pour suivre les évolutions futures du débit et pour déterminer et surveiller les rôles de ces rivières et ruisseaux dans le maintien de la biodiversité et des cycles hydriques et biochimiques.

[1] Biome : ensemble d'écosystèmes caractéristique d'une aire biogéographique.

Référence

Messager, M.L., Lehner, B., Cockburn, C. et al. Global prevalence of non-perennial rivers and streams. Nature 594, 391–397 (2021). DOI : 10.1038/s41586-021-03565-5

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