L’effacement des barrages et étangs doit répondre des responsabilités environnementales

Protection de la biodiversité en toutes circonstances. Telle est cette jurisprudence récente. Depuis des siècles l’homme n’a eu de cesse d’aménager les cours d’eau pour répondre à ses divers besoins. La destruction de ces ouvrages hydrauliques, une idée récente prônée par l’administration et priorisée par les financements des Agences de l’eau a été dénoncée par les usagers... sans que cela ne change rien aux actions prévues dans le 11ème programme desdites Agences.

La destruction selon quel mode opératoire ?

Les Agences de l’eau exigent du bureau d’étude que l’effacement soit le scénario n°1 proposé.
Bien que relevant d’un dossier "autorisation" au titre de la nomenclature (art R.214-1 CE), les dossiers de destructions d’ouvrages qualifiés pudiquement "d’effacement" étaient déposés au titre d’une simple "déclaration de travaux ". C’était illégal.
Mais la DDT, favorable à cette doctrine, lisait d’un œil complaisant un dossier lacunaire, peut-être même régularisé a posteriori quand il y avait quelques remous locaux, et faisait signer au préfet l’autorisation de destruction.

1) Pour continuer à pouvoir détruire le patrimoine, l'administration à changé la procédure administrative. Nous ne sommes pourtant ni à Pékin ni à Mouscou, mais à Paris.
Les fortes controverses soulevées par cette dissymétrie de traitement administratif, inéquitable entre les dossiers "destruction" et des dossiers de demandes d’aménagements, a poussé la DEB à casser le thermomètre. Le décret n°2020-828 du 30 juin 2020 exonère la rubrique "autorisation" car elle nécessitait un dossier exhaustif et copieux (justement proportionné aux impacts et effets induits). Une simple déclaration de travaux suffit désormais pour détruire le patrimoine.

2) « Les travaux de destruction ne génèrent aucun impact au milieu ».
Par postulat, une destruction d’ouvrage (moulin ou étang) n’engendre aucun impact environnemental ni préjudice socio-économique. Evidemment, en ne cherchant rien, on ne risque pas de trouver.
Par ce postulat, il n’y a jamais eu de préjudice sur la faune et la flore sauvages, ni de pelleteuse dans les cours d’eau.

       
Ce ne sont pas des sédiments, mais la terre du talutage, évacuée dans le cours d'eau... pour alimenter le bouchon vaseux de l'estuaire.

3) Les indicateurs de suivi ?
Dans la fiche de suivi des REX (retour d’expérience) concernant la valorisation de l’opération, le déplacement sur site d’un élu, la parution dans la presse suffisent.
Les auteurs se félicitent a posteriori d’une opération ambitieuse et exemplaire puisqu’elle fut reprise dans la presse (par des articles convenus) en guise de seule valorisation.
L’environnement est ignoré et l’ACB (analyse coût-bénéfice), nonobstant l’argent public dépensé, systématiquement passé sous silence.
C’est une réussite, point !

Une jurisprudence européenne intéressante

Puisque les instances en France relisent et modèlent les textes à leur gré au service d’une doctrine ignorant l’intérêt général, nous devrons être de plus en plus attentifs sur les textes venant de Bruxelles.

La directive 2009/147/CE – Conservation des oiseaux sauvages – Directive 92/43/CEE – Dans un renvoi préjudiciel sur la conservation des habitats naturels ainsi que les impacts sur la faune et de la flore sauvages doivent être évités au visa de la directive sur la responsabilité environnementale.

L’article 2, point 1, sous a), de la directive 2004/35/CE définit la notion de "dommage environnemental" par rapport aux espèces protégées : « les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés, à savoir tout dommage qui affecte gravement la constitution ou le maintien d’un état de conservation favorable de tels habitats ou espèces ; l’importance des effets de ces dommages s’évalue par rapport à l’état initial, en tenant compte des critères qui figurent à l’annexe I ». (…)

Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la directive sur la responsabilité environnementale, les dommages environnementaux doivent être évités :

« Lorsqu’un dommage environnemental n’est pas encore survenu, mais qu’il existe une menace imminente qu’un tel dommage survienne, l’exploitant prend sans retard les mesures préventives nécessaires ».

Il conviendra d’exiger des études d’impacts dignes de ce nom, faisant l’inventaire de la faune et la flore locales.
Sous couvert de continuité « écologique », il est statistiquement impossible que de nombreuses espèces protégées n’aient pas été décimées par ces travaux lourds et leurs habitats détruits.
Il est inadmissible d’avoir trompé les élus à ce titre.
Par analogie aux articles dithyrambiques sur les bienfaits environnementaux d’un étang, il est impossible que sa destruction n’induise pas d’impacts sur les espèces et la zone humide inféodée à son système hydraulique.

Si nous avons bien compris cette jurisprudence, il convient de remplacer lors de sa lecture « déboisement » par « effacement » puisque le recours concernait une coupe rase forestière.

On va pouvoir épargner, dans les dossiers contentieux, les arguments sans fin et sans preuve scientifique sur les barreaux toujours trop espacés d’un plan de grille, le non-respect du débit réservé même quand les vannes du moulin sont fermées, qu’un plan ne soit plus alimenté en eau doit assurer un débit réservé, que les écoulements d’eau deviennent « cours d’eau », les prétendus besoins d’un débit biologique indéterminé.
L’UE exige de ne plus ignorer le respect des « directives habitat » et « directive oiseaux ».

 

► Quels sont les outils répressifs actuels ?

L’arsenal actuel est assez faible. Il faut reconnaître que les outils répressifs au service de la protection de l’environnement nous semblent encore fragiles. Les sanctions pénales en vue de réprimer les comportements illicites à l’encontre d’espèces protégées et des espaces naturels restent peu dissuasives, voire incohérentes dans l’échelle des sanctions.
Il nous semble improbable que le juge pénal se prononce pour les peines maximales encourues dans ses jugements. Elles peuvent même relever d’une simple contravention de 5ème classe, punie au mieux d’une amende de 1500€.
Elles sont donc peu dissuasives et illustrent dans les faits le peu d’intérêt et encore moins la valeur affectée aux espèces protégées.
Rappelons dans ces conditions, le grand paradoxe affiché dans la phase instruction de dossier de demande environnementale assortie de moult prescriptions complémentaires.

► l’article L.415-3 CE

Cet article dispose : «est puni de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende :

1° le fait, en violation des interdictions ou des prescriptions prévues par les dispositions de l'article L.411-1 et par les règlements ou les décisions individuelles pris en application de l'article L.411-2 :

a) de porter atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques, à l'exception des perturbations intentionnelles ;
b) de porter atteinte à la conservation d'espèces végétales non cultivées ;
c) de porter atteinte à la conservation d'habitats naturels ;
d) de détruire, altérer ou dégrader des sites d'intérêt géologique (…)

L'amende est doublée lorsque les infractions visées aux 1° et 2° sont commises dans le cœur d'un parc national ou dans une réserve naturelle.

Lorsqu'une personne est condamnée pour une infraction au présent article, le tribunal peut mettre à sa charge les frais exposés pour la capture, les prélèvements, la garde ou la destruction des spécimens rendus nécessaires ».

► Contre qui se retourner, qui mettre en cause ?

Telle la croisade contre les Albigeois, interprétée par un avocat : « appelez-les tous à la barre, Dieu reconnaîtra les siens ».

1) le préfet… et qui d’autre ?
2) le syndicat de rivière au titre de maître d’œuvre et très souvent maître d’ouvrage par délégation ?
3) le bureau d’étude ayant oublié d’étudier,
4) les entreprises de TP.

Depuis 2010, il s’est répandu chez tous les entrepreneurs de travaux publics, agricoles et forestiers une information floue et subliminale, résumée par le fait qu’approcher un tracteur d’un cours d’eau constitue un grand délit.
Faute de fondements précis à cette crainte, il arrive que de plus en plus certains refusent un chantier "à risques".

De la grimace au grand sourire :
Ces mêmes entrepreneurs n’hésitent pas à faire patauger leurs engins dans les cours d’eau quand ils interviennent pour un syndicat de rivière, qui plus est avec des prix très alléchants.

Restaurer la crainte :

• Agir en amont de la délinquance écologique.
Il serait peut-être une information très pédagogique à porter à la connaissance des entreprises que chaque délit écologique fera désormais l’objet d’une plainte.
De quoi faire réfléchir les entreprises quand elles plongent leurs engins dans l’eau sur un chantier de destruction du patrimoine et de l’environnement, fusse-t-il très bien payé et résultant d’un marché public !

 

     
Comment nettoyer l'huile hydraulique qui coule des verins, l'huile moteur, la graisse qui sort des graisseurs et le gas-oil ? Vous plongez votre pelle dans un cours d'eau.

• Les infractions s’appliquent aux personnes morales, pénalement responsables des infractions commises au titre de l’art 121-2 du Code pénal. L’amende encourue par les personnes physiques est égale au quintuple du montant encouru par les personnes physiques (art 131-38 du Code pénal) sans parler des peines complémentaires possibles (interdiction d’exercer, exclusion des marchés publics…)

• Invoquez la Responsabilité sociale des entreprise (RSE). La responsabilité pénale des opérateurs en droit de l’environnement peut être engagée sur le fondement de leurs engagements volontaires quand ils candidatent à un marché public qui plus est lié à la problématique de l’eau et leurs pratiques vertueuses et éco-socio-responsable.

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