L’ADN environnemental, un allié ou un nouveau fléau ?

Si l’ADN utilisé par la police scientifique est un immense progrès, pour les espèces piscicoles, l’intérêt serait une étude de l’ADN des espèces originelles comparé à l’ADN des mêmes espèces actuelles. Cette expertise mettrait en évidence l’impact anthropique de la gestion du milieu naturel, positif ou négatif. En 2020, nous sommes encore dans la croyance et les allégations. C’est un peu faible pour prétendre apporter des remèdes coûtant quelques milliards d’euros.

Nous ne cessons d’implorer plus de science dans le dogme de la politique de l’eau, donc l’ADN environnemental, pourquoi pas … mais la France n’a pas encore réglé les sujets vitaux de la qualité de l’eau ni de sa gestion quantitative.

Qu’est-ce que l’ADN environnemental ?

Le principe consiste à identifier des espèces à partir de l’ADN qu’elles laissent dans le cours d’eau.

 

Le principe de l’ACB "analyse coût-bénéfice" enfin connu des Agences de l’eau.

C’est peut-être la première fois que l’Agence de l’eau y fait référence : cette technique « met en lumière le très bon rapport coût-efficacité ».

Il est inadmissible que ce principe ne soit jamais étudié ni même évoqué pour tous les projets de destructions d’ouvrages hydrauliques (barrages, seuils, chaussées d’étangs). La dépense est toujours exorbitante, le bénéfice environnemental plus potentiel qu’avéré et le Return on Investment (ROI) jamais calculé pour le maître d’ouvrage, sans que cela n’émeuve personne.
Cet outil d’analyse est utilisé quand les résultats valident le projet.
S’il est considéré comme un allié, cela rend l’usage de certaines informations tirées de l’ADN environnemental suspect, s’il n’est pas croisé par une analyse classique du peuplement piscicole.

 

Le classement des cours d’eau et les prescriptions complémentaires : un nouvel espion qu’il sera difficile de contester pour un particulier ?

Rappelons en effet les dérives à la faveur du classement des cours d’eau faisant peser des charges spéciales exorbitantes (art. L.214-17 CE) contraignant les ouvrages à être équipés de passes à poissons, pour une espèce cible inexistante dans le cours d’eau.
De nombreux ouvrages ne sont pas encore en conformité par rapport à une règle légale, qui ignore dans certains cas, la réalité du peuplement piscicole. En ce sens, l’inventaire évalué par l’ADNe pourrait avoir un intérêt s’il n’est pas uniquement utilisé « à charge ».

Pour un étang, l’ADN ancien d’une espèce protégée pourrait être lourd de conséquences. La DREAL pourrait rédiger une ordonnance sur les nouvelles modalités de gestion de l’étang.
Mais si cet ADNe risque de confirmer l’absence d’alose dans un cours d’eau, gageons que le préfet coordonnateur de bassin ne requalifiera pas le classement en L2 : l’ADN restera un résultat interne non diffusé, ou plus simplement, l’inventaire n’y sera pas réalisé s’il risque d’infirmer la présence d’alose.

Par contre, pour infliger des « prescriptions complémentaires », l’ADNe (bénéficiant d’un bon rapport coût-efficacité) vous sera opposé avec de réelles difficultés pour un particulier à contredire cette méthode savante.
L’ouvrage de franchissement devra être adapté à toutes les espèces, même à celles qui n’ont aucun besoin de migration.


Telle est la tendance de surenchère des exigences administratives baptisée « continuité écologique apaisée », même pour des espèces élevées en pisciculture, introduites dans le cours d’eau dès qu’elles font la maille. Ce sont les alevinages.
Avec de beaux "alevins" de 25 cm, lâchés sept jours avant l’ouverture.

Ce nouvel outil d’inventaire piscicole pourrait permettre d’exiger la reconstruction une seconde fois des passes à poissons. Celles construites pour le saumon, avec fonds publics dans les années 2000, puis devenues « non conformes » en 2012 après l’ajout de nouvelles espèces, reconstruites depuis 2015, pourraient redevenir non conformes aux espèces potentielles ayant vécu en amont.
Pour les migrateurs venus de l’aval, le sujet risque d’être tranché par l’effondrement des stocks mondiaux, encouragé à sa mesure par les MTES qui délivre des quotas de pêche pour des espèces en voie manifeste d’extinction d’un côté, et accuse le taux d’étagement de l’autre.

 

La méthode est-elle plus fiable que la pêche électrique traditionnelle ?

Evidemment non, à bien des égards.
• des études sur de l’ADN provenant de sédiments ont permis de remonter à 400 000 ans.

 

• l’ADN de mammouth (disparu il y a 15 000 ans) retrouvé dans le pergélisol, a apporté une preuve indéniable de la conservation de l’ADN dans l’environnement (Willerslev et coll. 2003).
Non seulement le reproche fait aux ouvrages en travers des cours de bloquer le transit sédimentaire pourrait s’aggraver en ce que lesdits sédiments contiennent l’ADN de tous les poissons encore présents au 19ème siècle.
Imaginez un inventaire de l’ADNe en aval du Vicoin et du Thouet à Saumur (désormais sans eau ni poissons), avec par contre les sédiments remis en charge par la destruction des barrages (25 moulins pour le Vicoin).
Le résultat de cet inventaire, par le biais de l’ADN, peut identifier toutes les espèces originelles.


• les erreurs de séquençage

Des erreurs peuvent se produire lors de l’amplification des séquences, ou l’apparition de mutations dans les séquences (Acinas et coll. 2005). Mais la majorité des erreurs de substitutions de bases surviennent lors du séquençage (Kunin et coll. 2010).

• de l’ADN d’espèces non natives ou mythiques
Quel intérêt apportera-t-on a de l’ADN d’espèces introduites par les pêcheurs en termes d’obligations administratives de circulation piscicole ? Tel est le cas de la truite fario dont il est fait grand cas dans la continuité écologique. Elle aurait été éradiquée des cours d’eau sans les empoissonnements massifs. Dès lors, quelle nécessité environnementale de dépenser des millions d’euros pour la truite fario d’élevage pouvant être introduite tous les 500 mètres ?

• les erreurs en laboratoire

Selon les fonctions des protocoles utilisés (molécules, milieux, techniques de conservation, algorithmes employés pour traiter les données…), qui varient selon les laboratoires, les résultats de l’analyse d’un même échantillon peuvent être différents, ce qui pose le problème de la fiabilité de ces résultats entre les laboratoires (Knudsen et coll. 2016).


• les interactions génétiques
Si l’ADN provenant d’un hybride entre deux espèces A et B, est séquencé il sera impossible de savoir si cet ADN provient de A, de B ou de AB.
Dans le brassage de gènes si celui-ci est interspécifique, si l’espèce X a un gène issu de l’espèce Y et que l’on séquence ce gène, il pourra être attribué par erreur à Y et non à X.


• les erreurs d’interprétation des résultats

L’inventaire d’espèces à partir de l’ADN est une méthode incomplète.
Dans une stratégie de ciblage où l’on cherche à détecter une espèce connue, même si la détection d’une séquence est correcte, son interprétation n’est pas simple : l’ADN est en effet le même, quel que soit le stade de vie du poisson (œuf, alevin, adulte), qu’il soit vivant ou mort.

Ces différentes configurations peuvent avoir des conséquences lourdes en termes de prescriptions administratives sous couvert de la conservation d’une espèce même disparue du cours d’eau.
La détection de l’ADN a un endroit donné ne signifie donc pas la présence avérée de l’espèce.

Environmental DNA reveals that rivers are conveyer belts of biodiversity information | Nature Communications

 

ADN environnemental, un nouvel allié pour l’étude de la biodiversité !

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