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La gestion quantitative de l’eau étudiée au Sénat

 

« Disqualifier globalement le stockage d’eau ne paraît pas fondé scientifiquement« . Les auteurs de ce rapport recommandent logiquement la construction de nouvelles retenues. Cécile Cukierman, Alain Richard, Catherine Belrhiti et Jean Sol ont présenté le 07/12/2022 leurs conclusions ; « Comment éviter la panne sèche ? Huit questions sur l’avenir de l’eau en France » posées par la délégation sénatoriale à la prospective.

 

Le stockage de l’eau : un réflexe multiséculaire de l’homme.

Les éléments du rapport confirment que notre consommation nationale s’élève à environ 35 milliards de mètres cubes. La quantité d’eau dite « disponible » s’élève à environ 137 milliards de mètres cubes.

Or, la France retient très peu l’eau de pluie : seulement 4,7 % de la ressource contre presque 50 % en Espagne. L’option de stockage d’eau est devenue très critiquée paradoxalement par ceux qui n’en ont pas besoin, à part pour leur piscine.
L’eau est pourtant un enjeu pour toute société humaine sédentarisée. Elle a été stockée pendant des siècles pour répondre aux besoins. C’est un réflexe simple de bon sens.

 

Le stockage de l’eau : un sujet devenu idéologiquement sensible au point d’inventer de vrais-faux remèdes.

Depuis le discrédit des plans d’eau classiques, les usagers ont dû imaginer des palliatifs : retenue collinaire, retenue de substitution alimentée par pompage. Or tous ces prétendus remèdes non durables amputent la surface agricole utile.
C’est déjà la première entorse au concept pertinent du « zéro artificialisation » des sols.

Etanchéification par des bâches EPDM, alimentation dévoreuse d’énergie et le summum :  financements par des fonds publics.
A bien des titres, c’est tout faux pour les pseudo-remèdes de ces nouvelles pratiques, nées de la stigmatisation par les écologistes du mode de stockage historique.
Le problème, fermement décrié, est maintenant dans les « solutions » adoptées.

 

L’amélioration des capacités de stockage existantes.

Dans une publication de 2017 consacrée à l’impact cumulé des retenues d’eau, un collectif d’experts relate que jusque dans les années 1990, la France a vu les retenues d’eau se multiplier pour répondre notamment aux besoins d’irrigation agricole. Ajoutons les aménités sociales, la pisciculture et la pêche de loisir. S’appuyant sur des travaux du début des années 2000, cette publication estimait qu’il existait « environ 125 000 ouvrages de stockage pour une surface de 200 à 300 000 ha et un volume total d’environ 3,8 milliards de m3 stockables». Le volume moyen des ouvrages destinés à l’irrigation agricole était estimé autour de 30 000 m3.

 

Or, une partie de ces retenues ne répond plus aux enjeux pour diverses raisons : le choc de complication de la pression administrative, la disparition des pisciculteurs d’étangs démobilisés, entre autres, par la prédation du cormoran, les importations (panga, tilapia…) et la chute des cours.
Or dans une
 entreprise, sans rentabilité = plus de possibilité d’entretien courant.

Une stratégie de remobilisation et de modernisation des étangs pourrait être engagée, mais il n’y a aucune volonté politique en ce sens pour cette filière oubliée.
En exigeant des prescriptions techniquement insensées et toujours dissuasives, la surenchère administrative a condamné cette filière pourtant qualifiée de « stratégique » sous Michel Barnier, alors Ministre de l’Agriculture.

Pourtant, le potentiel de stockage d’eau existe, sans aller jusqu’à inventorier toutes les anciennes retenues dont il reste les vestiges des nombreux barrages sur le terrain. Nous pourrions donc au 21ème siècle, réinventer le stockage d’eau douce par nécessité ?
Mais cette optimisation de l’existant est contestée par les écologistes.

 

La création de retenues supplémentaires

Entre la peste et le choléra, il conviendrait d’abord de définir la nature de ces retenues modernes permettant d’assurer la fonction de stockage, puis d’arbitrer entre :

-celles qui nécessitent des travaux lourds avec un bilan CO² calamiteux,
-celles qui pompent dans la nappe à grand renfort d’électricité, utilisent des tonnes de produits pétroliers (bâches EPDM),

-celles dont le fonctionnement serait « proche de la nature » selon le rapport.
Un vrai défaut de prospectives.
Le rapport recommande à bon escient des techniques « proches de la nature » mais sans citer ces modus operandi. Nous suggérons donc revenir au bon sens séculaire : un stockage  [non qualifié d’étang pour ne pas déclencher l’ire des écologistes] en fond de vallée, alimenté par l’eau gravitaire excédentaire.
Tel est le seul schéma « proche de la nature ». Il a été tellement vilipendé que plus personne ne se risque à le rappeler.

 

Alors que les règles administratives pèsent de plus en plus, les agriculteurs insistent sur la nécessité de faciliter les procédures extrêmement lourdes, coûteuses forment des obstacles quasi-infranchissables à la création de toute nouvelle retenue. Dans des dossiers, le coût des études d’impact est parfois supérieur au coût des travaux pour implicitement conduire les porteurs de projets à y renoncer. Dans les Pyrénées-Orientales, la chambre d’agriculture a identifié 20 sites permettant de réaliser des retenues d’eau, aucun projet n’a pu se concrétiser depuis plus d’une décennie. Par symétrie, les Pyrénées-Atlantiques bloquent les projets au point de ne même pas répondre à certains pétitionnaires.

Pour la création de retenues supplémentaires : véto formel des écologistes.

 

Une démarche biaisée croisée
Faut-il proscrire, par pure doctrine, le stockage de l’eau au mépris de l’intérêt général alors que nous en avons de plus en plus besoin ?

 

Sur l’administration : une démarche biaisée bafouant l’esprit du législateur.
Rappelons que la création de plans d’eau n’est pas interdite par le Code de l’environnement. Il convient de déposer un dossier de « déclaration » ou « d’autorisation » conformément à la nomenclature.

Avant d’invoquer tout l’arsenal des articles sur la gestion équilibrée de l’eau, il conviendrait en prérequis que le service instructeur considère d’abord l’intérêt général, puis identifie les besoins en eau avant d’instruire le dossier technique.
Au lieu de poser un principe obstructeur, l’administration devrait intervenir en service facilitateur selon sa mission de service public, en s’assurant que le Code de l’environnement sera respecté.

Faire obstruction et disqualifier a priori le stockage d’eau n’est pas techniquement ni scientifiquement fondé.

 

Sur les Agences de l’eau : c’est le stupidocène résultant du dogme.
Des règles d’éligibilité rédigées de la main de l’homme (donc modifiables de l’autre main) conduisant in fine à un taux de subvention de 70% encourageant des projets non durables: c’est un choix !

 

Sur les ONG environnementales : la mauvaise foi.
Tous les leviers permettant de s’opposer à un projet sont utilisés : l’argument redondant de non-conformité avec le SDAGE, l’évaporation (ne s’évapore que l’eau stockée, pas celle perdue vers l’océan), le réchauffement de l’eau (qui suppose une eau à 200°en aval d’un chapelet d’étangs) et l’outil létal des recours contentieux systématiques pour ces richissimes ONG subventionnées par l’Etat.

 

Conclusion

Pour l’optimisation de l’existant, les écologistes disent « non »,
Pour la création de plans d’eau, les écologistes disent « non ».
A vouloir tarir le territoire, ils préparent le marché aux multinationales de l’eau qui pourraient bientôt nous la vendre au prix fort. Là ils diront encore « non » mais il sera trop tard : il faudra la payer.

• Si nous partageons les recommandations des écologistes sur les économies d’eau, le diagnostic sur les restrictions n’est pas crédible. Au mépris de toute concertation, il sous-entend imposer formellement de changer certains modes de consommation par la contrainte, en oubliant d’informer que plus de 100 milliards de mètres cubes se perdent dans l’océan.

 

• Le rapport de la délégation à la prospective de 2016 insistait déjà sur la nécessité de mettre en place une stratégie de stockage d’eau. Devrons-nous attendre un nouveau rapport au pas du « bon état 2015 » reporté ad-vitam aeternam ?

Les auteurs de ce rapport recommandent logiquement la construction de nouvelles retenues.
Nous attendons impatiemment de voir comment le législateur va reprendre le pouvoir démocratique au lieu de laisser la main à ses services n’ayant de cesse d’interpréter et neutraliser une loi qu’ils sont censés faire respecter.

 

 

Source : Éviter la panne sèche – Huit questions sur l’avenir de l’eau, Rapport d’information n° 142 (2022-2023) de Mmes Catherine BELRHITI, Cécile CUKIERMAN, MM. Alain RICHARD et Jean SOL, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 24 novembre 2022

http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2022/2022-12-Decembre/20221207_Essentiel_avenir_eau.pdf

http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2022/2022-12-Decembre/20221207_rapport_avenir_eau.pdf