Gestion de l’eau : PTGE enfin…mais que de temps perdu !

Les projets "eau" enfin légitimes dans la gestion des territoires, et les projets de territoires devront désormais considérer la gestion quantitative de l’eau.

Il suffisait d’une instruction du gouvernement (7 mai 2019) pour rendre obsolètes, et nous en sommes satisfaits, toutes nos recensions lointaines et permanentes.
Que cela relève du bon sens ou résulte d’une impérieuse nécessité nous importe peu : il suffisait de lancer ces "projets de territoire pour la gestion de l’eau" (PTGE).
François de Rugy, ministre d’Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ont signé une instruction du gouvernement aux préfets pour faire droit, entre autres, aux irrigants (et aux pisciculteurs) par le biais des PTGE.
Cette instruction a été élaborée en concertation avec les parties prenantes dans le cadre des Assises de l’eau.

 

Nécessité fait enfin loi

Face à une ressource de moins en moins abondante, il sera possible, lorsque c’est techniquement et économiquement pertinent (et nous ne voyons vraiment pas comment cela ne le serait pas ?), de mobiliser la ressource en eau au moment où elle est la plus abondante pour la stocker et s’en servir en période de sécheresse pour couvrir les différents usages, sans prélever dans les rivières ou les nappes ( cette exclusion de prélèvement d’eau excédentaire dans les rivières nous semble une prescription dénuée de sens : il suffira de dériver les gros ruisseaux quand ils sont sur le point de déborder ?).

Face aux enjeux (pénurie d’eau/augmentation des besoins), le Gouvernement a décidé de généraliser la méthode des projets de territoires pour la gestion de l’eau (PTGE) afin de :

• réaliser un diagnostic des ressources disponibles et des besoins actuels et futurs des divers usages (à l’aune des 137 milliards de mètres cubes d’eau utile/an),

• mobiliser la ressource en période de hautes eaux, notamment par des ouvrages de stockage ou de transfert, quand c’est utile et durable (c’est précisément le fait de regarder l’eau perdue s’écouler vers l’océan qui n’est pas durable au 21ème siècle).

L’instruction du Gouvernement demande aux préfets de se mobiliser à chaque étape de la démarche pour faciliter l’émergence et l’aboutissement des PTGE.

 

L’AFB

L’Agence française pour la biodiversité, elle qui est très hostile aux plans d’eau, va devoir revoir sa copie en capitalisant les outils existants et les outils complémentaires (elle va devoir changer de rhétorique et passer des « prescriptions complémentaires » aux « outils complémentaires », ce qui est nettement plus positif).
Elle va devoir aussi apprendre un nouveau métier pour accompagner les porteurs de projets et éclairer les décisions par des approches de robustesse économique et d’analyse des impacts environnementaux (une mission très innovante pour les agents de l’AFB).

 

L’Agence de l’eau

Les projets dédiés à l’irrigation agricole sont éligibles sous certaines conditions aux financements des Agences de l’eau… qui financent aussi à 100% la destruction des plans d’eau.

On se rapproche d’une future instruction qui arbitrerait toutes les incohérences ?

 

Eléments fondamentaux résumés 

1)    Exit la stupidité conceptuelle des retenues de substitution qui, pour éviter de dériver l’eau gravitaire excédentaire, pompait dans la nappe (avec des pompes énergivores) et ont utilisé des milliers de tonnes de bâches (produit pétrolier) dont une partie alimente ensuite la mer de plastique. Ni l’analyse coût-bénéfice ni l’impact environnemental n’ont jamais été considérés.

Il est maintenant « primordial de considérer les solutions fondées sur la nature » (annexe 4 p.14). L’eau gravitaire en est une.

2)    Le SAGE devra tenir compte et intégrer le PTGE…qui devra lui-même être compatible avec le SAGE.

3)    « le préfet coordonnateur de bassin est garant de la pluralité des acteurs composant le comité de pilotage »
Des professionnels devront participer activement l’élaboration de ces PTGE et intégrer le comité de pilotage. C’est bien la première fois que nous insistons sur ce point de contribution efficiente. En effet, dans une assemblée (SAGE, SDAGE, CLE) la voix de 1 ou 2 professionnels n’a pas grand poids quand les axes directeurs sont hostiles aux plans d’eau et autistes par rapport à l’ancien tabou : la gestion quantitative de l’eau. C’est maintenant une vue dépassée par les nécessités.

4)    La détermination des volumes (annexe 5), identification des territoires et analyse de la ressource.

Le frein sera probablement de s’affranchir des modes de pensées actuels.

L’identification des territoires est simple.
Il faudra relire le concept des ZRE (zone de répartition des eaux) où la ressource n’est pas forcément déficitaire. C’est la gestion de cette ressource par construction administrative qui est en cause : en stigmatisant les plans d’eau et en choisissant de regarder l’eau s’écouler vers l’océan, on induit un déficit. Ce sujet ne doit pas être étudié avec les œillères actuelles mais à l’aune de l’estimation des pluies efficaces moyennes annuelles.
Un seuil de précipitations au droit du projet devrait être le facteur limitant la création de tout nouveau plan d’eau pour ne pas impacter le débit du cours d’eau aval.
Au-dessus de ce seuil, sa contenance doit être corrélée à la surface du bassin versant.
Dans la doctrine actuelle, on ne construit plus de plan d’eau en ZRE… ce qui accentue le déficit estival.

Il faudra probablement subir des sécheresses successives plus prononcées que celle de 2018 pour que cette idée simple soit administrativement admise.

 

La co-construction aux Assises de l’eau ?

Les acteurs du Copil seraient dans le flou, mais quels sont-ils, ces « acteurs » qui ignorent l’existence de la filière aquacole ?

Encore un loupé : les pisciculteurs et la pisciculture d’étangs pour 450 000 ha devront se contenter de s’identifier dans les « etc… » du PTGE.

« le PTGE aboutit à un engagement de l’ensemble des usagers d’un territoire (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergies,(֎), pêches, usages récréatifs, etc… ».

Le CNE ignore l’existence des étangs en France et de la pisciculture continentale. C’est grave car cela se traduit par la même lacune dans les SDAGE où l’agriculture est considérée et la pisciculture ignorée. La conséquence ? Les projets (rares) de pisciculture peuvent faire font l’objet d’un refus d’instruction de la part de la DDT en raison de l’incompatibilité avec le SDAGE.

Heureusement que cette énumération, qui méconnait la présence d’une filière (֎), se termine par « etc… ». Cela permettra de revendiquer la présence des « etc.. » au comité de pilotage.

 

Selon « La Gazette.fr »

 Assises de l’eau : ça patauge !

Le prochain comité de pilotage des Assises de l'eau est annoncé pour le 12 février 2019. Cette seconde séquence porte sur le changement climatique et la ressource en eau. Mais, tant sur ce volet que sur le précédent, les acteurs sont dans le flou le plus complet.

Lancée en novembre dernier, la deuxième phase des Assises de l’eau doit normalement se terminer le mois prochain. Mais pour l’instant, elle est tellement discrète, pour ne pas dire invisible, que tout porte à croire qu’elle pourrait bien se prolonger au-delà. Car, avec le Grand débat, le gouvernement a bien d’autres chats à fouetter. Ainsi, Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’Etat à la Transition écologique et solidaire, attendue au Comité national de l’eau (CNE), qui s’est tenu à Rennes le 31 janvier 2019, n’y a finalement même pas assisté.

Flou artistique

A l’approche d’une nouvelle réunion du comité de pilotage (Copil) de ces Assises, qui doit avoir lieu le 12 février 2019, les acteurs sont dans le flou le plus total. Aucun document de travail n’a été transmis (…). 

 

► « Jean Launay, président du comité national de l’eau, est chargé d’assurer une coordination transversale sur les thématiques de gouvernance, de financement et de mise en œuvre de l’objectif de développement durable n°6 qui est de garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau ».

 

Erratum
Ne pas tenir compte de ce dernier § sur l’oubli de la filière aquacole dans la liste des usagers en introduction (page 3).
L’aquaculture est citée in extremis en annexe 1 (page 7).
Nous avons cependant maintenu ce § pour illustrer le fait que l’aquaculture est un mot qui ne coule pas de la plume spontanément quand il s’agit d’énumérer et de convier aux travaux le premier usager historique de l’eau, qui pourrait recouvrer un rôle majeur en termes d’autosuffisance et de sécurité alimentaires.

 

Instruction du gouvernement : 2019-05-07_PTGE instruction gouvernement

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