Fiche aux notaires: cession gratuite ou onéreuse d'un moulin

Le CGEDD préconisait d'informer les notaires en 2012. Il est de plus en plus de bon aloi d’empiler de nombreuses études et rapports. Depuis décembre 2012, aucune des préconisation du rapport n°008036-01 intitulé PARCE (Plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique) n’a été mise en œuvre. Un rapport sans effet ? 

Il en est pourtant une qui aurait mérité une exécution immédiate : l’information des notaires. Dans un esprit constructif, nous allons tenter de faire notre part pour relayer cette recommandation pertinente qui nous semble d’intérêt général, mais immédiatement tombée dans les oubliettes du CGEDD.

notaires_ rôle important

La page 38/78 du PARCE y consacre quelques lignes mais le CGEDD ne semble avoir ni les moyens ni la volonté de mettre ses propres recommandations en œuvre.

Il se peut aussi que le CGEDD n’ait pas la mesure de la réalité et de l’impérieux besoin de remédier à ce problème. Il s’agit d’apporter une aide aux notaires dans leur intérêt, mais aussi et surtout dans l’intérêt de leurs clients sur leurs droits et devoirs à l’aune du CE (Code de l’environnement).

 

La situation actuelle

L’étendue des domaines que le notaire, agissant pour le compte de l’Etat, doit traiter est tellement vaste que certaines niches spécifiques sont souvent mal abordées ou carrément passées sous silence.

Tel est le cas des contraintes et obligations liées au Code de l’environnement.

Les propriétés rurales traversées par un cours d’eau, les lacs, étangs et moulins font pourtant l’objet annuellement de nombreux actes notariés.

Les clauses habituelles (diagnostic énergétique, amiante, plomb…) sont copieusement renseignées, mais ce qui touche au domaine de l’eau est mal appréhendé par le notaire, alors qu’aucun détail ne lui échappait il y a quelques décennies. Cette perte des savoirs est préjudiciable car pendant la même époque, le nombre d’articles de la loi, les décrets et circulaires que sont censés connaître et respecter les propriétaires, se sont copieusement multipliés.

Manquement au devoir de conseil

Le notaire, assez conscient de la méconnaissance qu’il a du Code de l’environnement l’aborde par simple survol, et certaines fois pas du tout.

Et quand le client apporte sa contribution, c’est-à-dire lui demande d’ajouter des références ou mentions indispensables, l’officier public quelquefois piqué au vif devient suspicieux envers ce client trop informé. Le notaire imagine un piège ultérieur et en arrive à négocier mot à mot les points qu’il aurait pourtant obligation mentionner.

Cette situation inconfortable peut faire naître des déconvenues, des grosses surprises voire des contentieux.

La stratégie à adopter par un acquéreur

Autant l’interrogation de la DDT sur des sujets agricoles, forestiers …ne pose aucun problème, autant il convient d’être très réservé sur la pertinence d’interroger la DDT sur la thématique de l’eau tant que des formations robustes n’auront pas été dispensées. Depuis la LEMA 2006, les réponses sont souvent très approximatives, inquiétantes (exigences infondées), voire carrément erronées. Les exemples sont innombrables, telle cette réponse d’une DDT au notaire qui l’interrogeait au sujet de deux étangs fondés en titre dont il allait signer l’acte authentique.

notaire_eau libre

L’acquéreur potentiel, effrayé par cette réponse n’a pas donné suite au compromis. Or, les autres paragraphes du courrier comportaient aussi des erreurs, le statut des deux étangs est « eau close » et les exigences infondées de travaux suggéraient l’intervention d’un bureau d’études.

Pour les moulins, peu de courriers des DDT ne privilégient pas l’arasement comme solution prioritaire et les exigences vont bien au delà des obligations légales.

A bien des égards, il convient d’éviter le réflexe d’interroger la DDT pour des réponses qui figurent dans le Code de l’environnement et les circulaires afférentes disponibles sur internet.

C’est le conseil que donne d’ailleurs une agence immobilière spécialisée :

Conseil au sujet des étangs et des moulins :
« Le Code de l’environnement est très clair. Mais, les textes (circulaires et  arrêtés) postérieurs au 30/12/2006 et surtout leur interprétation, parfois confuse et quelques fois même erronée, par les services déconcentrés de l’Etat nous incitent à la prudence. Nous conseillons à nos clients et à leurs notaires de nous solliciter avant de questionner l'administration de manière inappropriée. Notre agence peut vous apporter une réponse précise.
Nous avons des exemples récents de transactions, a priori simples au plan administratif si le dossier avait été porté dans le bon ordre, qui n’ont pas pu être concrétisées, car rendues très compliquées en raison de questions inadaptées ayant suscité de "mauvaises" réponses des services de l'Administration ».

Malgré ces mises en garde, les réflexes sont tenaces. Certains notaires n’apprécient que modérément ce genre de conseils sur la stratégie à adopter.

Ils rétorquent « il faut quand même bien que j’interroge la DDT »  pour se rassurer et pour avoir des courriers à insérer dans l’acte authentique...mais aussi pour leur éviter de chercher eux-mêmes les renseignements.

Ce volet psychologique est assez difficile à résoudre car le notaire est assez peu enclin à accorder plus de crédit à un tiers qu’à son administration.

Mais quand un projet d'acte n’aboutit pas en raison d’une rédaction peu robuste, c’est toujours le vendeur et lui seul qui subit le préjudice. 

Et quand l’acte authentique est mal rédigé, c’est l’acquéreur qui doit en assumer les termes a posteriori.

 

Le contrat portant transmission d'un moulin

Un moulin se transmet soit à titre onéreux (vente), soit à titre gratuit (donation ou succession).

Les contrats (acte authentique notarié) qui concrétisent cette transmission doivent comporter des indications précises afin d'informer les acquéreurs, les donataires ou les héritiers, tant sur leurs droits que sur leurs obligations.

Sans que la liste ci-après ne soit exhaustive, les actes de vente, de donation ou de succession d'un moulin ou d’un étang doivent contenir différentes clauses spécifiques aux biens transmis :

désignation : mentionner qu'il s'agit d'une usine hydraulique (même si une partie est utilisée pour l'habitation) ; désigner de manière précise les ouvrages du moulin (vannages, biefs, canaux de décharge, déversoirs, franc-bord) droit de passage le long des biefs ; établir la liste du matériel transmis.

existence légale : préciser si le moulin ou l’étang est fondé en titre ou sur titre ou les deux ; le moulin figure-t-il sur la carte de Cassini ou de Belleyme. Si le moulin est réglementé : relater le règlement d'eau et le procès-verbal de récolement. Le moulin transmis a-t-il toujours son droit d'eau ? L’acquéreur ne doit pas oublier de prévenir la DDT pour le transfert du droit d’eau.

en cas de démembrement de propriété, mentionner les droits et devoirs des copropriétaires éventuels des ouvrages, des riverains, les conditions d’accès au bief ou au canal de fuite par l’usinier, les modalités de curage,

consistance légale : indiquer la consistance légale (volume d'eau attaché à l'ouvrage pour l'exercice de sa force motrice).

passe à kayaks : indiquer son existence ; produire le contrat passé avec le département ou la fédération des kayakistes.

débit réservé (art L 214-18 du CE): le débit réservé est assuré ? Indiquer le volume d'eau exprimé en litres/seconde assurant le débit réservé depuis le 1er janvier 2014.

inondation : préciser si le moulin est inondable.

continuité écologique : préciser si le moulin était classé Grenelle de l'Environnement ; Si le cours d’eau est classé, préciser le classement du tronçon sur lequel le moulin se trouve (liste 1ou liste 2 ou listes 1 et 2).

notaire-recommandations

Indiquer si les ouvrages constituent un obstacle à la continuité écologique tant pour le transfert des sédiments que pour la migration des espèces piscicoles (art L.214-17 du CE). Quels sont les aménagements obligatoires à ce titre ? Une rivière de contournement du seuil est la meilleure solution pour la mise en conformité. Est-elle réalisable (topographie, maîtrise foncière, accès des engins) ? A défaut, une passe à poissons existe –t-elle pour la migration des poissons amphihalins ou holobiotiques, peut-elle être construite facilement, à quel prix ? Énumérer les travaux à réaliser pour assurer cette continuité à effectuer dans le délai de cinq ans des arrêtés préfectoraux de classement (2017 -2018).

Informer les futurs propriétaires des injonctions éventuellement faites par la DDT pour la mise en conformité des ouvrages.

loi Digue et LEMA 2006 (loi sur l'eau et les milieux aquatiques) : préciser si le moulin ou l’étang a une digue classée ISP (intéressant la Sécurité Publique). Si oui, est-il passé de la classe D à la classe C (la classe D ayant été supprimée par décret du 12 mai 2015). Préciser les obligations liées aux barrages classés en C, B ou À.

cours d'eau : indiquer le cours d'eau sur lequel le moulin est situé (cours d'eau domanial ou non domanial). Préciser le régime juridique du cours d'eau et des biefs: articles L.215-1 et suivants du Code de l'environnement.

droit de pêche : renseigner l'existence éventuelle de convention(s) ou de contrat passé avec une société de pêche.

clapet automatique : s'il existe un vannage avec un clapet automatique, indiquer le propriétaire véritable (syndicat de bassin ou autre) des installations qui peut être différent du propriétaire du fonds sur lequel elles sont édifiés.

 

L'énonciation, de manière détaillée, dans les actes de transmission d'un moulin ou d’un étang de tous ces éléments permet aux futurs propriétaires d'être informés sur la situation juridique du bien, sur les droits et obligations y attachés.

 

Cette méthodologie devrait éviter de possibles actions en responsabilité intentées par les acquéreurs à l'encontre des différents professionnels (devoir de conseil) ayant œuvré pour la transmission (agent immobilier, notaire).

Il convient avant tout d’éviter les grosses surprises au nouveau propriétaire, car s’il hésite à s’engager dans un recours contentieux envers le notaire, rien ne l’affranchira de ses devoirs vis-à-vis du CE et des diverses règles administratives.

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