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La continuité écologique et transit sédimentaire

Les services déconcentrés de l’Etat incriminent les seuils des moulins et les étangs qui forment obstacle au transit sédimentaire.

Deux facteurs cumulatifs sont cependant à considérer, non pas pour les exonérer de la loi, mais pour considérer ces circonstances aggravantes :

1)  les vannes sont beaucoup moins manœuvrées qu’autrefois. En soi, le remède est très simple à apporter,

2)  chaque année, les cours d’eau d’Europe se chargent de près d’un milliard de tonnes de terre. Là,le problème est plus lourd.

Une étude récente réalisée par le Centre commun de recherche de l’Union européenne (Joint Research Centre – JRC) a estimé qu’environ 600 millions de mètres cubes (~970 millions de tonnes), seraient annuellement transportés par l’action érosive de l’eau sur l’ensemble du territoire de l’UE. C’est comme si la Suisse perdait chaque année une couche de terre d’un centimètre et demi d’épaisseur sur toute sa surface. A l’érosion naturelle s’ajoute celle, provoquée, de l’érosion d’origine artificielle due à nos pratiques. Au plan pédologique, l’ampleur du phénomène inquiète les scientifiques car il faut au minimum un siècle pour former 1 cm de sol sous les prairies tempérées naturelles.

Les chercheurs du JRC – qui ont dressé une carte à haute résolution (100 m) – estiment qu’en moyenne 2,46 tonnes/hectare de sol sont perdues chaque année dans l’Union européenne dans les terrains sujets à l’érosion par l’eau (terres agricoles, forêts et zones semi-naturelles). Les terres agricoles représentent 68,3% du total des pertes de sol contre moins de 1% pour les forêts.

érodibilité

L’érodibilité dépend de la nature de culture (vigne ou prairie par exemple), du relief et de la nature du sol.

Les taux annuels moyens les plus élevés de l’érosion des sols par l’eau ont été relevés en Italie (8,46 tonnes/ha), en Slovénie (7,43 t/ha) et en Autriche (7,19 t/ha), les plus faibles en Finlande (0,06 t/ha), en Estonie (0,21t/ha) et aux Pays-Bas (0,27 t/ha).

 Même si certaines décisions européennes récentes en matière par exemple de bonnes conditions agricoles et environnementales ou de stratégie thématique sur les sols ont sensiblement permis de réduire ces taux de perte d’environ 10% en 10

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ans, l’étude du JRC révèle que quatre millions d’hectares des terres agricoles de l’UE (un peu plus de 12 %) affichent des taux insoutenables (plus de 5 tonnes par hectare et par an). Si l’Union européenne cherche à évaluer les pertes de sols dues à l’érosion, c’est parce qu’elle a conscience que ce phénomène a d’énormes répercussions sur les écosystèmes, l’eau potable, les stocks de carbone, la perte de biodiversité et à terme, la production alimentaire.

 Au vu des données recueillies par les chercheurs et des prévisions climatiques qui pourraient aggraver ce processus, il apparaît urgent de modifier certaines pratiques (arrachage des haies, sols dénudés, techniques de labours…).

Des mesures de protection devraient être prises dans les zones concernées et des incitations financières devraient encourager des pratiques de gestion durable. 

Pour quantifier l’impact de l’érosion hydrique actuelle sur l’altération de la qualité des eaux de surface par les MES (Matières en suspension), il faudrait pouvoir discriminer les apports urbains, d’origine agricole et des apports industriels. Dans tous les cas, nous sommes très loin de l’impact originel modéré de l’érosion naturelle.

 Les moulins, nous l’avons déjà souligné, sont plus victimes que responsables de cette surcharge sédimentaire. Araser les seuils des moulins et détruire les étangs  créera d’autres aléas, mais ne résoudra en aucun cas le problème de la turbidité et de la qualité de l’eau.

 

(Source : Joint Research Centre. P.Panagos et al. “The new assessment of soil loss by water erosion in Europepublié dans la revue Environmental Science and Policy (Elsevier)