Droit d’eau : le CNE calcule

Nous imaginions que la "Méthodologie de calcul du débit du droit d’eau fondé en titre" serait vite archivée et nous ne l’avions pas commentée en 2017. Comme elle a été "commandée" à l’IRSTEA, elle trouverait crédit au CNE ? Elle est pourtant erronée et dangereuse à bien des égards.

Au lieu de clarifier une méthode qui commençait à être couramment admise par les services déconcentrés, elle risque de restaurer les controverses ; à commencer par le titre abscons qui laisserait sous-entendre qu’il y aurait une autre méthode de calcul pour un moulin qui ne serait pas fondé en titre ? Entre clarification et éventuel besoin de compliquer pour ouvrir la porte à de nombreuses interprétations, le doute subsiste.
L’arbre de décision est le prélude à ce choc de complication.

 

Rappels 

C’est à la section (m²) de l’organe de captage et de dérivation de l’eau que se calcule le débit dérivé.

En l’absence de canal d’amené (bief), la section se calcule au moulin en appliquant à la fois la définition qui figure dans le Code de l’énergie et confirmée par le Conseil d’Etat.

La PMB (puissance maximale brute) du droit d'eau, quand elle est inconnue et qu’elle ne figure pas dans un règlement d’eau, se calcule selon la formule:

PMB = G x Q x H

PMB : puissance maximale brute exprimée en kilowatts

G : 9,81

Qmax : débit maximum,

Hmax : chute.

cet arbre suffit: le calcul s'effectue soit à la prise d'eau du canal d'amenée soit à l'usine quand elle est édifiée sur le cours d'eau.

 

Discussion

• Page 9/10 : L’IRSTEA remet en selle la notion de la « section la plus limitante » du canal d’amenée. Notons à cette occasion que toute référence à une « section limitante » résulte d’une circulaire qui a considérablement embrouillé les pistes dans les services déconcentrés.

Tant que le génie civil originel n’a pas été modifié, la section limitante entre deux gros arbres, un pont privé récent ou un busage posés par le précédent propriétaire constituent des appréciations dépourvues de fondement légal. Tout peut être remis à l'identique

• Page 11/100 : L’IRSTEA se permet de relire le droit du Conseil d’Etat.

L’institut estime § 1.5 qu’il y aurait des « ambiguïtés autour de la définition de la consistance légale », alors que le code de l’énergie et le Conseil d’Etat exposent la même formule de calcul. Puis le vénérable Institut se hasarde à commenter les décisions de justice : « Dans ce jugement et dans quelques autres décisions 2, il est fait une interprétation erronée de l’arrêt Ulrich (…) Le mémoire du rapporteur contient plusieurs points discutables ».

Et l’IRSTEA de se risquer à d’autres commentaires : « A contrario, la cour administrative d’appel de Lyon, dans son jugement n°13LY01945 du 21 octobre 2014 rejette l’utilisation d’un débit dérivé présent dans des états statistiques réalisés en 1899 pour fixer le débit maximum dérivable car ils estiment que cela ne concernent que la capacité productive du moulin alors en activité (…) on comprend que le juge, se basant sur l’arrêt Ulrich a cherché à différencier la puissance maximale brute et la puissance nette fournie par les états statistiques.

Par contre, c’est une erreur de croire que le débit mesuré dans l’état statistique ne reflète pas le débit maximum dérivable » (p18/100).
Nous sommes dans l’approximation juridique totale.

En clair pour l’IRSTEA, une bonne décision de justice est celle qui lui est agréable et une mauvaise décision de justice serait celle qui ne lui convient pas.

• page12/100 : Comment définir le débit maximum dérivable?

Entre les données historiques, l’état actuel des installations, l’utilisation des données actuelles en effectuant une modélisation pour déterminer le débit maximum dérivable, l’IRSTEA s’égare en nombreuses conjectures sur les courbes de remous, les estimations, pour in fine « choisir un débit vraisemblable ». Tous ces scénarios doivent être écartés.

• page 14/100 : Évaluation du débit maximal dérivable à partir des données historiques.
• page 17/100 : Calcul du débit dérivé à partir de la puissance nette.
C’est le choc de complication.

Conclusion

A tout embrouiller à dessein, personne n’y comprendra rien, bureaux d’étude compris.

Toute référence à cette méthodologie va alimenter les contentieux dans la mesure où elle tente d’infirmer un concept simple et d’inventer de multiples scénarios sans fondement légal pour y déroger.

Enfin, et cela nous semble la question essentielle à laquelle nous n’avons aucune réponse : pour peu évidemment que le débit réservé soit en tout temps respecté, «quel peut bien être l’intérêt de l’Etat à vouloir systématiquement réduire la PMB comme c’est le cas» ?
Sans préjudice pour le Code de l’environnement, il semble que dans l’esprit de la transition énergétique ce serait la PMB maxi qui devrait être encouragée par l’administration?

 

PDF : CNE_irstea débit 

CNE : Comité national de l’eau

IRSTEA : Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture. Etablissement public à caractère scientifique et technologique français de recherche dans le domaine de l'environnement et de l'agriculture.

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