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Kafka-Mafia s’immiscent dans une centrale hydroélectrique_acte 4

 

Ce n’est pas en Afrique, c’est en France. Ce témoignage confirme ce que tout le monde sait sans mot dire : selon le choix des financements prioritaires des Agences de l’eau, la continuité écologique a eu l’avantage d’être une formidable manne financière suscitant bien des convoitises.
Essentiellement pour les travaux et les « frais accessoires » payés en toute discrétion [en billets jaunes, verts et violets] à jamais invisibles de Bercy.
Les entreprises de travaux publics ont subitement, après 2010-2012, dédaigné les chantiers privés pour se mettre à la disposition des chantiers « continuité écologique ».
Si la pelle est la même, les frais fixes identiques, le tarif horaire d’un engin facturé au titre d’un chantier privé est vite apparu dérisoire par rapport aux perspectives de facturations mirifiques d’un chantier « continuité écologique », avec la bénédiction administrative d’un engin en cours d’eau qui aurait valu une condamnation en correctionnelle pour les mêmes faits pour un chantier privé. L’intervention qui était réputée nuisible à l’environnement et délictuelle serait administrativement bénéfique. C’est la doctrine. Peu importe : l’argent coule à flot.
A telle enseigne que les comptes bancaires de certains fonctionnaires sont épluchés, que des sommes occultes transitent imprudemment par le compte d’un tiers, qu’un préfet aurait dû produire une caution bancaire…
Bref, la continuité écologique a vraiment du bon.
Mais pas forcément pour le poisson. Si lui ne gagne rien du tout, d’autres gagnent gros à sa place !

Informez svp la Ministre des effets collatéraux de la doctrine en vigueur sans gain environnemental. Les vrais gains (financiers) sont ailleurs.
Mais la relance économique et la transition énergétique « volet petite hydroélectricité » seraient un mythe ?
Dommage pour l’intérêt général.

 

 

Nous reproduisons l’histoire vécue, transmise par un lecteur

 

En 2008, un industriel souhaite diversifier ses activités en investissant dans une microcentrale hydroélectrique, comportant trois barrages et un étang.

L’acte notarié est signé en février 2008.

            

En mars 2008, l’ancien propriétaire reçoit une mise en demeure de réaliser des travaux au barrage n°1 et de fournir la preuve de l’existence légale des barrages n°2 et n°3.

 

En avril 2008, j’ai organisé une réunion sur le site de la centrale. Le Conseil juridique de l’ancien propriétaire rassura les parties en affirmant que les documents manquants ont été retrouvés.

 

Concernant la passe à poissons, l’ancien directeur du site expose l’étude de 1998 du bureau d’Étude ayant établi la demande de renouvellement de l’autorisation de l’ensemble du site et les accords verbaux passés avec la DDT.

Les protagonistes se rendent sur le barrage n°2. S’appuyant sur l’étude de 1998 préconisant une passe à poissons sur le barrage n°1, le caractère naturel de ce seuil n’en nécessite effectivement pas.
Et l’administration en charge de l’eau de nous montrer sur le terrain où et comment il suffit de réaliser une rivière de contournement, plan annexé à l’étude de 1998 du barrage n°2 à l’appui.
La DDT ajoute qu’il suffira simplement de déplacer quelques rochers au barrage n°1 pour le rendre parfaitement franchissable.

Je m’engage à réaliser ces travaux et j’invite mon interlocuteur de la DDT à déjeuner. Il semble alors de très bonne humeur.

Mais cette belle ambiance est de courte durée : il quitte précipitamment le restaurant au milieu du repas après que je lui ai annoncé refuser de financer de manière occulte de très importants travaux : « vous n’avez rien compris, mais ce n’est pas grave, on se retrouvera ».

 

Étant stupéfait par ce comportement très bizarre à mes yeux, je m’en confie à la cantonade. J’apprends avec grande naïveté qu’il est d’usage, dans les relations avec certaines administrations, que des rétrocessions occultes d’honoraires indus soient un usage établi.

 

Note OCE :

Pas d’enveloppe du maître d’ouvrage = pas d’autorisation du Préfet.

Pas d’enveloppe de l’entreprise = pas de chantier attribué.
L’air-bag très confortable : les surcoûts sont noyés dans les devis surestimés des travaux.
[C’est une constante. Les services ne savent pas si le marché vaut 10, 100, ou 10 000€ et peu importe puisque la richissime Agence de l’eau finance tout sans discernement, jusqu’à offrir cocktails et déjeuners pour remplir les salles pour marteler l’idéologie, au bonheur d’étudiants affamés qui n’en espéraient pas tant].
Et un contrat moral lie ensuite aussi implicitement qu’efficacement l’entreprise pré-retenue par l’appel d’offres et un maître d’ouvrage public : « tu me donnes une enveloppe et tu auras le prochain chantier ».
La méthodologie est rodée : deux ou trois entreprises se voient ainsi attribuer un chantier sur deux ou trois pour respecter les règles des marchés publics et écarter toute suspicion.


Une pratique courante semble-t-il, que j’aurais eu tort de refuser selon des avis autorisés.

 

Note OCE :
On comprend mieux pourquoi les travaux de continuité écologique affichent des coûts exorbitants d’une part, et que les entreprises et Bureau d’Étude missionnés soient toujours les mêmes d’autre part.


Mon expert-comptable me conseille fermement de me taire.

Au moment de notre bilan en novembre 2008 il me dira, après avoir recueilli des renseignements de sources diverses, que mon témoignage était fondé ; et d’ajouter : « taisez-vous et soyez irréprochable car on ne vous passera rien ; le Préfet bénéficie en effet de protections «en haut lieu », me dit-il ; « vos ennuis pourraient bien commencer ».

 

Je comprends alors pourquoi le renouvellement de l’autorisation administrative a imposé la construction d’une passe à poissons sur le barrage n°1, alors que les documents initiaux n’en exigeaient pas, et que nos discussions sur le terrain ont biaisé de manière piégeuse sur le barrage n°2.

 

En juillet 2008, le Conseil du vendeur remet au service instructeur (la DDT), son rapport de 10 pages, et 7 annexes.

 

N’ayant plus de nouvelle, je suis en droit d’imaginer que « tout est arrangé ». Mais après avoir complètement rénové l’installation et obtenu un contrat H07 en 2010, je déchante et dois faire face à un véritable harcèlement de la part de l’administration.

 

En juin 2011, une LRAR de la DDT, signée du chef de service environnement et risques, reproche les travaux effectués sur le barrage n°2 sans autorisation, demande de réalisation de passe à poissons sur le barrage n°1, et conteste la légalité des barrages n°2 et n°3.  La nasse se referme sur nous.

Je réponds aussitôt à la DDT et j’écris à la ministre.

 

En août 2011, réponse du chef du cabinet de la ministre de l’environnement.

 

En septembre 2011, LRAR de la DDT me mettant en demeure de réaliser la passe à poissons sur le barrage 1, et annonce l’impossibilité de régulariser les barrages n°2 et n°3, avec en pièce jointe deux projets d’arrêtés préfectoraux.

 

Deux jours après, en septembre 2011, lettre simple du cabinet du préfet, évoquant mon courrier à la ministre, et me demandant de reprendre contact avec la DDT.

Dois-je à nouveau me jeter dans la gueule du loup ?

 

Juillet 2015 :
LRAR rédigée par la DDT et signée par le préfet menaçant de suspension du contrat H07, si les travaux de la passe à poissons ne sont pas réalisés dans un délai de cinq mois, avec information scandaleuse de la découverte en 2008 de deux sites réputés illégaux : les barrages n°2 et n°3, assortie de demandes de pièces pour les régulariser et les autoriser.

En pièce jointe, dans cette LRAR de juillet 2015, un procès-verbal annoncé de juin 2015, date de contrôle mars 2015, annoncé comme étant remis à l’intéressé en juillet 2015.

Ma réponse d’août 2015 informe ma commande d’une étude pour la mise en conformité des trois barrages au regard des exigences du Code de l’environnement par un bureau d’étude ainsi que la poursuite de mes recherches pour prouver la régularité des ouvrages prétendument litigieux.

Notre objectif étant la conformité des ouvrages avant le 28/12/2017, date butoir au visa du classement des cours d’eau.

 

Novembre 2015 :
Réunion de présentation de l’étude, sur le site avec visite des trois barrages, le représentant de l’ONEMA (dont la signature de courrier électronique s’accompagne d’une revendication syndicale appelant à signer une pétition, faute de quoi, les délais de traitements ne seront pas garantis) exigeant froidement des aménagements totalement disproportionnés et irréalisables sur le barrage n°1. La visite des deux autres barrages sera pour l’ONEMA et la DDT (que je n’ai pas revu depuis le déjeuner écourté d’avril 2008) l’occasion d’insister sur l’illégalité de ces installations me demandant même de prouver ma bonne foi en procédant  devant eux, à la destruction partielle des systèmes de vannages.

 

En novembre 2015, en accord avec notre bureau d’étude environnement, et voulant rester positif, je demande au préfet de nous accorder un délai supplémentaire pour effectuer ces travaux et continuer les recherches.

 

Le 24 décembre 2015, une LRAR rédigée par la DDT et signée du préfet reporte la menace de suppression du contrat H07 à condition de réaliser les travaux avant août 2016 et de procéder à la démolition des vannages des barrages 2 et 3 dans un délai de huit jours.

Ceci malgré la directive récente de Ségolène ROYAL du 9 décembre 2015 demandant de privilégier le dialogue et la concertation.

Je réponds le 29 décembre 2015.

 

En février 2016, une LRAR du préfet refuse mes arguments et rappelle son exigence de cesser les prélèvements d’eau dans les barrages n°2 et n°3 sous huit jours, faute de quoi il se verrait dans l’obligation de reprendre la procédure de suspension de notre contrat H07.

Je réponds aussitôt une longue lettre de trois pages détaillant mes arguments avec l’aide de mes conseillers techniques et juridiques, et je demande à être reçu par le préfet.

 

Début juillet 2016, LRAR de la DDT m’annonçant de la non recevabilité de mes arguments de ma lettre de février 2016 et confirme la menace de suspension de notre contrat H07.

 

Trois jours après, en juillet 2016, réception des conclusions des recherches généalogiques, commencées en 2011, qui prouvent de manière incontestable que les barrages n°2 et n°3 sont tous les deux fondés en titre, ce qui permettrait de valider leur existence légale.

 

J’appelle aussitôt mon conseil juridique, qui se charge d’organiser un rendez-vous avec la hiérarchie de la DDT.

 

Début novembre 2016, à la fin de la sixième année d’un contrat de 20 ans, LRAR rédigée par la DDT signée du préfet m’annonçant la suspension de notre contrat H07, jusqu’à la mise en conformité de nos installations,.

 

J’avoue que je ne m’attendais pas à une telle trahison de la part de l’administration.

D’autant plus que cet été, une disposition administrative permet de reporter de 5 ans le délai de mise en conformité quand un dossier a été déposé à la DDT.

 

J’ai régulièrement informé mes conseillers et les élus, mais très peu m’ont répondu et ceux qui l’ont fait ont surtout confessé connaître ces problèmes et ne pouvoir rien faire.

Un seul député a accepté de me recevoir, et le préfet n’a même pas répondu à ma demande d’audience du mois de février.

 

La suspension de notre contrat vaut annulation, et pour ne pas être déconnecté du réseau EDF, j’ai dû m’engager très rapidement avec un acheteur d’électricité.

 

Bilan de ce très beau projet industrieux virant au fiasco : notre situation financière a été fortement impactée, la pérennité de nos entreprises fut même compromise, mais ce détail économique n’intéresse strictement personne.

Nous avons dû compenser par un travail forcené pour combler cette perte de revenus totalement imprévisible en 2008 au moment de l’établissement de nos prévisionnels.

 

De guerre lasse, ayant épuisé nos capacités financières, nous avons vendu le site à la Commune.

 

 

Note OCE :
Pour les Collectivités territoriales :

• soit la discrimination piscicole écologico-administrative est assurément beaucoup moins exigeante (*) que celle infligée à un propriétaire d’ouvrage privé présumé délinquant,

• soit les menaces/chantages à la subvention (« je te paye ta station d’épuration si tu détruis ton barrage ») sont très efficaces pour programmer les destructions d’ouvrages hydrauliques financées par l’Agence de l’eau.

 

(*) c’est un épiphénomène puisque les poissons proviennent de piscicultures, avec de fortes introductions de TAC (truites Arc-en Ciel) stériles.
Et les retours d’expérience OFB opposent ensuite aux porteurs de projets des sites de « frayères potentielles » se traduisant par des prescriptions lourdes de conséquences… tout cela pour des truites stériles.
Pour la fario, inutile d’épiloguer : sa survie provient elle aussi de copieux bassinages (factures AAPPMA disponibles).
Tout cela est aussi dérisoire que Kafkaïen.

 

Discussion

Il serait pour une fois utile de tenir compte d’un sondage IFOP qui place l’énergie hydraulique en tête des énergies préférées des français.
Non seulement cette valorisation sous-estimée au plan national est pertinente, mais elle répond aussi aux attentes des français.

 

Sondage IFOP – 2021continuité écolo

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