continuité écologique : pas d'aménagement sans information préalable et sans procédure contradictoire

La 2ème  Chambre du Tribunal administratif de Pau a rendu le 19 février 2013 un jugement qui devrait se révéler important pour la mise en œuvre de la continuité écologique.

Dans l'affaire jugée, TA_Pau_19-02-2013  le moulin relevait de l'article L.432-6 du Code de l'environnement, qui introduit les cours d'eau et canaux où, par décret, un dispositif de franchissement pour poissons migrateurs peut être exigé.

Le Tribunal considère que cet article L.432-6 s'applique pleinement au moulin concerné et que le caractère fondé en titre dudit moulin ne change pas l'obligation d'aménagement.

Mais si le moulin "environnementalement" n’est pas en règle, il se trouve qu' "administrativement"  la plainte à l'encontre de la DDT-M non seulement a été jugée recevable mais que la propriétaire a obtenu gain de cause.

 analyse:       OCE_AnalysePAU2013

Non-respect de l'information et de la procédure contradictoire

Le Tribunal se réfère en effet à un principe plus général du droit administratif, la loi 79-587 du 11 juillet 1979. Cette loi stipule que :

-        les personnes physiques ou morales doivent être informées sans délai des motifs des décisions administratives les concernant,

-        l'existence d'une mesure de police ou d'une sujétion implique la motivation de la décision administrative,

-         la personne physique ou morale doit être en mesure de présenter des observations écrites ou orales sur lesdites motivations, et de se faire assister à cette fin.

Or, le Tribunal reconnait que la plaignante n'a jamais eu accès à l'expertise ONEMA démontrant l'enjeu migrateur au droit de son ouvrage, ni à diverses autres informations dont elle avait fait la demande. Il en résulte que la loi du 11 juillet 1979 n'a pas été respectée, non plus que le droit de la défense à une procédure contradictoire (loi du 12 avril 2000, article 24).

Les principes généraux du droit  invoqués par les juges de Pau s'appliquent aussi bien aux rivières nouvellement classées au titre de l'article L.214-17, puisque l'imposition d'un dispositif de franchissement piscicole et de transit sédimentaire relève d'une mesure de police autant que d'une sujétion.

Chaque propriétaire peut exiger une motivation complète de la demande d'aménagement

L'autorité en charge de l'eau  doit motiver pour chaque ouvrage la demande d'aménagement, et le propriétaire doit disposer des pièces démontrant :

 a) le besoin piscicole,

 b) le besoin sédimentaire au droit de son ouvrage, pièces qu'il pourra juger utile de contester au cas où elles ne démontrent pas efficacement les besoins motivant la sujétion.

En d'autres termes, la DDT-M ne peut se contenter d'un simple courrier exigeant un aménagement au titre du L.214-17 ou du L.432-6 du Code de l’Environnement. Elle doit joindre un dossier d'expertise (ONEMA ou autre) précisant et justifiant l'enjeu au droit de chaque ouvrage (et pas au niveau du bassin versant ou autre échelle généraliste, non pertinente puisque la sujétion concerne un ouvrage en particulier en raison de ses propriétés présumées).

Notons enfin que cette décision du Tribunal administratif de Pau apporte un appui opportun et une illustration utile de la Circulaire d'application du classement des rivières parue en janvier 2013. Cette Circulaire insistait sur le fait que l'aménagement d'un ouvrage hydraulique doit être proportionné à l'enjeu environnemental. En conséquence, il revient à l'autorité en charge de l'eau de préciser la nature de l'enjeu environnemental et la proportionnalité de la réponse (la nature de la sujétion dans les termes du TA de Pau).

OCE2015

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