Une victoire à la Pyrrhus pour un moulin

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Il y a des victoires qu’il vaudrait assurément mieux perdre ! L’histoire résumée : sur un tout petit cours d’eau subissant des étiages sévères et réitérés, une brèche à l’occasion d’une crue se produit dans le seuil d’un moulin. Très réactive, la DDT 42 prône une abrogation immédiate du droit d’eau, après un passage au CODERST. Et elle invente, dans les considérants, un cours d’eau en rive droite du bief. Le propriétaire a plaidé son dossier avec succès au CODERST qui a retoqué le projet d’abrogation du droit d’eau. Une décision clairvoyante eu égard aux préjudices divers qu’il aurait dû supporter alors qu’il venait d’acheter la propriété. Mais par un courrier du 27 octobre 2016, la DDT relit cette décision consensuelle et menace, entre autres, l’usinier de prison.

 

Les enjeux environnementaux

Le cours d’eau subit des assecs de plus en plus fréquents depuis 2000 rendant assez dérisoires les aménagements et procédures obligatoires au profit d’espèces piscicoles chimériques.

 

Le statut du ru temporaire affluent originel qui s’écoule désormais dans le bief

Le cas de ce ru anonyme est seulement évoqué depuis 2015. Il ne figure même pas dans le chevelu étudié par la Fédération des pêcheurs.

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Une pseudo expertise non contradictoire, à une période de fortes eaux comme le fut le printemps 2016, peut probablement permettre d’observer de l’eau qualifiée de sources… qui n’en sont pas. Ces procédures apparaissent aussi déloyales que contestables.

Nous l’expliquons à chaque occasion qui nous est offerte : la  cartographie des cours d’eau va créer grief dans la mesure où la situation sera administrativement plus pesante après l’actualisation qu’avant (alors qu’elle était déjà erronée dans tous les départements). C’est un comble, mais nous en avons des exemples quotidiens tel ce bief que la DDT qualifie unilatéralement en 2016 cours d’eau.

 

Le courrier de la DDT

PRÉTET DE LÀ LOIRE

Direction Départementale des Territoires de la Loire

Service eau et environnement.  Pôle eau

Saint-Étienne, le 27 octobre 2016

Madame, Monsieur,

A la suite à nos derniers échanges cet été concernant le projet d'abrogation du droit d'eau du Moulin de la Roue, je vous fais part des informations suivantes.

Le projet d'arrêté d'abrogation du droit d'eau présenté au conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques du 20 juin2016 et auquel vous avez assisté n'a pas recueilli l’avis favorable de cette instance.

Ainsi, et bien qu'il ne s'agisse que d'une instance consultative, j'ai décidé de ne pas

proposer à M. le préfet de la Loire la signature de l'arrêté.

Cependant, j’attire votre attention sur les éléments suivants : l’arrêté d'abrogation ne venait qu'entériner une situation de fait, le droit fondé en titre d'exploiter la force motrice de l'eau étant perdu compte-tenu de l'état de ruine de l'ouvrage en rivière.

Je vous réitère donc les dispositions applicables dans l'éventualité où vous souhaiteriez rétablir le seuil : un dossier de demande d'autorisation devra être déposé préalablement à tout commencement d'exécution de travaux conformément à l'article R.2I4-6 du code de l'environnement. L'Isable étant classé en liste 1 au titre de l’article L.214-17 du même code, le dossier devra notamment justifier du maintien de la continuité écologique actuellement rétablie par la ruine du seuil.

Le non-respect de ces dispositions vous expose à des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à 1 an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (art 173-1 du code de l’environnement).

Par ailleurs, suite à l’intervention de M……. concernant le ruisseau de Jabregen, mes services associés à I'Onema ont réalisé une expertise de terrain les 19 mai et 30 juin 2016. Il ressort de cette expertise que le ruisseau de Jabregen est bien un cours d'eau sur la base des éléments suivants, retenus par la jurisprudence constante en la matière, et introduits à I'article L.215-7-1 du code de l'environnement par la loi biodiversité :

. alimentation par une source (en l'occurrence 2 sources, le ruisseau étant

constitué de 2 bras en amont du chemin communal) ;

. présence d'un lit naturel à l'origine constitué de berges stabilisées et d'un substrat différencié (sables, graviers, pierres) traduisant la présence d'un débit suffisant la majeure partie de l’année ;

. on note également la présence de macro-invertébrés benthiques confirmant la

présence d'un débit suffisant : tricoptères à fourreaux (plusieurs familles

observées), éphéméroptères, ancylidae, simulidae...

 Ce cours d'eau est entièrement intercepté par le bief du Moulin de la Roue au niveau du chemin communal. Le bief étant de fait affecté à l'écoulement normal des eaux du cours d'eau, il est lui-même un cours d'eau.

Ces éléments seront reportés sur la cartographie départementale des cours d'eau en cours d'élaboration.

Tous travaux affectant ce cours d'eau (y compris désensablement le cas échéant) devront faire l’objet d'une procédure préalable de déclaration ou d'autorisation au titre de l'article L.214-3 du code de l'environnement (loi sur l'eau)…

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.

 

Le droit d’eau est conservé… au prix d’une situation calamiteuse

1°) « le droit fondé en titre d'exploiter la force motrice de l'eau étant perdu ».

Le droit d’eau n’est pas abrogé, mais selon une pirouette juridique, il serait perdu”? C’est assez peu crédible. A quoi bon avoir soumis le dossier au CODERST, par surcharge administrative désinvolte, alors qu'il suffisait d'user du pouvoir régalien...peut-être moins robuste qu'il n'y parait?

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2°) « un dossier de demande d'autorisation devra être déposé préalablement à tout commencement d'exécution de travaux »

Alors que la restauration du seuil nécessitant une seule journée de travail aurait pu faire l’objet d’une déclaration de travaux, voilà une sanction très lourde infligée au propriétaire que de l’obliger à constituer un dossier de demande d’autorisation de travaux (étude d’impact, enquête publique, et pour alourdir encore un peu : passage au CODERST bien qu’il ne s’agisse d’une instance consultative etc…). C’est la 1ère grosse punition.

Cette demande d’autorisation sera instruite… par la DDT. Et la DDT a déjà écrit en 2015 que la continuité écologique étant rétablie, la restauration du seuil n’était pas souhaitable. Une posture 100% dogmatique pour ce cours d’eau à sec plusieurs mois/an.

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3°) « justifier du maintien de la continuité écologique »

La DDT précise les peines encourues : sanction pénale, prison, 75 000€ d’amende…mais n’explique pas ce qu’elle entend proposer au titre de la continuité écologique”.

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4°) « Il ressort de cette expertise que le ruisseau de Jabregen est bien un cours d'eau »

Quelle est la valeur d’une expertise non contradictoire sans expert, à une date ponctuelle choisie pour la circonstance? Quiconque peut avoir d’autres appréciations de mi-juillet à fin octobre 2016,

L’existence de deux sources est loin d’être avérée,

Ce n’est pas parce que le ruisseau serait « constitué de 2 bras » qu’il s’agirait d’un élément constitutif de preuve de cours d’eau en aval,

Nous déplorons que la DDT, qui s’appuie sur la carte IGN quand cela l’arrange, n’en fasse pas état dans ce dossier puisque ce ru ne figure même pas en pointillés bleus, et encore moins les deux sources.

Rappelons que les eaux de ruissellements s’écoulent dans un talweg, qui au fil des siècles (lessivage) donne l’apparence d’un lit de cours d’eau. C’est un des trois éléments cumulatifs, mais pas l’unique, qui autorise à qualifier un ruisseau de cours d’eau”.

• la DDT outrepasse la loi en introduisant des notions personnelles de « berges stabilisées » pourquoi pas déstabilisées, d’un « substrat différencié » pourquoi pas indifférencié, qui lui permettraient d’en déduire… « la présence d’un débit suffisant la majeure partie de l’année ». Ces raccourcis sont aussi peu fondés techniquement qu’illégaux.

Quand à la faune aquatique elle était, mais elle ne l'est plus, un indice permettant de définir un cours d'eau. Une grenouille dans un fossé n’en fait pas un cours d’eau stricto sensu.

Nous allons voir dans quel dessein machiavélique la DDT 42 insiste pour classer ce pipi temporaire en cours d’eau.

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5°) « Le bief étant de fait affecté à l'écoulement normal des eaux du cours d'eau, il est lui-même un cours d'eau »

Le classement du ru en cours d’eau requalifie le bief lui aussi en cours d’eau. En clair, sur les 270 mètres qui rejoignent le moulin, plus de curage possible sans un nouveau dossier de demande d’autorisation. Et en prime, la continuité écologique devra être rétablie au droit du moulin puisqu’il formerait désormais obstacle à l’écoulement. A ce jour, il n’y a pas d’identifiant au ROE… gageons que cela ne saurait tarder ! C’est la seconde grosse punition.

La première punition empêchait la dérivation ancestrale de l’eau dans le bief. La seconde créée une charge spéciale et exorbitante.

 Tous les éléments de ce courrier de la DDT mériteraient d’être formellement contestés.

Conclusion

Ces outrances administratives mettent à la charge des propriétaires des démarches chronophages. Dans le cas où ils seraient impressionnés par la rhétorique et le harcèlement administratif, voire enclins à y succomber, il leur restera toujours une maison à vendre... mais plus un moulin.

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Voilà ce qu’est, Mme la Ministre, un retour d’expérience sur la continuité écologique.

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 Illustrations :

-      Photo du cours d’eau à sec en 2015

-      Extrait des Journées nationales d’échanges techniques les 8 et 9 octobre 2007 à St Malo (FNPF)

-      Roue neuve du moulin qui est aussi équipé d’une turbine.

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