Les enjeux de la continuité écologique : un riverain s’interroge et préconise la médiatisation

Ni pêcheur ni turbinier, j’habite depuis 20 ans au bord d’une rivière torrentueuse de l’Ardèche. Cette rivière est réputée pour abriter des souches méditerranéennes (ou au moins le mythe des souches ”) capables de s’abriter pendant les crues et d’attendre durant les étiages. Rien de bien spécifique pour un poisson. Aucun empoissonnement n’aurait été effectué depuis 1990. Malgré le nombre en baisse de pêcheurs, j’ai constaté la diminution du stock de truites.

Depuis 70 ans, la population des hameaux a été divisée par 10 ou 20. Elle est surtout constituée de personnes respectueuses de l’environnement, tant en pensées, en paroles qu’en actes. La culture intensive du pêcher jusque dans les années 1960 a quasiment disparu, mais peut-être pas les molécules épandues ? Seules deux centrales fonctionnent (200 et 80 kW), pour un productible bien supérieur à 3 MW sur les 22,6 km. Le potentiel hydroélectrique est donc notoirement sous-valorisé.

Lors de l’établissement du profil en long (1948) on comptait une douzaine de moulins, moulinages et scieries et encore plus de prises pour l’irrigation. Malgré ces nombreux “obstacles“, les truites abondaient à l’époque. Dès lors, je ne vois que le facteur chimique qui ait pu contribuer à la chute des populations de ce beau poisson : rémanence des phytocides, hormones féminisantes et nanoparticules ?

Les molécules qui se retrouvent dans le cours d’eau ne proviennent pas des hormones contraceptives (le bassin versant compte peu de femmes jeunes et elles sont en général attachées à rester en bonne santé), mais de celles utilisées par l’élevage ovin pour la “synchronisation des chaleurs“ infligée aux brebis (les crêtes sont maintenues râpées par des troupeaux). On place dans le vagin d’une brebis une “éponge“ qui bloque toute ovulation en libérant régulièrement une hormone. Lorsque l’on veut obtenir une gestation, on enlève cette éponge et on administre une autre hormone qui déclenche l’œstrus : l’insémination artificielle évite à l’éleveur l’échelonnement fastidieux des mises bas ainsi regroupées en une semaine environ. Au moins un éleveur dont le cheptel compte plusieurs centaines de brebis travaille encore “à l’ancienne“ et connaît de bons résultats économiques. Son exemple ne pourrait-il pas faire école?.

Les nanoparticules ont été reconnues (http://www.lemonde.fr/planete/article/2008/02/11/des-etudes-demontrent-les-dangers-des-nanoparticules-pour-la-sante_1009878_3244.htmlet autres) comme causant des lésions cérébrales aux truites. Les crèmes solaires dont les touristes s’embeurrent entre deux plongeons ne sont pas toxiques que pour eux-mêmes : qu’attend-on pour les interdire ? Elles ne présentent aucun intérêt pour le consommateur, bien au contraire.

Cherchez su votre moteur de recherche « truite féminisation » et « truite nanoparticule » et vous pourrez meubler quelques soirées de cet hiver.

Plusieurs pêcheurs m’ont dit prendre de moins en moins de mâles mais plutôt des femelles pleines d’œufs dès l’ouverture de la pêche (jadis, cela commençait en juillet). S’il manque des mâles et si les femelles s’épuisent à faire des œufs pour rien puisqu’ils ne seront pas fécondés, cela pourrait expliquer la régression des populations ? Combien coûterait une étude pour déterminer si ces hormones sont en cause ? Plus ou moins cher que l’effacement d’un seul seuil ? Si les hormones devaient être supprimées, combien coûterait l’aide aux éleveurs pour assister les brebis durant une période plus échelonnée de mise bas ? Les “services de remplacement“ existants pourraient y répondre. On finance déjà des aides bergers pour les troupeaux exposés aux loups.

Pour tenter de faire remonter les stocks de truites, cette rivière a (par arrêté préfectoral) été classée en “no-kill“ sur tout son parcours. A quoi bon si la reproduction n’est pas assurée ? Après l’intoxication chimique, elles ont désormais droit à la torture physique, pratique interdite en Suisse au titre du bien-être animal. Les inconvénients de cette mesure sautent plus aux yeux que les avantages : l’arrivée attendue de “pros“ du no-kill perturbera les poissons par des prises répétées.

Parmi vos arguments, j’ai noté que « leurs retenues créent des mouilles profondes » Dans cette rivière, les crues fréquentes entraînent d’abord les plus petits éléments et l’on retrouve surtout des gros cailloux dans la majorité du cours. Les seuils créent des sections où la vitesse de l’eau est diminuée et où les petits éléments restent. Il en résulte des zones à faible profondeur où les alevins ont plus de chances de se développer sans être mangés. De même, des canaux toujours alimentés à faible débit sans que l’énergie soit utilisée, sont des refuges pour les alevins, surtout en cas de crue (la vitesse dans le lit est alors de l’ordre de 5 m/s).

Fin janvier 2011, j’ai vu un homme en combinaison étanche rôder au bord de la rivière : un agent de l’ONEMA. Il recensait les seuils. Ce technicien (qui avait « fait des études pour ça ») m’a montré un seuil de 80 cm et m’a  expliqué qu’il bloquait les truites (parce qu’artificiel). Il devrait donc être détruit. Par contre, celui visible sur la photo jointe serait, selon lui, aisément franchi (parce que naturel).

Je n’ai pas fait d’études mais je lui ai demandé comment une truite pouvait-elle franchir cet obstacle, tout naturel soit-il ? Sa réponse était manifestement réservée à un interlocuteur plus crédule, ou tout simplement, n’en avait-il pas ? Je me suis aussi hasardé à l’interroger sur la présence d’algues qui tapissent le fond de la rivière. «Par temps chaud, cela arrive », m’a t-il rétorqué. Or, il gelait chaque matin, pour des températures maximales journalières de 5 à 7°C.

Un turbinier m’a raconté avoir dû remplacer une section de sa conduite forcée par un élément de diamètre inférieur. Averti par une âme charitable, un technicien de l’ONEMA est venu lui expliquer qu’il y aurait des sanctions car il était interdit d’augmenter le débit dérivé.

Pourquoi ne pas ouvrir une rubrique où chacun pourrait relater les dérives de ces agents de l’État ?

Je propose de l’intituler “Article 15“. C’est celui de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 précisant que « La Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Entre 13:00h et 14:00h, la radio RMC abrite une émission animée par Éric Brunet qui n’hésite pas à dénoncer les gaspillages d’argent public. Parmi vos 25 arguments, il trouverait de quoi tenir une heure (il s’intéresse aussi aux questions environnementales). Son émission est contradictoire et il réussit toujours à trouver un politicant assez courageux pour défendre des loufoqueries hermétiques au simple citoyen. Les auditeurs donnent leur opinion dans une sorte de sondage et il lui arrive d’aller chez un auditeur : une émission depuis un moulin agréablement aménagé et à plusieurs fonctions aurait de l’intérêt.

Le Canard enchaîné (500 000 exemplaires vendus chaque semaine) parle volontiers de telles gabegies : envoyez au “Professeur Canardeau“. Peut-être Médiapart pourrait-il s’intéresser à cette dilapidation qui diminue le potentiel économique du pays ?

Il faut, selon moi, insister sur le coût de ces destructions pour les contribuables alors que le déficit de l’État dépasse 25% des recettes.

Eyrieux

sur : http://geodesie.ign.fr/fiches/index.php?module=e&action=e_profils&context=consultation&l=G, nous observons l’affichage des profils en long qui ont été réalisés.

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