Impacts humains sur la diversité des poissons de rivières espagnoles (Maceda-Veiga et al 2017)

Une étude sur 15 bassins versants du Nord-Est de l'Espagne montre que les altérations chimiques de l'eau restent les premiers prédicteurs de dégradation des indices de biodiversité des poissons. Elle suggère aussi que chaque impact a une influence faible, que les zones de protection écologique ne témoignent pas d'efficacité particulière et que la gestion environnementale des rivières doit impérativement s'adosser sur des analyses robustes des variations naturelles ou contraintes des milieux dans chaque bassin.

Alberto Maceda-Veiga et ses collègues ont étudié 530 sites répartis dans une région de 99700 km2 au Nord-Est de l'Espagne, au sein de 15 bassins versants. Chaque site a été caractérisé par 27 variables physiques, chimiques ou écologiques liées à la géographie, la qualité de l'habitat et les propriétés de l'eau. La biologie des échantillonnages a été évaluée par 20 indicateurs centrés sur la caractérisation des espèces de poissons natives (endémiques) et introduites. Ont aussi été intégrées deux espèces d'écrevisse et la propriété de transporter les oeufs des moules. Les chercheurs ont trouvé 16 espèces natives et 18 espèces introduites dans l'ensemble des bassins.

Quelques résultats notables :

  • La variation totale de la composition des poissons (R2=24%) était d'abord guidée par la géographie (15%) suivie par la qualité de l'habitat (3%) et les propriétés de l'eau (2%).
  • La pollution par les nutriments, la salinisation de l'eau, la faible vitesse de l'eau et la pauvreté des habitats sont les principaux prédicteurs de menaces sur les espèces endémiques.
  • Les habitats protégés (type Natura 2000) montent un effet neutre sur la plupart des espèces natives.
  • Les affluents ont un rôle plus fréquent de refuge pour les espèces endémiques.

Il est intéressant de regarder le résultat détaillé. La tableau ci-dessous montre l'effet des variables des sites sur les variables biologique (ns non significatif, + positif, - négatif +/- sans direction claire), cliquer pour agrandir. On voit que beaucoup d'effets ne sont pas significatifs à p<0.05.

Extrait de Maceda-Veiga 2017, art cit,, droit de courte citation.

Cet autre graphique montre les pourcentages de modèles où un indicateur peut être retenu comme ayant un effet (rouge négatif, bleu positif, orange dans les deux sens), pour les espèces endémiques (en haut) et introduites (en bas). On voit qu'outre l'élévation (les têtes de bassin sont toujours plus pauvres en espèces de poissons, même si elles sont le refuge d'espèces endémiques), les facteurs ayant un effet négatif marqué sur le espèces natives sont dans l'ordre l'ammoniac et les nitrites, les phosphates, la couverture des berges et les nitrates. La morphologie du chenal et la diversité de l'habitat ont des effets mixtes. La vitesse de l'eau est en revanche un facteur positif.

Extrait de Maceda-Veiga 2017, art cit,, droit de courte citation.

Les auteurs concluent que la bonne qualité chimique de l'eau et le régime hydrologique naturel sont les deux priorités pour la biodiversité pisciaire de la région, que l'efficacité des zonages de protection écologique doit être mieux évaluée et que le rôle spécifique des affluents doit faire l'objet d'études complémentaires.

Discussion
Les résultats de Maceda-Veiga et de ses collègues confirment que les facteurs d'altération chimique de la qualité de l'eau restent les premiers prédicteurs de dégradation de la biodiversité des poissons. Un enseignement de leur étude est cependant la faible influence des variables, avec les données géographiques (naturelles) prédisant mieux les variations biologiques que les données anthropiques, et ces dernières ayant au final un effet assez faible. En effet propre, les facteurs anthropiques influencent au maximum 14% de la variance de la bêta-diversité (emboitement ou nestdeness) pour la qualité chimique et 8% pour la diversité d'habitat. Pour la richesse spécifique totale, ces effets tombent à 2 et 3%.

Chaque hydro-écorégion a bien sûr des caractéristiques propres, ainsi qu'une certaine occupation humaine des bassins versants. Ces travaux confirment l'impérative nécessité de fonder les mesures en écologie de la conservation ou de la restauration sur des estimations rigoureuses des impacts réels des activités anthropiques, tant pour analyser leur gravité que pour prioriser leur traitement. Ils suggèrent aussi d'évaluer la manière dont nous gérons les Natura 2000, ZNIEFF et autres zones de conservation, un point qui a été soulevé récemment dans une évaluation critique menée par l'Europe.

Référence : Maceda-Veiga  A et al (2017), Fine-scale determinants of conservation value of river reaches in a hotspot of native and non-native species diversity, Science of the Total Environment, 574, 455–466

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