Sécheresses: les aquifères sont-ils surexploités en France ?

Nous pensions a priori que le diagnostic de recharger les masses d’eau souterraines était une idée des planificateurs de la gestion quantitative de l’eau pouvant répondre au refus d’augmenter le stockage superficiel ? En effet, l’objectif de détruire tous les étangs, barrages et moulins de France au lieu d’en créer d’autres induit un déficit en eau. Dans le jargon administratif, c’est "l’effacement"(comme on efface une faute du passé).
A mettre cette doctrine en œuvre, tous les ouvrages auraient dû être "effacés" pour atteindre le « bon état 2015 ».
Si des ouvrages hydrauliques (plans d’eau, lacs, étangs, canaux et moulins) existent encore partout en France en dépit des très fortes pressions administratives, c’est par la seule volonté des propriétaires de résister à des diagnostics techniquement et financièrement peu convaincants.
La politique de la gestion de l’eau ne fait pas consensus, c’est un euphémisme.


Comment le dogme écologiste impacte-t-il la surexploitation des eaux souterraines ?
En s’opposant politiquement au captage et stockage des eaux superficielles excédentaires, le pompage devint la solution préconisée. Les milliers de puissantes pompes électriques remontent l’eau des nappes réputées inépuisables. Cette image était justifiée quand les prélèvements, en bon père de famille, restaient artisanaux.
En se généralisant et en y adaptant des moyens industriels, l’eau souterraine pourrait s’épuiser comme toutes les autres ressources naturelles qualifiées d’intarissables jusqu’à la veille de leur épuisement.

Nous avons été témoin dans un COPIL d’une DDT (cherchant à faire « un cas exemplaire de la réduction de la dérivation de l’eau », avec le soutien des ONG écologistes, avec l’approbation ingénue du Préfet), imposant de diviser par 10 un règlement d’eau et suggérant au propriétaire à creuser deux forages.
Une pure stupidité conceptuelle guidée par une ambition personnelle.

Pour pomper dans la nappe phréatique dite "libre", les agriculteurs doivent solliciter une autorisation de pompage et poser un compteur. Aucune obligation pour les forages domestiques (officiellement inférieurs à 1000 m3/an ou 8m3/h) qui se multiplient et sur lesquels aucun contrôle n’est exercé.
Cette nappe, semble souffrir en 2019 sans précipitations ni d’eau dans les cours d’eau pour la recharger.

De nombreux forages (alimentation en eau potable) pompent dans la nappe captive du cénomanien.
Or, si on épuise une nappe sédimentaire profonde qui a mis 10 000 ans, 20 000 ans voire plus à se créer, elle ne se reconstituera pas.

 

Et si les aquifères étaient surexploités ?
Selon la FAO, le taux de prélèvement s’est accru de 22%. En chine + 102%, aux USA + 31%, en Inde +23% ; qu’en est-il en France où les forages sont encouragés ?
Nous partons du constat de l’irrépressible propension de l’homme à surexploiter toute ressource jusqu’à son épuisement.
C’est le cas flagrant pour toutes les matières premières visibles : la forêt, le sable etc… surexploités face à l’inaction des Etats. Ce sont les marchés qui commandent.
Le phénomène est encore plus marqué pour les actifs naturels invisibles.
L’UE par exemple a largement financé la surpêche le pillage des océans. Maria DAMANAKI, en charge de cette politique, jurait à l’époque que tout allait bien.
Elle s’est recyclée Directrice générale des océans à l’échelle mondiale pour le compte d’une ONG travaillant pour la restauration des écosystèmes marins.
Mieux vaut désormais évoquer, d’une manière très générale et savante, les "écosystèmes" et la "biodiversité" que d’effectuer une analyse des causes précises ayant présidé à la surexploitation des stocks actuellement en voie d’épuisement.
La ponction continuera jusqu’au dernier poisson.
S’ouvrira alors le business inépuisable de la restauration.

 

Il est impossible que les masses d’eau souterraines ne soient pas réglées selon les mêmes principes de ponction répondant de l’appât du gain.
Hardin n’invente rien en 1968 mais dénonce le principe de la surexploitation des ressources communes jusqu’à l’épuisement, encaissant les profits, et en faisant supporter les coûts d’exploitation à la collectivité.
Tel est le cas de la surpêche subventionnée.
Tel est aussi le principe des forages financés.

 

Et si on ne nous disait pas tout ?
Les écologistes camperont vraisemblablement, contre tous les besoins des autres, sur leurs certitudes : il reste tabou d’imaginer augmenter l’eau disponible. Il vaut mieux, selon eux, laisser couler plus d’une centaine de milliards de m3/an vers l’océan car il est hors de question de créer des barrages, sous peine de SIVENS.

Sclérosant toutes prospectives sur le stockage des eaux superficielles, ce diktat serait une aubaine si on ne nous avait pas tout dit sur l’état des stocks : pénurie d’eau superficielle et baisse des nappes ? Du perdant/perdant.

Le principe de précaution consiste à s’interdire tout pompage dans la nappe profonde tant que le stockage superficiel ne montre pas ses limites. Tant que la ressource superficielle serait en mesure de couvrir nos besoins, laissons les nappes profondes à la disposition des générations futures auxquelles elles pourraient faire défaut.
A la réflexion, ce diagnostic récent de l’injection urgente dans l’aquifère nous apparaît suspect car nos pratiques hydrovores, selon le principe d’Hardin, ont peut-être déjà ponctionné sans contrôle plus que l’infiltration naturelle n’apporte, et peut-être déjà trop dans la nappe captive qui ne se reconstituera pas ?
Comme pour le poisson, le discours lénifiant nous dira que tout va très bien ! 

croquis: CAUE 60

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