Sologne: l'incohérence de l'action publique...à des coûts exorbitants.

Question N° 91084 de M. Patrice Martin-Lalande (Les Républicains - Loir-et-Cher )

Le rétablissement de la continuité écologique de certains cours d'eau prévu d'ici fin 2017 préoccupe beaucoup d'élus, de responsables ruraux et de riverains des cours d'eau, comme en Loir-et-Cher. À titre d'exemple, les prévisions de travaux d'arasement ou d'aménagement des ouvrages sur la rivière du Beuvron qui traverse la Sologne d'Est en Ouest inquiètent à plusieurs titres. Premièrement, leur coût de 7 millions d'euros : est-il raisonnable de mobiliser une telle somme d'argent privé et public dans la situation actuelle de pénurie financière de tous les maîtres d'ouvrages concernés ?

Les agences de l'eau renâclent à financer ces travaux à hauteur de 50 % à 70 % ; les 20 % mis à la charge des propriétaires représentent plus que la valeur de l'ouvrage dont on les prive ; les 20 % réclamés aux collectivités locales sont plus insupportables que jamais dans la situation actuelle des finances locales. Deuxièmement, leur justification : ceux qui ont voté les lois issues du « Grenelle de l'environnement » ne pensaient pas qu'avec la directive européenne sur l'eau elles se traduiraient, dans certains cas, par des mesures aussi lourdes et aussi disproportionnées. On est obligés de se poser la question de la tentation permanente de « sur-interprétation » des normes européennes par la France.

Pourquoi donner à la continuité écologique des cours d'eau le rôle principal pour atteindre un « bon état » des milieux aquatiques alors que d'autres causes de l'éventuel mauvais état relatif des eaux sont à traiter (pollutions, rejets thermiques) ? Troisièmement, leur calendrier : les ouvrages ciblés sont installés depuis de longues décennies, et souvent un ou deux siècles. Pour quelle raison l'amélioration de la continuité ne peut-elle être différée de quelques années ? En quoi une remontée des poissons et une circulation sédimentaire seraient-elles moins légitimes 95 ans après la construction de l'ouvrage à détruire que 90 ans après ? Quatrièmement, le risque sérieux d'incohérence des actions publiques.

En enlevant les ouvrages, on va réduire considérablement le taux d'humidité des sols voisins sur lesquels sont construits des bâtiments dont l'assise sera radicalement modifiée. Ces petits ouvrages, qui ont heureusement permis la maîtrise de l'eau dans des régions aussi pénalisées que la Sologne, font partie du patrimoine architectural dont la sauvegarde est aussi un objectif européen et national. M. Patrice Martin-Lalande interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur deux points principaux.

D'une part, est-il aujourd'hui justifié d'utiliser de l'argent public pour ces travaux au détriment du financement d'autres missions de la collectivité publique ? Les histoires d'eau nous font-elles perdre notre liberté de redéfinir les priorités d'affectation d'une ressource budgétaire devenue beaucoup plus rare que lors de la publication de la directive et des lois concernées ?

D'autre part, on peut souhaiter que, comme en Loir-et-Cher, les services de l'État agissent avec pragmatisme et prudence, mais ils sont par définition contraints de faire avancer le programme de travaux pour boucler fin 2017.

Il lui demande si le Gouvernement a l'intention de décider le nécessaire « moratoire » en reportant la limite de décembre 2017, pour étudier plus à fond la pertinence et l'efficacité de la réalisation de ces travaux d'un coût insupportable en cette période de crise budgétaire. Ce moratoire de droit permettrait une concertation qui a beaucoup manqué et éviterait qu'un moratoire de fait ne soit instauré par la multiplication actuelle des recours.

Question publiée au JO le : 17/11/2015 page : 8280

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