Qualité des cours d’eau: qui analyse, surveille et paye ?

Imaginez un médecin fonctionnaire chargé d’édicter normes et circulaires sur les procédures à mettre en place pour détecter vos pathologies, de payer les analyses du laboratoire, de payer vos médicaments, de payer de sa poche les frais hospitaliers et enfin, chargé du contrôle et de la verbalisation.  Quel intérêt aurait-il à vous diagnostiquer le moindre bobo ou cancer ?
Caricatural pensez-vous ? C‘est pourtant le schéma mis en place par la France pour expertiser ses masses d’eau.
• Burlesque s’il ne s’agissait pas de notre santé,
• Moins drôle quand il s’agit d’identifier les substances, sans réelle intention d’inventaire exhaustif, pire, en cadrant les analyses pour éviter d’en déceler trop,
• Insupportable quand on exige des lampistes (qui ne rejettent aucune molécule dans les cours d’eau), d’entreprendre des travaux onéreux représentant une charge spéciale exorbitante,
• Déloyal enfin, quand le discours prétend que ces travaux en cours d’eau vont quasiment à eux seuls pouvoir améliorer la qualité des masses d’eau.


Nous anticipons la grande consultation qui parait-il s’annonce, en restituant l’avis de nos lecteurs. Ils nous transmettent en effet régulièrement des lettres-infos rassurantes (bardées de 5 à 6 logos de financeurs) d’Agences de l’eau, de Syndicats 
de rivières et de Fédérations de pêcheurs: « nous sommes sur la bonne voie et probablement en 2021, certainement en  2027, tout ira bien ». 

Souvenez-vous du médecin qui aurait dû tout payer : il préfère casser le thermomètre et se limiter au minimum légal : l’examen visuel rapide du patient habillé.
C’est le cas de la France: elle envoie des brigades dans les cours d’eau pour des examens "à vue" axés sur la biologie. Que l’eau soit polluée est une autre affaire : les molécules chimiques sont invisibles (si les indicateurs biologiques étaient pertinents, ils devraient prendre en compte l’état chimique, ce que l’on ne sait pas faire, même si on le voulait).

 

Information ou désinformation ?

Ces comptes rendus fort bien présentés, sont quelques fois dithyrambiques, rassurants par principe, mais toujours édulcorés. Le problème de fond est que les rares lecteurs sont pris pour des idiots.
On sait que ces "cahiers de mensonges" répondent à une triple nécessité :
1) rédiger des rapportages présentables à l’UE,
2) éviter de pointer, par convenance économico-politicienne, les multiples sources de pollutions (pourtant connues) eu égard au statut du pollueur, à son poids financier, au spectre de l’emploi…
3) se soustraire aux grosses dépenses pour résoudre une problématique démesurée, initiée depuis 1960, alors que nous ne savons même pas par quelle tentacule commencer.

 

Quelles substances surveille-t-on en France ?

C’est une liste "peau de chagrin" que la France s’est proposée de surveiller.

L’état chimique ne prend en compte (et très mal) que 41 substances.

L’état chimique n’évalue pas le degré des contaminations.

L’effet cocktail aigu des substances toxiques n’est pas du tout considéré alors que l’INSERM a mis en évidence ce facteur très impactant.

La surveillance chimique française apparaît biaisée, tronquée et inadaptée aux enjeux actuels de l’eau.

 

Surveillance française fondée sur des NQE mouvantes, empiriques et souvent très élevées

Tout le système de surveillance repose sur les NQE (Normes de qualité environnementales). Or, le curseur de ces NQE a un caractère hautement empirique et évolutif. L’évaluation de la qualité de l’eau, basée sur des normes ou des seuils réglementaires, est d’une grande élasticité (source : Eau Evolution).

 

Le défi de la démocratique sociale qui s’annonce ?

Nous n’en attendons strictement rien. Cela ne nous interdit pas d’exprimer un avis.
Nous sommes capables de comprendre les enjeux, mais il est temps de changer d’ère en termes de communication : considérant les budgets des Agences de l’eau, les français ne supportent plus la désinformation institutionnelle.
La démarche sociétale peut déjà commencer par informer les élus locaux siégeant dans toutes les instances : Agences de l’eau, Collectivités territoriales et leurs Syndicats de rivières, EPTB etc…
Informez-les que la surveillance des contaminants chimiques réalisée par leurs services et l’évaluation de l’état chimique DCE ne sont pas du tout à la hauteur.
Ils affirment que tout va mieux, alors que leurs successeurs s’apercevront que tout allait déjà très mal.
Si les paradigmes actuels continuent à prévaloir (le contraire serait très surprenant), les successeurs auront le réflexe immédiat de déplacer les curseurs pour encore rassurer : « le bon état sera atteint en 2060 ». C’est la politique durable.

 

Le bon état écologique

« Comme pour la question du bon état chimique des eaux, qu’il s’agisse des eaux souterraines et des eaux de surface, et la batterie d’indicateurs qui qualifie le soit disant bon état chimique ; il y a tout lieu de penser que le bon état écologique qualifié par une batterie d’indicateurs (hydromorphologie, continuité écologique, indices d’abondance,…) ne soit un leurre au bon état patrimonial ; et que ces mêmes indicateurs ne servent finalement qu’à masquer une réalité bien plus sombre pour éviter les contentieux communautaires ! » (Cyrille Deshayes).
De la même façon que les NQE ont été choisies arbitrairement, ne suffisait-il pas de calibrer dès le départ les notes attribuées par les indices biologiques de telle sorte que, lors des contrôles ultérieurs, on ne retombe jamais loin des exigences des rapportages ?

 

Conclusion
Honni soit qui mal y pense : et si la France était partie de diagnostics prédéfinis, puis, à l’aune des dépenses à engager, des mauvaises pratiques à modifier, de leurs coûts techniques et socio-économiques, en aurait défini une procédure normée de surveillance chimique à mettre en œuvre ?
Pour l’instant, le système ne répond pas aux enjeux réels. Et nous sommes loin du compte.

Une expertise exhaustive, indépendante et elle seule pourrait nous renseigner.
Les savoir-faire existent. Mais grand danger: elle n’autoriserait  pas les égarements actuels ni l’interprétation des données érigée en système.

Il convient juste ne pas perdre de vue que la « présentation des résultats du réseau de suivi de la qualité des cours d’eau » est loin de nous renseigner sur leur état chimique réel.

 

Source :  http://eau-evolution.fr/doc/divers.php?lien=eau_etat_chim_franc_dce_sie_surveillance_pest_tox

Illustration :
•la NQE est la norme supérieure du curseur du bon état chimique. Le « bon état » commence dès la limite la plus basse de détection jusqu’à la NQE. L’objectif est de surveiller l’évolution des concentrations pour vérifier qu’elles restent dans cet intervalle.

•LQ : limite de quantification

•LD : limite de détection

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