DCE 2015 et les Rois de l'eau

 

et l'eau, Mme Royal?

Dans son édition du jeudi 19 juin 2014, l’hebdomadaire le Nouvel Observateur a publié une lettre ouverte adressée à Mme Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie.

« En 2007, seule ou presque, vous dénonciez courageusement la liquidation par la droite de l’Institut français de l’environnement. Il dérangeait car il produisait une information indépendante sur l’état de l’environnement. Episode prémonitoire.

Le 2 avril dernier, vous décriviez l’écologie comme « l’envie de participer à un projet de civilisation ». Les enjeux sont considérables : l’adaptation au changement climatique, la transition énergétique, la préservation de la biodiversité…

Et l’eau, Madame la Ministre ? On vous a affirmé que sa politique venait tout juste d’être réformée. On vous a menti.

De 23 à 25 milliards d’euros (nul ne le sait exactement, un comble quand la crise financière ébranle les fondements du vivre ensemble), sont dépensés chaque année en France pour les politiques de l’eau, garantir son maintien en bon état dans le milieu naturel, alimenter nos robinets en eau potable, assainir les eaux usées, et pourvoir aux besoins colossaux de l’agriculture, de l’industrie, des secteurs de l’énergie et des loisirs, qui dépendent totalement de cette ressource vitale.

Mais depuis un demi-siècle la gouvernance de l’eau et la gestion de cette manne financière colossale ont été soustraites à tout contrôle par un lobby qui fait prévaloir ses appétits sur l’intérêt général.

Le lobby de l’eau ? Moins d’une centaine de personnes en France : élus demi-soldes de la politique nationale, mais véritables « barons de l’eau », hauts fonctionnaires issus des grands corps de l’Etat, associations socio professionnelles, représentants de l’agriculture, de l’industrie, de l’énergie, des multinationales françaises de l’eau, des instituts de recherche spécialisés…

Monopolisant toutes les instances de décision, érigeant les conflits d’intérêts en mode de gouvernement, ils ont précipité une crise, environnementale, sanitaire, financière, aux conséquences catastrophiques à l’horizon des toutes prochaines années.

Les rapports de la Cour des comptes, du Conseil d’état, du Conseil d’analyse stratégique, du Commissariat général au développement durable, témoignent de l’extrême gravité de la dégradation des ressources en eau depuis une trentaine d’années, sous l’effet de pollutions multiformes, nitrates, pesticides, métaux lourds, PCB, perturbateurs endocriniens…, dont l’impact est dévastateur pour l’environnement, la biodiversité et la santé publique.

Mais l’action publique demeure orientée, non vers la prévention, mais vers des mesures curatives aussi inefficaces que dispendieuses, qui ne pourront continuer à être financées dans un contexte de crise systémique des finances publiques.

A dix ans d’intervalle, le lobby de l’eau a fait échouer deux projets de réforme de la politique de l’eau. Le premier, en 2001, initié par Dominique Voynet sous le gouvernement de Lionel Jospin. Le second, en 2012 sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

L’enterrement programmé de ces réformes, la fuite en avant aveugle qui nous exposera à de lourdes condamnations par l’Europe parce que nous n’aurons pas rempli nos engagements, le dessaisissement de la représentation nationale au profit d’organes stipendiés, comme le Comité national de l’eau, le mépris affiché à l’égard de la société civile, nous conduisent à l’abîme.

Pour l’eau, il est déjà minuit dans le siècle, Madame la Ministre.

Osez proclamer des Etats généraux de l’eau. Refonder de fond en comble la gestion de l’eau en France. Créer une Autorité nationale de l’eau. Des centaines de milliers de citoyens et d’élus sont prêts à s’y associer. Ce désir d’un avenir soutenable, nous le devons aux générations futures. »

article de Marc Laimé le 20 Juin 2014

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