Le moulin du Roy fonctionnait bien depuis l'an 1194. Le SABV a eu l’idée de "restaurer". Le juge a dit non !

Inventorier les cas où la mise en œuvre du dogme de la continuité écologique apparaissent problématiques est une gageure. Il est plus simple d’analyser par le prisme ou, selon l’administration, « tout irait bien ». Un satisfécit superficiel correspond à des travaux mis en œuvre conformément au diagnostic d’un syndicat de rivière qui priorise l’effacement des ouvrages avec un taux de financement de 100%. Pour en arriver là, en général, le propriétaire a tout subi : la désinformation, les menaces de sanctions administratives, sanctions pénales, sanctions financières, PV de l’ONEMA-AFB, chantages divers et in fine, carotte à la subvention. Nous ne noircissons pas le tableau : tous les courriers concordent.

Les retraités jouissant d’une petite retraite sont des proies idéales. De guerre lasse, ils donnent leur consentement pour détruire un bien qui a fait vivre plusieurs générations. Le préjudice immobilier est outrageusement ignoré : c’est la prime à la casse en remerciement de l’accord signé. Et les intérêts de ce marché de dupes, c’est l’abrogation du droit d’eau.

 

Le moulin du Roy TA Poitiers 25 janvier 2017 est un gros grain de sable pour les projets du SAVB ; il faut reconnaître que le montage du dossier fut lacunaire, les diagnostics de déplacement du cours d’eau improbables etc…Et que venait donc faire le CEN (Conservatoire des espaces naturels) dans un tel dossier ? Improvisations et manque de professionnalisme caractérisent ces travaux de continuité écologique.

Nous imaginons que le Préfet a retoqué par deux fois (en jaune) le requérant lors d’un recours gracieux. Il faut savoir que lors des recours gracieux, c’est la DDT qui tient la plume. Elle continue donc à appuyer le dossier qu’elle a instruit. Il faut donc s’armer de patience et attendre que le dossier soit jugé au fond pour avoir enfin un avis impartial.

 

Pas de quoi pavoiser : la tristesse et la colère l’emportent car pour une propriétaire qui refuse de se laisser écraser, combien n’osent pas porter ce genre de démarche usante et chronophage ? Ces agressions administratives lourdes devraient s’accentuer car les échéances ne sont jamais tenues malgré l’argent public dépensé : les élus devront encore payer, nonobstant l’absence de gain environnemental significatif.

 

Les considérants du jugement

 I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 octobre 2014 et le 23 septembre 2015, dans l’instance n°1402706, Mme Françoise Chaveneau, représentée par Me Defradas, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du préfet de la Vienne du 5 août 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est propriétaire du « Moulin du Roy » à Montreuil-Bonnin, qui se trouve sur le

cours de la Boivre, avec une roue toujours en état de fonctionnement ; en 1194, il a fait l’objet d’une donation par le roi Richard Cœur de Lion à l’abbaye du Pin et a été vendu à la Révolution comme bien national ; il bénéficie donc d’une prise d’eau fondée en titre, dès lors que son existence antérieure à l’abolition des droits féodaux est établie ;

- le 12 novembre 2012, le Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre a sollicité la mise en œuvre d’un contrat de restauration et d’entretien de la Boivre, cours d’eau non domanial, avec l’agence de l’eau Loire-Bretagne ; son dossier destiné à obtenir du préfet de la Vienne qu’il déclare d’intérêt général les travaux d’entretien de la Boivre et qu’il lui accorde l’autorisation exigée par les articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement, a été déclaré complet et régulier le 24 janvier 2014 ;

- le programme d’action défini par le SABV (Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre) consiste à travailler sur la morphologie du cours d’eau, sur un linéaire total de 68,7 kilomètres, pour améliorer sa continuité écologique, la qualité physique de l’écosystème et constituer une ripisylve naturelle en berge ;

- les travaux envisagés comportent des « travaux de restauration de l’ancien lit » ainsi que la création d’une rivière de contournement d’ouvrage, mais le dossier ne définit pas précisément la nature de ces travaux et renvoie à des études ultérieures, après concertation avec les propriétaires ;

- les travaux de « restauration de l’ancien lit » consistent à faire revenir le cours d’eau

vers le fond de la vallée (talweg) lorsqu’il a été déplacé, notamment pour alimenter le bief d’un moulin, ce qui permettra d’alimenter plus facilement des zones humides en cas de crue ; en outre, dans le cas d’un moulin, cela permet de rétablir la continuité écologique ; le moulin resterait alimenté grâce à la création d’un ouvrage répartiteur, sans que cette répartition soit définie ; ceci concerne explicitement le Moulin du Roy, pour un coût prévisionnel de 90 000 euros, qui serait pris en charge par le conservatoire d’espaces naturels de Poitou-Charentes, qui assumerait en outre la réalisation d’une étude complémentaire préalable et la maitrise d’ouvrage

des travaux ;

- dans le cadre de l’instruction de la demande du SABV, le dossier a été soumis à enquête publique du 17 février au 21 mars 2014, ce qui a permis aux riverains d’exprimer des inquiétudes sur des projets qui paraissaient imprécis ; le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable à la demande au titre de la législation sur l’eau et un avis favorable à la demande de déclaration d’intérêt général, à condition qu’ils ne soient entrepris qu’après accord des propriétaires riverains et ne nécessitent pas une autorisation au titre de la loi pour l’eau ;

- par l’arrêté attaqué du 5 août 2014, le préfet de la Vienne a déclaré d’intérêt général les travaux prévus par le programme de restauration et d’entretien du Syndicat d’aménagement

de la vallée de la Boivre pour la période 2014-2019, et accordé à ce syndicat l’autorisation au titre des articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement et des rubriques 3110, 3120, 3210, 3310 et 3150 de la nomenclature de l’article R. 214-1 du même code ;

- le Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre ne détient pas la compétence

pour solliciter du préfet de la Vienne une déclaration d’intérêt général et une autorisation au titre de la législation sur l’eau pour des travaux dont la maîtrise d’ouvrage incombe au CREN ;

- le Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre n’a pas justifié de la qualité

exigée pour solliciter la délivrance d’une autorisation au titre de la législation sur l’eau ;

- la délibération du 12 novembre 2012, faisant référence à son propre budget,

n’habilitait pas le Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre à solliciter une déclaration d’intérêt général au titre de l’article L. 211-7 et une autorisation au titre de l’article L. 214-1, pour des travaux qui seront réalisés sous la maitrise d’ouvrage du CREN ;

- son objet statutaire ne permet pas au Syndicat d’aménagement de la vallée de la

Boivre de solliciter des autorisations de travaux pour le compte d’autrui, ce qui est pourtant fait dans le dossier de demande (p. 293) ;

- l’article L. 211-7 du code de l’environnement réserve cette procédure aux collectivités publiques, ce qui s’oppose à ce qu’une déclaration d’intérêt général soit sollicitée et prononcée pour le compte d’un maitre d’ouvrage privé comme le CREN ;

- la composition du dossier du Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre est

irrégulière dès lors qu’une déclaration d’utilité publique devait être sollicitée en application de l’article L. 215-13 du code de l’environnement ;

- le dossier du Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre présenté au titre de la loi sur l’eau méconnait les dispositions de l’article R. 214-6 du code précité dès lors qu’il indique de manière insuffisamment précise les travaux et ouvrages projetés, ainsi que leur nature, consistance, et volume ;

- le document d’incidence contenu dans le dossier du Syndicat d’aménagement de la

vallée de la Boivre et prévu par les dispositions du 4° de l’article R. 214-6 du code présente un caractère insuffisant dès lors qu’il renvoie à des études complémentaires pour définir les travaux et aménagements envisagés ainsi que leurs incidences et les mesures correctives et compensatoires nécessaires ;

- le dossier du Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre est entaché

d’irrégularité dès lors qu’il ne comporte par l’étude d’impact pourtant requise dès lors que les travaux portent sur l’entretien de cours d’eau soumis à autorisation au titre de la législation sur l’eau ;

- le dossier du Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre est entaché

d’irrégularité dès lors qu’il n’établit nullement la compatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin (SDAGE) Loire-Bretagne ;

- l’arrêté du Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre en date du 13 janvier

2014, prescrivant l’ouverture de l’enquête publique, ne comporte pas la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de son auteur, en violation de l’article 4, alinéa 2, de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- les irrégularités et insuffisances du dossier du Syndicat d’aménagement de la vallée de la Boivre ont privé le public, lors de l'enquête publique, d’éléments essentiels d'appréciation du projet et de ses impacts ;

- l’autorisation au titre de la législation sur l’eau a été accordée au titre de la rubrique

3.2.1.0 de la nomenclature de l’article R. 214-1 sans que le public en ait été informé pendant l’enquête publique ;

- le projet n’a, en violation de l’article L. 123-16 du code de l’environnement, pas fait

l’objet d’une délibération motivée réitérant la demande d'autorisation à la suite des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ;

- le projet n’a pas fait l’objet, en violation de l’article L. 126-1 du code de

l’environnement, d’une déclaration de projet ;

- le projet n’a pas fait l’objet, en violation de l’article R. 341-9 du code de

l’environnement, d’un avis de l’Architecte des bâtiments de France ;

- l’arrêté attaqué ne comporte pas les dispositions propres à assurer le respect des

prescriptions nécessaires en matière d’archéologie préventive ;

- l’arrêté attaqué ne pouvait pas déclarer d’intérêt général, ni délivrer l’autorisation au

titre de la législation sur l’eau, sans déclarer d’utilité publique les travaux concernés ;

- les travaux de dérivation de la Boivre et de création d’une rivière artificielle de

contournement du Moulin du Roy sont incompatibles avec le plan local d’urbanisme de la commune de Montreuil-Bonnin ;

- les travaux ont été autorisés sans qu’aient été fixées les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

Par un mémoire, enregistré le 11 mai 2015, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens de la requête sont infondés.

 

II. Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 6 octobre 2014 et le 17 octobre 2014, dans l’instance n°1402709, l’association de protection des rives de la Boivre, représentée par Me Salomon, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du préfet de la Vienne du 5 août 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le département de la Vienne a sollicité la réalisation d’une enquête publique

préalable à la déclaration d’intérêt général du contrat territorial « milieu aquatique » de la Boivre et de ses affluents, conformément à l’article L. 211-7 du code de l’environnement, ainsi qu’une demande d’autorisation des travaux au titre de la protection des eaux et des milieux aquatiques, conformément aux dispositions des articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement ;

- le 20 avril 2014, le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable à la demande au titre de la législation sur l’eau ;

- l’ouverture de l’enquête publique n’a pas donné lieu à la publicité prévue par

l’article R. 123-11 du code de l’environnement ;

- M. Séguy n’avait pas compétence pour signer l’arrêté ;

- le dossier de demande n’a pas fait l’objet d’une délibération du Syndicat

d’aménagement de la vallée de la Boivre ;

- le commissaire enquêteur note en page 54 de son rapport que des études

complémentaires auraient dû être réalisées pour résoudre certaines difficultés ;

- le commissaire enquêteur fait état de risques pour le patrimoine immobilier ;

- en page 59 de son rapport, le commissaire enquêteur relève une erreur qui atteste

que la concertation n’a pas été réelle et sérieuse ; plus généralement, il constate l’insuffisance de l’information et de la concertation avec les riverains, à partir d’un dossier d’enquête trop technique ;

- profitant de la déclaration d’intérêt général pour permettre des expropriations, le

projet est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ; ses analyses ne sont pas abouties ;

- les architectes des bâtiments de France n’ont pas été consultés.

 

Par un mémoire, enregistré le 27 avril 2015, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens de la requête sont infondés.

 

Epilogue :

Le 25 janvier 2017 la propriétaire obtient gain de cause et le juge annule l’arrêté préfectoral du 5 août 2014.

.

.

Les commentaires sont fermés.