Environnement, biodiversité, écologie…le fardeau semble trop lourd pour la FNPF

Peut-elle encore s’occuper des pêcheurs dans ce spectre aussi large ? Un schéma légal inapproprié, une organisation pyramidale à cavités, sans pouvoir légal sur 3700 associations. Nous portons un regard neutre sur ce milieu en proie à des doutes et des difficultés. Notre analyse n’est pas un réquisitoire, sur ce loisir encore pratiqué en 2015 par 1 553 271 pêcheurs, loin s’en faut. Le bât blesse quand leurs responsables s’arrogent l’environnement à des fins uniquement halieutiques et prétendent imposer un diktat aux usagers historiques des cours d’eau.

 

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Un cadre légal et administratif très curieux

L’organisation de la police de la pêche a été instaurée par un décret du 12 juillet 1941. Le volet administratif résulte de la loi du 23 mars 1957. L’Union Nationale, elle, a été créée en 1947. Elle bénéficie d’un régime dérogatoire : ce n’est pas Bercy qui lève la taxe piscicole, mais une association.

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Une autre particularité, qui peut autoriser des dérives : ce système associatif, locataire (1) du cours d’eau se comporte en "propriétaire" en définissant les règles de gestion et en contrôlant leur exécution.

Non content de cette exclusivité, le législateur lui a attribué -par défaut- le titre de "protecteur de la nature" (protection du milieu aquatique).

Ce n’est encore pas suffisant, la FNPF interfère dans l’aménagement du territoire (destruction d’ouvrages), en aménagement rural et contribue à l’élaboration des textes législatifs.

Même pas propriétaire, ce locataire d’un actif naturel commun, bénéficie d’un pouvoir élargi et, dans les faits, d’un très faible contrôle (voire inexistant ?).

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Les chasseurs, exerçant eux aussi leur loisir, ne jouissent pas des mêmes prérogatives. Ils ne gèrent pas les forêts en lieu et place de l’ONF, ne rédigent pas les aménagements forestiers ni les plans simples de gestion, n’ont aucun pouvoir de police forestière et ne portent pas de prescriptions portant préjudice aux tiers.

Au lieu d’un auto-contrôle, ce serait à l’ONEMA (aujourd’hui l’AFB) à agréer les PDPG (Plans départementaux pour la protection des milieux aquatiques et la gestion des ressources piscicoles), à exercer la garderie et le pouvoir de police.

Or, il y a bien longtemps que les personnels de l’ONEMA n’assurent qu’à la marge le rôle de garderie et qu’ils ne contrôlent plus les pêcheurs.

Cette mission a été abandonnée, quand ils existent, à des gardes assermentés dépendant des associations. Les AAPPMA paient l’uniforme et les accessoires. Les FD assurent peu ou prou la formation.

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la dérive : des AAPPMA locataires sur le terrain, des Fédérations départementales et régionales à la FNPF unique interlocutrice des pouvoirs publics, la trame est bien en place. Encouragés par ce pouvoir absolu, les responsables bénévoles de la FNPF, issus de la société civile, s’autoproclament spécialistes es sciences de l’environnement et assènent leurs vues manichéennes au ministère (MEEM) en matière de continuité écologique.

et pour coiffer cet échafaudage très singulier, le droit de pêche appartient au riverain.

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du CSP à l’AFB : d’une origine corporatiste, le CSP (Conseil supérieur de la pêche) puis l’ONEMA intervenaient pour le compte des Fédérations. Des organismes publics ni plus ni moins au service des pêcheurs. Un schéma curieux : une association sportive aux missions régaliennes. L’inverse aurait pu être pertinent : l’ONEMA édicte les règles de gestion, en assure le contrôle et les pêcheurs organisent leur loisir dans leur trame associative.

Si l’AFB reste à la disposition des pêcheurs, elle pourrait se demander ce que la biodiversité va gagner sur 500 000 km de cours d’eau ?

 

Une organisation interne noyautée et des tensions fortes au sein de la pyramide?

Les pêcheurs d’une AAPPMA élisent leur bureau. L’AAPPMA propose ensuite éventuellement des candidats au bureau de la Fédération départementale.

L’échelon suivant est régional puis enfin l’échelon national (FNPF).

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Le mode d’élection des dirigeants qui, parait-il, s’apparente à une cooptation d’administrateurs bien ancrés les déconnectent des préoccupations de la base. Il n’est donc pas paradoxal d’observer que les critiques les plus virulentes viennent des pêcheurs eux-mêmes.

Cela pose le problème de la crédibilité des positions tenues par la fédération nationale après la LEMA 2006 notamment sur les facteurs impactant qui étaient (exemple pris au hasard) pour la FD de l’Orne, conformes à la tendance nationale en 1998 :

1.    Travaux hydrauliques connexes au remembrement (29%)

2.    Manque d'entretien (20%)

3.    Rejets diffus domestiques et d'élevages dont le piétinement (20%)

4.    Cultures intensives (8%)

5.    Plans d'eau et retenues (8%)

6.    Obstacles infranchissables (5%)

7.    Assainissement dysfonctionnant

Les ouvrages hydrauliques et les étangs, présents depuis des siècles, n’étaient pas encore stigmatisés en 1998.

De la 5ème et 6ème place avec 13% d’impact présumé, ils sont devenus des "facteurs majeurs pouvant impacter le milieu naturel" après 2006. Cette volte-face dogmatique est peu crédible, mais fonde quand même l’action publique.

 

La pêche aux subventions

Le mariage de la carpe FNPF et du hérisson FNE n’a de liens au plan national que pour constituer un front hostile aux ouvrages hydrauliques et pour la carotte aux subventions. En "off" chez certains responsables et sur le terrain, les divergences sont nombreuses.

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Controverses profondes entre pêcheurs et malaise dans les rangs

3700 AAPPMA soit 3700 fiefs…  Sur un même cours d’eau, les uns sont réciprocitaires, mais avec un règlement différent du voisin. Certains se détestent en vertu de vieilles réminiscences locales.

Adeptes du silure, du blanc, du salmo, de la carpe ou du carnassier, les polémiques sont infinies entre le pêcheur qui remplit deux congélateurs et le "moucheur" condescendant qui le qualifie de "viandard", entre celui qui veut rentrer absolument avec sa 20 aine de truites  et l’inconditionnel du no-kill. Lui, reste persuadé des prétendus bienfaits de sa pratique « favorable à la densité, à la biomasse et à l’environnement ». Alors qu’il n’en est rien ! Aucune étude scientifique ne corrobore cette croyance. Sa conviction peut même être suspectée d’égoïsme : il espère refaire les mêmes belles prises sur le même parcours… s’il n’est pas braconné par un pêcheur opportuniste.

Pour nous, le no-kill s’impose dans les eaux polluées, ailleurs c’est un choix de mode de pêche et de gestion du stock.

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Cette arrogance méprisante du "bon" pêcheur est surprenante mais ne s’arrête pas aux techniques de pêche. Concernant les considérations environnementales, les viandards sont en prime, taxés d’afficher "un mépris total pour l’environnement".

Dans les autres loisirs populaires, le sport par exemple, chaque licencié sait qu’il peut espérer intégrer l’équipe de France mais les places y sont chères. Ils interviennent à leur niveau et éprouvent probablement la même satisfaction puisqu’elle est proportionnelle à leurs capacités. Il n’y a pas cette condescendance du champion vis-à-vis du licencié lambda ni la jalousie du sans grade envers la star. Chacun est à sa place.

Ce dédain antisocial du "bon pêcheur" apparaît d’autant plus déplacé que l’immense majorité  qui alimente la trésorerie n’a cure des grandes considérations piscicoles. Il prend plaisir à l’acte de pêche, mais il veut du poisson. Point ! S’il rentre bredouille, il ne reprend pas sa carte.

«A vouloir contenter tout le monde, on ne contente personne ». Ce reproche général, non dissimulé, semble assez spécifique au milieu de la pêche. Les uns déplorent l’opacité des décisions, le manque de soutien, l’absence de garderie… Tous sont unanimes pour témoigner des limites du bénévolat associatif, comme si le fardeau de la gestion de la nature était trop lourd en plus de l'animation de la structure.

 

Et l’environnement dans tout ça ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous ne sommes pas béat d’admiration face au bilan environnemental de la pêche de loisir depuis 60 ans. Bassiner des poissons stériles (triploïdes) ne procède pas d’une préoccupation environnementale aigüe. L’introduction d’espèces allochtones non plus. Le réquisitoire au titre de la biodiversité des écosystèmes pourrait être long.

 

Regards sur la pêche

La perception que l’on a sur la pêche varie selon le regard :

du braconnier, espèce non menacée,

du pêcheur précaire qui pêche, même dans les eaux polluées, pour manger,

de l’aficionados du no-kill qui s’offre quelques voyages dans le Grand Nord pour taquiner les salmonidés, 

du regard militant de la cause animale qui expose la souffrance du poisson

de la pêche qui a transformé les rivières en supermarché offert au consommateur de "produit pêche",

de ceux qui revendiquent une gestion patrimoniale,

de la pêche récréative, familiale et conviviale…

 

Nous n’avons pas d’objection particulière sur le choix de gestion des peuplements piscicoles qualifiés pudiquement « d’alevinages ». Il s’agit en fait d’empoissonnements massifs de poissons d’élevage depuis 1960 pour la satisfaction du pêcheur. [Les alevins à vésicule résorbée seraient plus notre sensibilité, mais notre propos est non technique dans cet article].

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Nous avons pris acte :

1)    Les structures de pêcheurs sont légalement "locataires" des cours depuis la guerre. Cela ne nous pose aucun problème.

2)    L’activité de pêche a des vertus économiques et sociales indéniables.

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Ce qui ne nous convient pas du tout :

1)    Que le locataire-gestionnaire se comporte en propriétaire du milieu.

2)    Que le diktat du locataire inflige de gros préjudices aux tiers ; le droit des tiers est toujours évoqué pour être mieux bafoué.

3)    Que la FNPF s’arroge l’environnement et la biodiversité nonobstant sa kyrielle de pratiques non durables.

4)    L’absence de mémoire des FD : elles ont pris possession des cours d’eau sans en faire l’état des lieux (l'état de référence ?). Elles doivent faire leur affaire du milieu tel qu’il a été aménagé depuis des siècles et s’y adapter.

5)    Que les FD de pêcheurs soient consultées pour les projets de travaux semble légitime ; qu’elles prétendent interférer dans l’aménagement du territoire, notamment en préconisant la destruction d’ouvrages préexistants (moulins et étangs) présumés impacter le milieu pisciaire à hauteur de 13% est inadmissible.

6)    Les incohérences grossières des FD : elles n’ont de cesse d’acquérir et de louer des étangs et lacs par milliers d’hectares en France. Les stigmatiser est extravagant. Pour être cohérent, il ne faudrait être ni propriétaire ni locataire d’ouvrages prétendument « impactant le milieu naturel ».

Depuis la LEMA, des FD dérapent et deviennent les bras armés du dogme destructeur en acquérant étangs, moulins ou pire, droits d’eau à vil prix pour les détruire. C’est l’utilisation déloyale d’une position dominante et l’usage des cotisations individuelles. Il n’y a pas d’argent pour les AAPPMA, mais pour détruire des ouvrages, il y en a.

7)    Ce « locataire » indélicat sera-t-il en mesure de restituer le bien-fonds dans l’état où il en a pris possession ? Nous sommes dans une société qui se judiciarise, on peut imaginer un jour les détenteurs des droits de pêche et les propriétaires d’ouvrages réclamer réparation du préjudice subi.

 

Pour conclure par la continuité écologique, le brouillage du message par la FNPF, omnisciente quand il s’agit d’édicter des prescriptions aux tiers, bien plus embarrassée pour solutionner ses propres problèmes, constitue un frein à une gestion historique des ouvrages.

L’énergie déployée à prétendre détruire dans la précipitation a tué dans l’œuf une gestion apaisée et efficace sur le réaménagement, la restauration et la gestion des ouvrages.

 

(1)  Le terme est une image impropre car un locataire est censé payer un loyer ; là, il encaisse des subventions et aides publiques à tous les échelons territoriaux (Comcom, Conseil départemental etc…) pour une panoplie de motifs divers, notamment les thématiques environnementales qui sont un bon levier pour décrocher des financements.

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