Continuité écologique: ignorance totale ou provocation du Ministère ?

A la question d’un Sénateur, la réponse du Ministère est déconcertante : «certains acteurs concernés manifestent de vives réactions. Pourtant, la continuité n’a en aucun cas pour objectif et conséquence la destruction des moulins puisqu’elle ne s’intéresse qu’aux seuils ». Dit autrement : vous passez votre véhicule au contrôle technique obligatoire (le code de l’environnement), le contrôleur (la DDT) enlève le moteur (l’ouvrage hydraulique), abroge la carte grise (le doit d’eau) et vous dresse la facture des travaux.
Le Ministère concerné soutiendra que vos vives réactions seraient infondées puisque vous conservez votre voiture !
C’est rigoureusement exact… à deux détails près : vous ne pourrez plus jamais vous en servir et elle ne vaut(*) plus que le poids de la ferraille soit environ 50 à 80€.

Comment qualifier le fait de ne rien écouter, feindre de ne rien comprendre ni chercher à savoir ? On trouve des explications chez Mahatma Gandhi et dans le message spirituel oriental :«(…)ceux qui font les choses dans le monde occidental de manière impropre, en regardant ailleurs, en refusant de le reconnaître, ou en feignant l’ignorance… ». 
Ne pas vouloir voir ce qui pourrait poser problème, ne rien vouloir dire de ce que l'on sait ou pas pour ne pas prendre de risque, ne rien vouloir entendre pour faire comme si on ne savait pas, caractérise
la continuité écologique et nous renvoie vers un autre continent : « aujourd'hui, on ne peut plus dire qu'on ne savait pas. Quelqu'un qui est mal informé, c'est quelqu'un qui s'en fout » (Le Meilleur des Mondes 1958).
En fait, en suivant le fil d’Aldous Huxley, le service du ministère s’en fout. Le message oriental de Mahatma Gandhi suggère en plus la mauvaise foi.
La phrase déconcertante (surlignée en jaune ci-dessous) dans la réponse au Sénateur le confirme.

Conclusion
Strictement rien ne change depuis 10 ans.
Nous résumons ci-dessous ses questions pertinentes et n’éprouvons même pas la nécessité de commenter la réponse quasi infâmante,100% hors sujet, standardisée/copiée/collée.

Nous incitons les lecteurs à poursuivre leurs efforts d’information de tous les élus et d’inciter les parlementaires à poser des Questions Ecrites au Ministère jusqu’au jour :
1) où les réponses soient réellement attachées aux questions,
2) où le sens de la réponse n’affiche pas aussi brutalement que le service du Ministère s’en fout,
3) et qu’une réponse où « tout va bien dans le meilleur des mondes » n’est pas à la hauteur des enjeux de l’eau ni de la transition énergétique.

 

(*) Information à l’attention du Ministère: un moulin ayant perdu son droit d’usage de l’eau, dont le seuil n’est plus à la cote légale originelle, n’est plus qu’une maison en fond de vallée. Prétendre que la continuité écologique concernant le seuil n’impacterait pas « le moulin » est un mensonge : le préjudice foncier est considérable.
Les agences immobilières sérieuses ne prennent pas ce type de mandats de vente ; Celles qui s’en accommodent qualifient « d’anciens moulins » des propriétés qui ont perdu leurs attributs. Est-ce bien clair ?

La question écrite au Ministère

Christophe PRIOU (Sénateur LR de Loire-Atlantique) pose une question écrite au Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 25/01/2018 sur la situation des moulins à eau.

 Nous résumons ses interrogations pertinentes ci-dessous :

-          Les petites rivières de plaine, comme la Sèvre nantaise ont des débits faibles. Les niveaux dépendent des eaux de ruissellement,

Pour rétablir cette continuité biologique, il est préconisé d’effacer ou abaisser les ouvrages. Cette interprétation de la directive cadre européenne n’est pas sans conséquences sur le terrain et suscite de très vives inquiétudes dans toute la France.

Araser les chaussées de moulins :

-          ne contribuera pas à améliorer la qualité de l’eau des rivières,

-          privera de valoriser la capacité motrice de l’eau,

-          modifiera profondément le paysage inscrit depuis près d’un millénaire,

-          entraînera une perturbation d’un équilibre écologique en place depuis très longtemps,

-          génèrera des désordres que nul ne peut prévoir.

Or, « il n’a jamais été démontré scientifiquement que le retour à l’état sauvage des cours d’eau entraînerait une meilleure qualité de l’eau ».

 - question : « quelles mesures seront retenues pour ne pas bouleverser définitivement nos paysages familiers, hérités, façonnés, entretenus notamment par les usiniers des moulins à eau pendant plus de cinq siècles, durant lesquels nul n’a contesté leur présence et leur utilité ».

Est-ce que « le Gouvernement entend garder les faibles niveaux d'eau dans les petites rivières pour permettre la conservation de la faune et de la flore, de conserver et protéger le petit patrimoine rural que sont nos moulins et chaussées, de remettre en fonction les vannages des chaussées avec une gestion coordonnée de ceux-ci, de favoriser, chaque fois que cela est possible, la production d'hydroélectricité ».

 

La réponse du Ministère

Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée dans le JO Sénat du 24/01/2019 – page 445 :

La restauration de la continuité écologique des cours d'eau (libre circulation des poissons et des sédiments) est une composante essentielle de l'atteinte du bon état des masses d'eau conformément à la directive cadre sur l'eau. Cette continuité est essentiellement impactée par les seuils et barrages sur les cours d'eau qui empêchent plus ou moins fortement le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, qui ennoient certains de ces mêmes éléments et stockent les sédiments. Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d'eau qui rendent obligatoire pour les ouvrages existants en lit mineur, d'assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort. Cette préoccupation est ancienne puisque la première loi prévoyant d'imposer le franchissement des ouvrages par les poissons date de 1865 avant les grands barrages et avant la pollution du 20ème siècle. La mise en œuvre de la continuité écologique nécessite la conciliation de plusieurs enjeux importants tels que l'hydroélectricité, le patrimoine. Certains acteurs concernés manifestent de vives réactions. Pour autant, la restauration de la continuité n'a en aucun cas pour objectif et conséquence la destruction des moulins puisqu'elle ne s'intéresse qu'aux seuils dans le lit mineur des cours d'eau et que différentes solutions d'aménagement existent. Dans ce cadre, le comité national de l'eau a travaillé pendant plusieurs mois, en associant l'ensemble des parties prenantes, à l'élaboration d'un « Plan d'action pour une mise en œuvre apaisée de la continuité écologique ». Celui-ci prévoit notamment un axe dédié à la connaissance des spécificités des moulins et un axe dédié à la mise en œuvre de solutions proportionnées au diagnostic réalisé et économiquement réalistes. Ce plan, approuvé par le ministre de la transition écologique et solidaire, est disponible sur le site internet du ministère : https://www.ecologique- solidaire.gouv.fr/cours-deau-et-poissons-migrateurs-amphihalin. Les attendus de ce plan d'action permettront de prendre les dispositions nécessaires pour faciliter une mise en œuvre plus apaisée de la continuité écologique dans le respect des différentes parties et des différents enjeux et de la réglementation européenne.

http://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ180102850.html

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