Evolution des poissons migrateurs en France.

Etudier les poissons migrateurs en France, et non sur leur cycle de vie complet, suffira-t-il à restaurer les stocks mondiaux en déclin ?

Marie-Line Merg et ses collègues (INRAE, OFB, Université de Lorraine, UMS PatriNat) ont publié dans la revue PLoS ONE dont le facteur d'impact baisse de 4 à 3 ce qui est beaucoup et inhabituel (*), une analyse de l'évolution de 1750 à nos jours de poissons migrateurs. Sur 45% des sites, les poissons diadromes ont disparu. Parmi les causes, sans en avoir cherché d’autre, la plus facile, la cause officielle : les ouvrages hydrauliques constituent des obstacles à la migration.
Pourtant, selon les auteurs, les migrateurs étaient présents en France en 1750 alors qu'il existait environ 100 000 moulins.

 

Un modèle assez simpliste en ce qu’il méconnait des facteurs très impactant.

 

le financement des études

On ne peut pas dire que l’INRA et l’OFB soient des structures indépendantes.
Ces administrations sont seules à avoir la capacité à financer des études. Mais pas sur n'importe quel sujet.
Nous n’aurons probablement jamais droit à une étude exhaustive hiérarchisant les impacts du déclin de certains peuplements piscicoles.

Nous sommes attentifs à toutes ces études servant une idéologie après que les règles aient été édictées. Comme celle par exemple en 2010 sur le taux d’étagement… Il illustre un état de fait traduit en pourcentage. Est né immédiatement un taux acceptable et un taux inacceptable… alors que les ouvrages existent depuis des siècles. Ce serait très drôle quand il s’agit de remplir les étagères d’archives ; ça l’est beaucoup moins quand cela affecte la santé humaine et que de lourdes dépenses sont en jeu.

 

la circulation des espèces piscicoles revêt un sens légal (art L.217-17CE) 

Sans idée de caricaturer cette publication, elle apparait quand même comme un truisme : « les ouvrages en travers des cours d’eau ont un impact sur la circulation piscicole ». Qui aurait contesté cette allégation ? Dans quelles circonstances ?
Les gares ferroviaires ont elles aussi un impact sur la circulation du TER. Tant que la circulation n’est pas entravée, qu’il s’agisse de gares SNCF ou de moulins, des facteurs légitimes méritent d’être étudiés avant de diagnostiquer à l’aveugle leurs destructions.
Sinon, il faudra expliquer le choix univoque du TGV et de la rivière sauvage sur tout le territoire national. Pas certain que tous les élus locaux et les usagers apprécient ce choix. Mais pour les poissons, uniquement destinés à satisfaire le plaisir de la pêche, cette disposition est passée dans la loi car elle ne perturbe qu'un public très restreint.

 

les impacts cités : toujours à charge

Le fait de marteler constamment un seul impact négatif, ne permet en aucun cas d’attribuer la preuve de l’extinction des espèces migratrices ni aux moulins ni aux étangs :

Le fait de répéter en boucle un impact devient-il une preuve de préjudices :

1)    Que les ouvrages hydrauliques ne présenteraient que des impacts négatifs ?

2)    Que cet impact des moulins et des étangs serait et lui seul responsable de l’effondrement des stocks ?

3)    Que la politique publique des cours d’eau, assise sur deux seuls impacts (sédimentaire et piscicole) ne finira-t-elle pas par vaciller eu égard à tous les autres impacts bénéfiques que les ouvrages ont pu avoir : l’autonomie alimentaire (farine, pisciculture), l’essor industriel (tanneries, forges, scieries, industrie lourde) puis l’invention des turbines ayant érigé la France au 1er rang mondial ? La politique publique aurait pu suggérer une revalorisation économique et sociale des ouvrages au bénéfice de la valorisation des territoires ruraux ?

 

la fragmentation et le taux d’étagement

Le choix fut centré récemment sur les poissons dont les stocks étaient déjà en déclin, voire épuisés par la ponction extrême lors des 30 glorieuses avec le remède des « alevinages ». Des empoissonnements massifs provenant de piscicultures fédérales : une, deux, trois voire quatre sites construits dans les départements, souvent à proximité des abattoirs. La franchissabilité des obstacles ni la fragmentation ne chagrinait encore personne à l’époque : les pêcheurs introduisaient deux tonnes de poissons issus d’élevages en amont et deux tonnes en aval.
Nous reconnaissons le droit à la FNPF de gérer le patrimoine qui lui a été dévolu gracieusement comme elle l’entend, mais ses conseils en termes de gestion de la nature nous laissent dubitatifs.

 

 

Pour attribuer la disparition des poissons migrateurs aux barrages, les chercheurs ont construit un modèle prenant en compte des données morphologiques, chimiques, hydrologiques et en particulier la présence de barrages de diverses dimensions et diverses anciennetés sur les cours d'eau.

Ni les impacts anthropiques (pêche de loisir), ni le réchauffement climatique, ni le nombre en grand déclin des candidats à la montaison dans les estuaires ne sont dans la mire.

 

la pêche de loisir

Nous ne revenons pas sur l’impact des empoissonnements sur les peuplements originels (des tonnages introduits depuis la guerre) mais uniquement sur la ponction du saumon. Cinq pêcheurs qui se qualifient d’acharnés face aux caméras de TF1. L’un d’entre eux est fier de ses 168 saumons capturés. Ils parlent de leur « territoire de jeu » et de leurs « sensations »… jamais de la protection d’une espèce emblématique dont ils contribuent à l’extinction.

Notons que les smolts de Chanteuges doivent servir de mets de choix aux silures en aval. Les comptages diminuent à Vichy alors que les barrages sont détruits en aval. De mémoire, l’objectif annuel était de 3000 saumons. Que se passe-t-il ?

 

le changement climatique
Nous ne citerons que l’exemple (non vérifié) de la station dite d’épuration en aval de Rodez qui constituerait l’alimentation principale de l’Aveyron en étiage. Il ne faut pas que les migrateurs soient exigeants sur la qualité du milieu « naturel ».

Quelques mots sur le volet climatique :

Les auteurs soulignent qu'une politique de restauration des poissons migrateurs (laquelle et selon quel miracle ?) doit anticiper les effets du changement hydro climatique. Le réchauffement de l’eau est en effet rédhibitoire pour les salmonidés.

Ainsi, les bassins désormais habités par certaines espèces, en particulier les eaux froides, pourraient leur devenir inadaptés d'ici quelques décennies.
Dans ce contexte et pour des restaurations efficaces et à long terme, les occurrences historiques d'espèces diadromes doivent être considérées comme un indicateur de rétablissement potentiel et non comme une liste fixe d'espèces définissant strictement les futurs objectifs de restauration."

En d’autres termes, il faut conserver le dogme des restaurations encore qualifiées d’efficaces :

1)    même si les espèces sont disparues (en raison d’un milieu devenu inadapté).

2)     en mémoire des indicateurs historiques pour le rétablissement potentiel des espèces… si le climat se refroidissait.

Même sans saumon, il faut « restaurer » car sa présence reste « potentielle ».
C’est de la croyance sans science. Cela relève aussi de l’indécence d’exiger à payer (très cher) une croyance au retour de frayères potentielles sans géniteurs.

 

l’étude expose

Les chercheurs observent : "nous avons constaté que les poissons diadromes occupaient la plupart des principaux fleuves français il y a cent ans, illustrant la récente perte considérable d'espèces diadromes au niveau national (...)

Ces observations concordent avec le déclin massif de ces espèces qui a été observé ailleurs en Europe ou dans l'est de l'Amérique du Nord."

 

Ils reconnaissent honnêtement que : « ce résultat soulève un certain paradoxe dans la mesure où une grande partie (…) existaient probablement déjà lors des premières observations historiques (…) en France, l'aménagement des cours d'eau est vieux de plusieurs siècles et s'est considérablement développé dans la seconde moitié du Moyen Âge avec l'installation généralisée de moulins à eau (…). Le nombre de moulins a été estimé à 100 000 le long des fleuves français au XIIIe siècle. Ce nombre est resté pratiquement inchangé jusqu'en 1809 ».

 

Conclusion

sur la simple présence des ouvrages : la hauteur et le nombre des ouvrages hydrauliques sont deux causes du déclin des migrateurs. Il existe un lien « entre la perte de poissons migrateurs et la hauteur et la densité des barrages. Leur construction a eu une contribution significative au déclin à long terme des poissons diadromes ».

 

sur le taux d’étagement : l’effet cumulatif même pour de petits déversoirs physiquement pas difficiles à franchir peut causer des problèmes considérables en réduisant drastiquement le nombre de poissons en fin de parcours.

 

sur le déni de considérer le cycle de vie complet d’une espèce migratrice pour n’édicter que des principes administratifs en eau douce :

En ne cherchant rien, on ne risque pas de trouver alors que ces espèces semblent dignes d’intérêt ! Et pour les 34 % survivantes arrivant en France, on ne cherche pas plus. La disparition du krill, la surpêche financée par l’UE, les captures dites « accidentelles » quotidiennes, les quotas de pêche accordés par la France… toutes ces données sont disponibles. Le principe de l’omerta consiste à ne cibler que les moulins et les chaussées d’étangs, en n’investiguant ni à droite ni à gauche, est un principe qui subordonne le financement d’une étude.

 

sur la fragmentation (qui résulte du taux d’étagement) : ce facteur synonyme permet de marteler à nouveau :

"La présente étude a confirmé que la fragmentation des rivières est une menace majeure pour les poissons diadromes.

 

sur le diagnostic à l’aveugle pourtant préconisé (sans aucune analyse coût-efficacité) :

Il confirme la doctrine officielle de la destruction d’un nombre considérable d’ouvrages « mais sans tenir compte de leur coût et efficacité et de leurs éventuelles conséquences secondaires négatives (ex : perte de valeur patrimoniale et culturelle, impact économique et commercial, déstabilisation morphologique). Des approches plus raffinées examinant le rapport coût / efficacité pourraient permettre d'identifier des scénarios optimisés, adaptés à chaque bassin et limitant le nombre de barrages à supprimer tout en conservant une bonne efficacité de la récupération des espèces diadromes."
Sans commentaire.

 

Une étude doit être agréable à l’OFB et valorisable par la DEB. Elle doit confirmer les diagnostics prédéfinis. Celle ci-dessous correspond au cahier des charges.

 

 

Référence : Merg ML et al (2020), Modeling diadromous fish loss from historical data: Identification of anthropogenic drivers and testing of mitigation scenarios, PLoS ONE 15, 7, e0236575

 

© TF1 sur l’ouverture de la pêche à la ligne au saumon en Normandie

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