Evaluation de la politique de l’eau : les 3 péchés capitaux des choix français dans l'application de la DCE

La directive-cadre sur l'eau de l'Union européenne n'est pas aussi absurde que certains le disent (bien contents de reporter leur responsabilité sur la lointaine Europe). Ce qui est aberrant, c'est surtout la manière dont on choisit de l'interpréter et de l'appliquer en France. Nous payons les "os à ronger" que le gouvernement a abandonné lors du Grenelle, pour ne surtout pas affronter directement la question des pollutions, ni perturber certains "Etats dans l'Etat", qui ont fait dériver les exigences vers des niveaux complètement déconnectés des réels besoins et du terrain (SDAGE typiquement).

L'extrait suivant du nouveau rapport d'évaluation de la politique de l'eau expose bien 3 erreurs de l'Etat français :

- la France recourt très peu à l'exemption d'atteinte du bon état pour coût disproportionné alors que les coûts… sont effectivement disproportionnés! Quand un aménagement d'un mètre de chute atteint facilement 100 000 euros pour un résultat incertain, il n'est pourtant pas difficile de repérer une certaine disproportion…

- la France a classé très peu de ses rivières comme étant "fortement anthropisées" (moindre exigence d'objectif à court terme), alors que dans le même temps, le référentiel des obstacles à l'écoulement montre que toutes les rivières possèdent une forte présence humaine ! Ce choix a été purement idéologique et non scientifique.

- la France a fait des mesures de qualité très pifométriques entre 2000 et 2008 (lacunaires, sans indicateurs pertinents, sans analyses directes et avec des modèles d'impact mal rodés) et elle a péché par optimisme dans l'interprétation de ce diagnostic très imparfait. Il apparaît curieux de bomber le torse quand on ne mesure même pas les 41 substances chimiques sur chaque tronçon et chaque nappe, sans compter les 450 micropolluants circulant dans nos rivières.

Bref : une posture maximaliste, une attitude irréaliste. A l'arrivée : un désastre.

 

Extrait du rapport :

Ainsi, la France a fait appel aux reports de délais plutôt qu'aux objectifs moins stricts et à une interprétation plus contraignante des causes d’exemptions :

• un recours plus limité que d’autres pays au motif d'exemption pour coûts disproportionnés, en conduisant à̀ relativement peu de reports à ce titre (par exemple pour l'état écologique 12 % contre 42 % au Royaume-Uni, 51 % en Autriche, 55 % aux Pays-Bas) ; à noter toutefois que la Commission demande une justification étayée de la pertinence de ces exemptions

• une faible utilisation des masses d'eau fortement modifiées (MEFM). Ces masses d'eau fortement modifiées constituent 7,5 % des masses d’eau superficielles en France, alors que la moyenne européenne est de 25 %, certains pays comme l'Allemagne ayant qualifié́ ainsi la moitié de ses masses d'eau, il est vrai avec des usages comme la navigation qui n'existent pas en France à ce niveau. Il est difficile, dans les bassins internationaux de faire la part dans les classements observés entre les causes « objectives », géographiques, et des approches différentes entre États membres. Cette désignation doit être réexaminée lors du deuxième cycle de la DCE.

• une interprétation optimiste des zones d’incertitude : lors du premier état des lieux où était apprécié l'état de chaque masse d'eau et le risque de non atteinte des objectifs de bon état, les connaissances sur l’état du milieu étaient lacunaires et les appréciations ont largement résulté de dires d'experts. Par défaut, de nombreuses masses d'eau ont été classées par les SDAGE avec un objectif de bon état à l'échéance 2015. D’autres États membres ont eu une approche beaucoup plus prudente dans l’interprétation des zones d’incertitude.

 Référence : Anne-Marie LEVRAUT, Denis PAYEN, Nathalie COPPINGER, François CHOLLEY, Marie-Laurence MADIGNIER, Jean-Jacques BENEZIT, Marie-Louise SIMONI, Richard LAGANIER (2013)  

Évaluation de la politique de l’eau, juin 2013

Rapport ici : http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/008843-01_rapport_cle2cf71a.pdf

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