Cours d’eau : quelques lignes pour interpréter la doctrine administrative.

Ségolène ROYAL a enjoint les préfets, par  instruction ministérielle du 3 juin 2015, d’établir une cartographie des cours d’eau. Ce fut progressif, laborieux, au point que l’inventaire ne soit pas encore disponible dans tous les départements. La confusion est entretenue entre une cartographie "loi sur l'eau" et celle sur la réglementation agricole (BCAE, ZNT)... quand tout ne figure pas sur la même carte.

Quelle est la situation en 2021 ?
Les cartographies départementales sont toutes erronées.
Aucune n’est conforme au Code de l’Environnement (que les DDT sont pourtant chargées de faire appliquer) au visa de l’art L.215-17-1 CE.
Cet article expose clairement et sans autre considération « constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année.
L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales
 ».
Ces trois critères cumulatifs permettant de caractériser un cours d’eau sont repris dans une jurisprudence constante.
Mais où se niche donc toujours le problème ?

Pour comprendre la doctrine, quels sont les enjeux ?
pour les riverains impactés
Ils reçoivent des DDTM des injonctions, menaces voire un RMA (Rapport de manquement administratif) assorti de sanctions « administratives, fiscales et pénales » selon les termes employés.
Les uns mal informés, les autres paisibles et dociles n’osent pas engager un contentieux contre le préfet.
Pour les présumés délinquants qui ont l’audace de demander au juge que le préfet respecte la loi, c’est un dossier chronophage et de longue haleine qui s’annonce.

pour le ministère de l’écologie
Dans un plateau de la balance : un très faible pourcentage de riverains harcelés engage un contentieux. Que l’Etat soit régulièrement condamné pour le même sujet constitue un épiphénomène. Le summum, peut même arriver qu’un juge pour un dossier mal argumenté par le requérant, donne raison au Ministère.
Le maintien du statu quo est donc une stratégie assez indolore.

Dans l’autre plateau : pour une cartographie rigoureuse correspondant à la loi et à la situation de fait, le spectre d’une riposte dogmatique immédiate d’une avalanche de recours contentieux de FNE(*) contre un inventaire jugé minimaliste par les écologistes.
On l’a constaté dans la presse qui titrait « la disparition de milliers de kilomètres de cours d’eau ». Non pas qu’ils se soient volatilisés, mais simplement enlevés à bon escient de la cartographie puisque les trois critères n’étaient pas requis.

Conséquence
Des deux maux, le MTES a choisi le bien moindre, dans l’esprit d’une politique politicienne apaisée : une cartographie des cours d’eau fausse, maximaliste, mais agréée par FNE.
Peu importent l’avis des parlementaires et la vie des riverains.

(*) FNE copieusement dotée par des fonds publics a les moyens financiers d’exercer des recours contre la main qui la nourrit, c’est-à-dire l’Etat.

 

15e législature

Question écrite n° 24414 de Mme Nadia Sollogoub (Nièvre - UC)

publiée dans le JO Sénat du 16/09/2021 - page 5351

Fossés et écoulements classés en cours d'eau

« Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les décisions unilatérales de classement des cours d'eau. L'article L. 215-7-1 du code de l'environnement dispose que : « constitue un cours d'eau un écoulement des eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit d'eau suffisant la majeure partie de l'année ».

Cependant, il est procédé à de nombreux classements en cours d'eau sans réelle vérification des critères qui pourraient justifier une telle démarche. Le nombre de recours sur ce sujet qui ont été gagnés face au ministère de la transition écologique atteste la réalité de ce constat.

En conséquence, elle lui demande de bien vouloir s'assurer, d'une part, que les démarches de classement des écoulements en cours d'eau s'appuient sur des observations, précises, probantes et conformes et, d'autre part, que les propriétaires fonciers soient associés en amont. En effet, la concertation est le plus sûr des moyens pour conduire une politique écologique apaisée que le ministère dit vouloir mener. »

 

Le MTES répondra que la cartographie est itérative, qu’elle reste en élaboration-actualisation, que des expertises ont lieu au cas par cas et qu'il suffit de servir un imprimé pour solliciter une expertise… etc.
La rhétorique est connue.
Dans la réalité, les agents DDT-OFB s’arc-boutent en niant toute évidence et en « prouvant » qu’un écoulement d’eau (même à sec 8/12 mois) ou qu’un fossé créé de la main de l’homme est bien un « cours d’eau ».
En classant tout à l'aveugle jusqu'au chevelu du bassin versant,  l'administration inverse la charge de la preuve: c'est au riverain ou au porteur de projet qu'incombe la charge de prouver que son écoulement d'eau relevant du code civil n'est pas un cours d'eau relevant du code de l'environnement.

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