Continuité écologique. Les services publics : trop bavards et indiscrets ?

Nous connaissons le "secret défense", le "secret professionnel", mais quel principe régit donc le service public classique en termes de prudence et confidentialité élémentaires ?
Au service des Impôts par exemple, l’accès aux données est réservé aux personnes désignées ou à un tiers détenant une autorisation spéciale et ponctuelle du mandant.
Qu’en est-il en DDT ? 

A l’époque où le droit des personnes se renforce, où les données personnelles font l’objet d’une exigence de protection accrue, les services en charge de l’eau dans les DDT répondent très volontiers par téléphone au premier quidam inconnu.

 

Le contexte depuis 2006
L’ambiance actuelle avec l’administration de l’eau est suffisamment documenté. Rappelons succinctement que la doctrine administrative française milite pour la destruction des étangs et des moulins. En face, les propriétaires d’ouvrages hydrauliques insistent pour que la loi soit respectée, en premier lieu par l’administration. Un comble !
Le Code de l’environnement exige que les ouvrages soient « gérés, entretenus et équipés », mais en aucun cas détruits.
Ce grand écart innovant entre les exigences légales et le dogme administratif engendre un climat délétère.
Les nombreux témoignages rapportent des propos concordants des agents :
• « vous auriez pu appeler avant de déposer votre dossier, je vous aurais dissuadé d’engager une telle étude »,
ou encore :
• « vous pouvez effectivement prévoir ces travaux, mais je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m’y opposer » etc…
Cette posture administrative généralisée est orale. Quand elle est écrite, elle n’est pas aussi abrupte : elle est enrobée d’arguments à opposer au pétitionnaire, légitimes ou non, légaux ou non, applicables ou non.

Les effets induits
Hormis le fait que le service de l’eau de la DDT ne soit plus digne de foi, un impact immobilier existe depuis quelques années. 
L’effet induit se découvre lors d’un projet de vente foncière. La notion de préjudice que personne n'évoque n'a jamais été cernée ni étudiée. L'exercice ne recèle pourtant aucune difficulté particulière.
Il existe deux profils de candidats à l’achat : l’initié et le profane.
Le premier sélectionne le département en sachant que dans l’un, l’instruction loyale et rigoureuse de son dossier va durer 6 à 12 mois, et dans l’autre il obtiendra une réponse favorable en ayant obligatoirement recours au TA n+4 à n+7.

Le témoignage d’un lecteur nous a enfin décidé à traiter ce sujet douloureux, très fréquent.
Il est un réflexe chez les acheteurs béotiens ne s’étant pas donné la peine d’étudier le sujet, peu ou pas du tout informés, de s’autoriser à interroger la DDT.
Et là, en « off », dérapages garantis.
Cette intuition pourrait être instructive pour des questions agricoles ou forestières faisant consensus entre les professionnels et la DDT. Pour l’eau, la doctrine l’emporte beaucoup trop sur l’analyse rigoureuse pour recueillir des renseignements fiables.

• Un vendeur de moulin nous informe qu’après échanges avec la DDT, deux clients potentiels successifs ont été implicitement dissuadés d’acheter, à la suite d’une demande de renseignements de leur part. Rien ne trouvait plus grâce à leurs yeux alors que la situation administrative est parfaitement claire.
Le vendeur consterné dispose pourtant d’un arrêté préfectoral valide, précis, conforme à sa demande.

• Il y a 15 jours, il s’agissait du propriétaire d’un grand étang. Son candidat à l’achat a coupé court à son projet après un appel à la DDT. Le propriétaire interpelle ensuite la DDT en exposant qu’il lui semblait anormal de répondre à un tiers non habilité. Le technicien de répondre qu’il était au contraire tout à fait naturel « d’informer » les futurs acheteurs : « l’étang est une eau libre et il est en situation irrégulière ». En l’espèce, tel n’était pas le cas : désinformation pure et dure, dans quel dessein ?

Une agence fait signer un engagement strict de confidentialité, où l’acheteur s’interdit formellement tout contact avec la DDT-OFB. C’est une sage précaution… mais impossible à contrôler. Cette clause est plutôt à considérer en message pédagogique : « nous vous donnons des renseignements fiables au titre de notre devoir d’information » sous-entendu « vous n’aurez pas la même garantie avec DDT-OFB ». Pour les initiés c’est une évidence.

• Les vendeurs ne sont pas seuls à subir de gros préjudices financiers face à l’opacité et au défaut d’information, tel cet acheteur anglais. Le vendeur d’un moulin et d’un site piscicole ne dit rien, trop heureux de tenir un acheteur au bout de son hameçon, sur l’opportunité que la DDT (sur recommandation de l’OFB) n’abroge à cette occasion le droit d’eau. L’agence anglophone et le notaire : pas le moindre mot ni mention sur le droit d’eau fondé en titre du moulin et le statut de pisciculture déchus.
Pour le couple d’anglais après l’achat : droit d’eau abrogé et en prime, dépenses significatives pour des travaux exigés de « remise en état » du site (c’est-à-dire « destructions d’aménagements hydrauliques » pour recouvrer l’état originel).

Epilogue
Pour s’en sortir, trois scénarios :
Il ne faut pas attendre de la Direction de l’eau et de la biodiversité (DEB), pourtant prompte à signer moult circulaires jusqu’à en faire circuler certaines non signées, qu’elle transmette à ses services un kit des règles de bonnes pratiques et de la protection des données pour :
1)traiter les dossiers de manière licite, loyale et transparente,
2)tenir des archives exactes et tenues à jour,
3)communiquer des informations personnelles concernant un droit nominatif (les autres étant souvent disponibles sur internet) adéquates, pertinentes, exclusivement aux ayants-droit ou par courrier à un tiers dûment mandaté.
Autant de précautions qu’il ne devrait pas être nécessaire de réclamer tant elles peuvent porter grief et engendrer des effets collatéraux.

Le préfet pourrait rappeler certaines règles de prudence et discrétion élémentaires sur la divulgation de renseignements que l’administration détient, au lieu de propager des informations quelquefois erronées au premier tiers venu ?

L’épilogue pourrait venir du jugement d’un contentieux judiciaire intenté par un propriétaire lésé, demandant réparation nommément à un agent et conjointement à l’Etat pour le préjudice financier subi.

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