Moulin à eau : attention à un nouveau détricotage administratif

Nous observons que le Conseil d’Etat, l’Assemblée Nationale et le Sénat (excusez du peu) sanctionnent clairement les errements du Ministère de l’écologie. La Haute juridiction a dû récemment rappeler que l’art L.218-18-1 CE était applicable, ce que la Direction de l’eau et de la biodiversité n’acceptait pas depuis la loi n°2017-227 du 24/02/2017 alors qu’il lui était pourtant opposable.
Le Conseil d’Etat constate que l’administration va souvent bien plus loin que ce que la loi exige. Tel est bien ce que nous déplorons de la part de la haute administration, avec une déclinaison locale souvent interprétée par les services déconcentrés.

Les parlementaires ont dû rappeler, par un amendement dans la loi le 17/06/2021 que ce même code en 2006 n’exigeait en aucun cas la destruction des ouvrages hydrauliques(1).
Si la bonne volonté existe pour mettre les ouvrages en conformité, les Agences de l’eau vont pouvoir faire profiter aux travaux d’aménagements, les budgets économisés au titre des destructions.

Quelle est la situation ?

Trois ou quatre cabinets d’avocats portent les dossiers, s’impliquent dans l’intérêt de leurs clients. Les autres, prétendument spécialisés dans l’environnement, commentent la continuité écologique sans se mouiller ni vraiment chercher. Ils évoquent des « remous, des vagues, la roue qui tourne, le dossier n’est pas un long fleuve tranquille… ». En termes de conseils (des lecteurs en ont consulté « pour voir »). L’avocat répond par un copié / collé du code de l’environnement. D’aucuns auraient même entendu dire que la politique de la continuité écologique était désormais apaisée(2).

En face, c’est-à-dire la DEB, la pharmacopée administrative extirpe de tous les tiroirs les articles pouvant neutraliser celui dont le pétitionnaire se prévaut formellement. C’est tordu, limite déloyal, mais telle est la pratique.
Nous les avons recensés(3), la DEB aussi.
Dans l’argumentaire type adressé aux DDT, tout est bon à invoquer : la gestion équilibrée de l’eau, la nécessaire circulation des espèces holobiotiques jusqu’au moindre goujon, la survie de la micro faune aquatique avec des besoins exprimés en termes de « débit minimum biologique » (même si le cours d’eau est à sec l’été), l’UE avec la qualité des masses d’eau et des extraits d’articles de l’OFB sans fondement scientifique.
Tout est bon pour tenter de prouver au juge que le pétitionnaire est en infraction et qu’il mérite des sanctions pénales. Dans la hiérarchie du risque, il vaut mieux dévaliser un bar-tabac en ville que d’avoir un PV de l’OFB à la campagne.

Vigilance "orange bien mur"

L’arsenal administratif, c’est de l’artillerie lourde.
Nous avons déjà vu des dossiers instruits au titre d’un ou deux articles précis du code de l’environnement, faisant l’objet de réponses du pétitionnaire qui auraient dû suffire à rassurer l’administration, puis d’avoir la surprise d’une inflation sur d’autres demandes.
Et l’administration d’invoquer
la gestion équilibrée et durable des cours d’eau, la valorisation de la ressource en eau, le respect des équilibres naturels et l’intérêt général. Des données générales auxquelles tout le monde souscrit.

La DDT dispose d’une large panoplie pour imposer des prescriptions et en arriver aux « prescriptions complémentaires » quelquefois strictement inapplicables et dont certaines manifestement punitives telles des compléments d’études des impacts pour tenter d’exiger une modification de l’ouvrage par exemple.
L’instruction « au cas par cas » offre une marge de manœuvre illimitée au service instructeur. Elle laisse le champ libre à l’aléatoire, peut ériger des préconisations techniques en normes, telles les grilles fines et l’inclinaison du plan de grille (ne pouvant fonctionner qu’à 26°alors qu’il était vertical depuis des décennies).

Tout cet arsenal nous semble légitime et pas inquiétant a priori s’il est utilisé de bonne foi.
Mais nous déplorons de très nombreux dérapages administratifs spécifiques à l’application de la continuité écologique. Si des dossiers font l’objet de contentieux, de très nombreux autres sont bloqués : soit par l’administration qui refuse obstinément de répondre soit par le pétitionnaire ne sachant plus à quel saint se vouer.

Et la suite ?

Si l’administration ignore l’apaisement qu’elle prétendait exiger des citoyens qu’elle est censée servir, deux ou trois fonctionnaires sont peut-être déjà en train de préparer d’autres outils permettant de soutenir son dogme au mépris de la loi sur l’action publique vers une société de confiance d’ici 2022 ?

 

(1)  Il est vain d’exprimer des craintes comme le fait Barbara POMPILI sur une quelconque régression ; si ces services n’avaient pas choisi une doctrine outrancière inacceptable détruisant les ouvrages au lieu de les aménager, cette interdiction de détruire, devenue légale, n’aurait jamais été nécessaire.

 

(2)  Des échanges chronophages au CNE d’où il résulta un bel enfumage, assorti de circulaires et décrets assouplissant ou plombant la loi au gré exclusif des besoins de l’administration. Les vaincus ont été (presque) assassinés par la circulaire du 30 avril 2019 relative à la « mise en œuvre du plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique des cours d’eau » (NOR :TREL1904749N).
Puis le décret n° 2019-827 du 03/08/2019 sur la définition d’obstacle (NOR:TREL1722424D).
Suivi du décret n°2020-828 du 30/06/2020 sur un assouplissement de la nomenclature aux fins de favoriser le programme de destruction d’ouvrages.
Et nous attendons les suivants.

 

(3)  Nous en avons recensé cinq principaux, sans compter les arrêtés. 

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