pêche de loisir: l'étude des impacts est-elle prévue?

 

Pour une évaluation indépendante de l’impact de la pêche sur les milieux aquatiques

Lors du récent congrès de la FNPF (Fédération Nationale de la Pêche en France) le 23 juin 2014, en présence de Madame le Ministre de l’Ecologie, le président de la FNPF Claude Roustan s’est auto-félicité du rôle des associations et fédérations de pêche dans la gestion des milieux aquatiques.

Et il s’autorise à rappeler son hostilité à certains usages de l’eau, notamment la production d’énergie hydroélectrique.

site :  http://www.federationpeche.fr/_m5_evenements/5_congres_FNPF.phpd

discours de Claude Roustan :    http://www.federationpeche.fr/_m5_evenements/_docs/CongresFNPF2014_Discours_Roustan.pdf

Ce n’est certes pas le jeu de Claude Roustan d’évoquer ce qui s’apparente à un scandale écologique majeur permanent sur la connaissance des milieux aquatiques : l’absence de toute étude indépendante des impacts de la pêche de loisir sur la qualité des écosystèmes aquatiques, et en particulier sur la faune piscicole.

"scandale" car toutes les activités humaines ont fait l’objet de telles études sur leurs impacts. Le fait que la pêche soit épargnée tiendrait uniquement aux liens de cette Fédération avec l’Etat : ancien Conseil supérieur de la pêche, aujourd’hui  ONEMA, qui est juge et partie, subventions aux AAPPMA qui deviennent des faire-valoir des politiques publiques,

"permanent" car la pêche de loisir a profondément perturbé les rivières depuis 1960 sans que cette activité de loisir ne soit le moins du monde évaluée.

A titre d’exemples, rappelons quelques impacts de la pêche :

-          surpêche ou braconnage pouvant vider des rivières entières (exemple du saumon atlantique)

-          jusqu’à une date récente, absence totale d’informations scientifiques sur le cycle de vie des espèces reposant beaucoup sur des croyances et/ou induisant des pratiques incohérentes (exemple de l’anguille pêchée comme "nuisible"  jusqu’au début des années 1980)

-          introduction de nombreuses espèces concurrentes des populations autochtones (blackbass, perche, sandre, silure, etc...), la concurrence se faisant par prédation pure et simple ou par occupation de la même niche écologique privant les espèces naturelles de nourriture,

-          alevinages et lâchers de poissons d’élevages porteurs de pathologies,

-          usage du plomb, sans jamais d’analyses,

-          persistance à autoriser la pêche des espèces fragilisées ou menacées (saumons, truites, etc…). Dans une démarche de protection, l’interdiction pure et simple de pêche serait le choix le plus logique pour protéger ces espèces alors que l’on fait peser une charge financière exorbitante pour aménager les seuils.

La pratique de pêche de loisir a donc changé en profondeur la structure des populations piscicoles françaises. L’absence d’étude de son impact est injustifiable, et tient pour l’essentiel au poids du lobby pêcheur dans les instances de décision publique.

Ce lobby pêcheur a été particulièrement actif dans la mise en place des réformes de continuité écologique au cours de la décennie 2000, pour au moins 3 raisons :

-          renforcer son rôle de gestionnaire du milieu aquatique que lui a conféré la loi,

-          bénéficier de subventions généreuses,

-          continuer à détourner l’attention de l’impact de ses pratiques sur d’autres cibles.

Depuis le vote de la LEMA 2006, les fédérations (contrairement aux associations de terrain) ne cessent de faire de la surenchère sur la continuité écologique,  conseillant les autorités de l’Etat sur une gestion manichéenne de l’eau.

Et l'’Etat est rassuré : il bénéficie d’un soutien associatif… alors qu’il s’agit d’un simple échange de bons procédés : « je te verse une subvention généreuse, tu me soutiens en Comité de bassin et Commission locale de l’eau et tu es le défenseur-gestionnaire légal du milieu aquatique». Pour obtenir un autre soutien associatif indéfectible, alors qu’il devrait être aux antipodes éthiques de la FNPF, l’Etat a réussi une spectaculaire OPA sur FNE (subvention de~1 700 000€ en 2013) …qui se doit en "retour sur investissement", de reprendre en chœur les thèses de l’ONEMA. La boucle est bouclée. Et ça marche. Nul besoin d’autres soutiens. Cette supercherie anti-démocratique place ipso facto les autres usagers de l’eau du mauvais côté du manche.

La pratique de la pêche

Le cours d’eau fut géré comme un parc de chasse : il est considéré comme simple support à l’activité de pêche. L’homme introduit et nourrit les espèces qu’il veut tuer. Pour les remplacer la saison suivante, il a recours à des élevages (piscicultures). Rien de bien compliqué.

Les pêcheurs ont ensuite décrété des espèces indésirables, nuisibles, envahissantes et classé les cours d’eau comme ils devaient être. Point.

Cette approche piscicole aveugle, désinvolte, égoïste et anti-écologique ne peut en aucun cas autoriser les pêcheurs à nous expliquer ce que devrait être la continuité écologique ou le bon état des rivières.

Que la gestion des peuplements piscicoles incombe aux Fédérations de Pêcheurs selon la loi, nous en avons pris acte et ce n’est pas notre propos. Qu’elle soit conduite pour satisfaire leurs clients selon une approche intensive "pêche-empoissonnements-pêche" pourquoi pas ? Mais dans ce cas, que l’on n’inflige aucune charge aux publics hors circuit et surtout que l’on n’invoque pas en 2014 les prétendus besoins des écosystèmes martyrisés depuis des décennies.

Revendiquer un lien entre la pêche de loisir, qui prélève plus que le milieu ne puisse produire et l’écologie nous semble illégitime. Sur ce premier point, le concept de la libre circulation d’espèces artificielles pour satisfaire la continuité piscicole apparaît oiseux.

La « gestion » du milieu halieutique

La pêche s’inscrit dans ce paradoxe : un loisir agréable, récréatif… mais qui agit contre la nature, au sens où elle engendre des déséquilibres. L’auto-proclamation de protection de l’environnement et des milieux aquatiques absout cette activité et lui donne parfaite bonne conscience : « la pêche est ludique, elle a un fort rôle social, un réel impact économique…et en prime, elle protège l’environnement ». C’est évidemment antinomique.

Des empoissonnements massifs

Pendant les « 30 glorieuses », les congés payés et le début des loisirs, la pêche connut un essor considérable. Les sociétés de pêcheurs, faisant fi de la biologie des espèces, ignorant la biodiversité dont il n’était pas encore question, ont balancé dans les cours d’eau des milliers de tonnes de poissons pour satisfaire leur passion. Cette gestion aveugle a sonné le glas des espèces sauvages sur certains cours d’eaux, mais elle fut aussi désinvolte dans l’introduction d’espèces moins exigeantes (truite arc en ciel originaire d’Amérique du Nord) ou plus attractives pour la pêche que celles du peuplement naturel, pire, d’espèces exotiques. Au mépris total des espèces naturelles et du cours d’eau dont l’écosystème fonctionnait de manière équilibrée depuis des siècles. Pour satisfaire presque 2 millions de pêcheurs du dimanche, la charge introduite dépassait toujours la capacité d’accueil du milieu naturel. Une gestion calamiteuse des milieux par ceux-là mêmes sensés, par la loi, les protéger.

 Les espèces amphihalines

Les espèces amphihalines devenues des enjeux majeurs … des centaines d’enjeux majeurs depuis 1960. Aussitôt énoncés, aussitôt oubliés. Comment ces espèces sont-elles été érigées au sommet de la pyramide ? En quoi le poisson  mériterait-il tant d’égards et d’investissements ? Comment le saumon serait-il "indispensable" alors qu’il s’élève facilement au contraire des espèces en voie d’extinction ? Qu’il fasse l’objet d’attentions, c’est bien la moindre des choses que l’on doive aux survivants. Mais ils continuent à faire l’objet de pillage, de braconnage, victimes de la surpêche, de la prédation considérable du silure et …décimés par les pollutions. Les stocks mondiaux sont menacés. Les poissons qui s’échappent des cages d’élevages OGM en mer scelleront prochainement le sort des survivants.

Le paradoxe réside dans le fait que l’on veuille consacrer des centaines de millions d’euros pour des espèces qui hélas pourraient disparaître à court terme. Ce n’est certes pas une raison pour baisser les bras, mais avant d’engager ces dépenses colossales, agissons en priorité sur les facteurs pénalisant le plus ces espèces : la pollution et la surpêche, au lieu de faire croire que la "continuité écologique" ressusciterait les populations en péril.

 Ce saumon ne rejoindra pas sa frayère.

Ce saumon ne rejoindra pas sa frayère.

Sauvons les poissons  migrateurs… pour les pêcher

Nous pourrions comprendre et accepter cet objectif de sauvetage des migrateurs s’il était accompagné d’une interdiction stricte de pêche et de vente. Ce n’est pas le cas. Cette prétention de sauvegarde, puis de charge financière considérable à la sauce écologique repose sur un sophisme extraordinaire. Financièrement, c’est très inéquitable. Sur le plan éthique, tant d’efforts pour pouvoir continuer à ponctionner les stocks constitue une grande incohérence.

le saumon: une espèce menacée?

le saumon: une espèce menacée?

Asseoir en grand partie les préceptes de continuité piscicole et de continuité écologique sur les espèces amphihalines apparaît totalement dérisoire.

Et au Ministère de l’Ecologie ?

Les lois sur l’eau de 1964, 1992 et 2006 ont été accompagnées d’une intensification sans précédent de normes et de règlements relatifs aux milieux aquatiques. Les activités ayant un impact en rivière ou en aquifère doivent -en principe- faire l’objet d’analyses poussées (à défaut de mesures efficaces). Que la pêche de loisir en ait été exemptée est injustifiable sur les plans scientifique et démocratique.

La DEB (Direction de l’eau et de la biodiversité) du Ministère de l’Ecologie devrait engager une étude exhaustive et indépendante des impacts écologiques de l’activité de pêche de loisir depuis 1960.

Une utopie, car les conclusions pourraient infirmer les certitudes et les satisfécits. Il est bien plus confortable de ne rien changer.

 

http://oce2015.wordpress.com/2014/07/09/le-saumon-evolution-de-labondance-des-poissons-migrateurs/

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