Ouvrages hydrauliques: le ministère de l'écologie continue de tromper les parlementaires et de fuir les priorités

Dans une réponse à la députée Barbara Bessot Ballot, le ministère de la transition écologique et solidaire persiste en prétendant indûment que les sites français de petite hydroélectricité seraient déjà largement équipés, que la destruction des ouvrages hydrauliques serait nécessaire à la qualité de l'eau, à la biodiversité ou à l'adaptation au changement climatique, que cette destruction serait inscrite dans les lois françaises ou européennes. C'est faux. Après 10 ans de débat, ce n'est plus une erreur involontaire, mais une manipulation consciente des parlementaires aux fins de tenter de défendre encore et toujours une idéologie jacobine de destruction du patrimoine paysager, du potentiel énergétique et des écosystèmes humanisés. Il fut, un moment, question d'une "continuité apaisée": ce n'était qu'une tromperie. La vérité est que ce ministre, comme les précédents, est en retard sur la lutte contre les pollutions chimiques, en retard sur les objectifs de transition énergétique et qu'il préfère saupoudrer les lobbies (FNE-FNPF) au lieu de traiter les sujets prioritaires. L'autre frein, si les ministres changent, c'est la doctrine des services qui prime souvent la loi. C'est donc une gageure que d'espérer résoudre les problèmes avec les modes de pensées qui les ont créés.

On aurait pu imaginer qu'après les interpellations toutes convergentes des parlementaires, des changements de loi, des rapports administratifs critiques, le ministre allait acter que la suppression des ouvrages hydrauliques n'était, et n'est toujours pas, 13 ans après la LEMA, la réponse à l'enjeu majeur de l'amélioration de la qualité des masses d'eau, encore moins conformes à l'esprit de la transition énergétique et à la conservation patrimoniale.On pouvait surtout espérer un minimum de lucidité et d'observation sur les cas de moulins et d'étangs détruits. C'est une aberration flagrante, sans gain environnemental et sans aucun retour sur investissement de l'argent public. Un axe perdant/perdant.

Car enfin, les rapports les plus alarmants s'accumulent sur les pesticides, sur les plastiques, sur les micro-polluants, sur l'évolution du climat, sur la difficulté à baisser les émissions carbone, sur la disparition de la biodiversité ordinaire... Et que trouvent à faire nos fonctionnaires en charge de l'environnement : détruire des ouvrages souvent présents depuis l'Ancien Régime et susceptibles, à leur mesure, de stocker une eau dont nous manquons de plus en plus

Cette erreur d'appréciation, guidée par une idéologie univoque bafouant le bon sens, les usagers et riverains ne la supportent plus.

Un échange entre le ministre de l'écologie et la députée Barbara Bessot Ballot (voir en fin d'article le contenu complet) révèle ainsi que le principe de destruction des ouvrages n'a pas changé, et que les arguments tentant de le justifier apparaissent peu robustes ou inexacts.

INFOX n°1 du ministère : "Le potentiel [hydro-électrique] restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant": cette phrase est totalement inexacte, c'est la répétition de ce que disent des lobbies comme FNE et FNPF, mais sans aucune base factuelle ni études. L'immense majorité des moulins et usines en place (jusqu'à 95% selon les rivières) ne sont pas aujourd'hui équipés d'outils de production hydroélectrique. C'est aussi le cas de nombreux barrages servant à d'autres fins (eau potable, irrigation, régulation de crue, pisciculture, etc.). Les travaux de chercheurs européens ont montré que l'on peut équiper 25 000 moulins en France, soit 4 TWh de productible, équivalent consommation de 1 million de foyers (voir Punys et al 2019). On ne peut pas faire confiance à un ministère ni à son administration qui manipulent ainsi la réalité au nom d'une idéologie, sans prospectives sur la marge de progrès de productible (dérivation et pompage par les STEP par exemple, une ingénierie remarquable).

INFOX n°2 du ministère : "Ce développement doit rester compatible avec les objectifs de bon état des eaux et de reconquête de la biodiversité. L'atteinte de ces objectifs rend indispensable la restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau permettant de retrouver des milieux aquatiques résilients au changement climatique, qui passe par la restauration de la continuité écologique et la suppression de certains seuils en lit mineur en vue de restaurer des habitats courants et diversifiés." : le ministère de l'écologie continue dans la croyance dogmatique. Jamais une loi française ou européenne n'a indiqué la suppression des ouvrages en rivière comme mesure d'intérêt général. Ce sont la gestion, l'équipement et l'entretien des ouvrages qui sont demandés dans les cas où ils portent atteinte aux migrations de certaines espèces piscicoles menacées. Le rôle soi-disant positif de la destruction des ouvrages dans le cadre du changement climatique n'est pas caractérisé, voire fantaisiste. Nonobstant,  la transition bas carbone est la première urgence pour stopper le réchauffement, en cas de suppression des ouvrages on fait au contraire disparaître des outils de régulation inondation-soutien d'étiage, on diminue la surface aquatique disponible pour le vivant, on altère le stockage par échange avec les nappes, on assèche les zones humides annexes, on assèche par endroit des rivières réduites à un filet d'eau polluée pendant de nombreux mois (2018). En ces domaines, la recherche scientifique parle de plus en plus en souvent des nouveaux écosystèmes anthropisés (dont ceux créés par les ouvrages, voir Backstrom et al 2018, Clifford et Hefferman 2018, Kuczynski et al 2018) comme des services rendus par ces écosystèmes aménagés (voir Bolpagni et al 2019), notamment en situation de changement climatique (voir Beatty et al 2017).  En fait, l'actuelle destruction systématique d'ouvrages en France correspond soit à des demandes halieutiques anciennes des années 1860 ou 1980 soit à des visées d'écologie de conservation comme retour à un état ancien de référence, approches qui datent du milieu du XXe siècle mais sont de plus en plus débattues en écologie (voir Bouleau et Pont 2014, 2015, Alexandre et al 2017, Dufour et al 2017, Dufour 2018).

Cette réaction du ministère de l'écologie date du 23 avril 2019. Elle est donc récente. L'administration n'a cure des concertations qu'elle avait initiées pour l'application d'une "continuité apaisée" dans le cadre du Comité national de l'eau.

Au niveau national, il ne sort rien de ces "concertations". Pire, déjà que les règles procédurales n'étaient pas respectées par ceux censés les faire appliquer, l'administration prévoit d'auto alléger les procédures en termes de destructions de moulins et d'étangs

Au niveau local, nous appelons les usagers, les associations et les collectifs riverains à appliquer la tolérance zéro face aux projets de destructions et à ne plus céder face aux exigences infondées (rarement écrites). Les grilles toujours plus fines sans mortalité avérée, les prétendus besoins de DMB, les obstacles franchissables qui ne le seraient plus, des exigences de travaux pour des obstacles franchissables, des cours d'eau qui n'en sont pas, des droits fondés en titre qui mettent 3 ans pour être reconnus...Et de s'opposer aux projets de renaturation de la nature servant uniquement des ambitions personnelles.

Aujourd'hui par exemple, 35 associations demandent en justice l'annulation des programmes d'intervention des agences de l'eau Seine-Normandie et Loire-Bretagne, et il en ira désormais de même pour tous les textes administratifs portant demande de suppression d'ouvrage, comme pour tout abus de pouvoir de fonctionnaires incitant à détruire. Les associations et particuliers qui ne sont pas encore engagées dans ces démarches contentieuses doivent recueillir les témoignages de leurs voisins qui ont cédé aux menaces et au chantage: des regrets amers...mais tardifs.

Le respect des ouvrages hydrauliques, de leurs usages et de leurs milieux devrait être le principe directeur de toute politique publique qui engage une gestion équilibrée de l'eau, conformément à l'intérêt général.
Des ouvrages multiséculaires ne pourront pas être transmis. Le début du 21ème siècle est le maillon défaillant. La nature et les cours d'eau sont des poubelles. Détruire les ouvrages n'est une réponse ni crédible ni durable.
Nous aurions droit à des diagnostics pertinents pour recouvrer une eau de qualité en quantité, au lieu d'une gestion par arrêtés préfectoraux a posteriori faute d'avoir pu gérer /anticiper les sujets au préalable. 

Texte de la question - Députée Barbara Bessot Ballot 
Mme Barbara Bessot Ballot interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, au sujet du soutien au développement de la filière de l'hydroélectricité en France. L'hydroélectricité est de loin la première filière renouvelable productrice d'électricité en France et dans le monde. Riche d'un patrimoine et d'une filière industrielle hydroélectriques importants, la remise en route de concessions en France avec l'objectif d'une électricité plus propre et plus compétitive est une bonne nouvelle. En revanche, à la suite de divers échanges notamment avec un exploitant local sur le territoire, il existe encore de nombreux freins qui fragilisent à ce jour les installations existantes et empêchent, ou ralentissent, le développement de nouvelles installations, notamment en matières réglementaires et environnementales. Tout d'abord, au niveau de la continuité écologique. Les mises en conformité des ouvrages hydroélectriques engendrent des coûts abyssaux pour les exploitants. En effet, l'article L. 214-17 du code de l'environnement impose que les ouvrages situés sur des cours d'eau en liste 2 soient équipés (continuité piscicole et sédimentaire) et ce, dans un délai de cinq ans à compter de la publication des arrêtés de classement des cours d'eau dans les bassins hydrographiques. Aussi, le coût des équipements environnementaux (tels que les passes à poissons) est disproportionné par rapport aux supposés gains écologiques. Il existe par ailleurs une certaine instabilité, complexité et lourdeur administrative, dans la mesure où de nouveaux équipements ou des changements relatifs aux équipements existants peuvent être imposés à des ouvrages. Aussi, le code de l'environnement impose une conciliation des différents usages de l'eau : pourtant, ce principe ne paraît pas être réellement respecté en pratique. La filière hydroélectrique fait l'objet d'une politique « à charge » : arasement d'ouvrages, contentieux administratifs lors de renouvellement d'autorisations, procédures administratives trop longues pour les nouveaux projets, et les procédures administratives sont jugées beaucoup trop lourdes et nécessitent un temps excessif pour les différents acteurs. Enfin, la fiscalité locale pèse énormément sur les installations hydroélectriques (l'imposition foncière des installations hydroélectriques ayant considérablement augmenté). À l'heure de la volonté du Gouvernement d'accélérer la transition énergétique et écologique, le développement de l'hydroélectricité en France apporte sans aucun doute une réponse majeure aux problématiques environnementales, notamment sur la continuité des cours d'eau et la préservation de la biodiversité. Son développement répond également aux problématiques de développement de filières industrielles françaises d'excellence, puisqu'elle représente un vecteur majeur de développement économique sur tous les territoires, et notamment en milieu rural. Filière au potentiel majeur, celle-ci est aujourd'hui en difficulté : face à l'inflation des normes environnementales, face au poids de la fiscalité locale et face à la complexité administrative, elle l'interroge sur les mesures prévues le Gouvernement, notamment en matière de réglementation, afin de lever les incertitudes existantes et favoriser le dynamisme et l'optimisation du développement de la filière sur tous les territoires.

Texte de la réponse Ministère de la Transition écologique et solidaire
L'hydroélectricité est la première source de production d'électricité renouvelable, et est importante à la fois pour le système électrique national et le développement économique local. Le maintien et le développement de cette ressource, dans le respect des enjeux environnementaux, est indispensable pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques ambitieux que notre pays s'est fixé. La production hydroélectrique peut connaître d'une année sur l'autre des variations importantes en raison de l'hydraulicité, mais la puissance installée en France métropolitaine continue de progresser : elle est actuellement à près de 25,5 GW. Le potentiel restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant et par les enjeux de protection de l'environnement, mais il existe encore une marge de progression et d'optimisation du parc. Dans ce cadre, le Gouvernement soutient donc la réalisation de nouveaux investissements de développement de l'hydroélectricité, Ce développement doit rester compatible avec les objectifs de bon état des eaux et de reconquête de la biodiversité. L'atteinte de ces objectifs rend indispensable la restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau permettant de retrouver des milieux aquatiques résilients au changement climatique, qui passe par la restauration de la continuité écologique et la suppression de certains seuils en lit mineur en vue de restaurer des habitats courants et diversifiés. La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) publiée en 2016 a ainsi fixé un objectif d'augmentation de 500 à 750 MW de la puissance installée à l'horizon 2023. La révision de la PPE pour les périodes 2018-2023 et 2024-2028 permettra prochainement d'actualiser et de prolonger ces objectifs. La petite hydroélectricité fait par ailleurs déjà l'objet, au même titre que les autres filières renouvelables, d'un soutien au développement via l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat et du complément de rémunération pour l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, des cours d'eau et des eaux captées gravitairement, ainsi que via des appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique et solidaire. Enfin, en ce qui concerne les plus grandes installations exploitées sous le régime de la concession, le renouvellement des concessions arrivées à échéance permettra de déclencher des investissements de modernisation et d'extension des aménagements existants.

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