Droit d’eau fondé en titre, carte grise d’un moulin et d’un étang : rappels nécessaires.

Si la pédagogie consiste à répéter, alors insistons sur cet élément exprimé en général très approximativement tant à l’oral qu’à l’écrit par divers protagonistes. Les initiés vont s’étonner : « tout a été publié sur le sujet ». C’est hélas bien vrai, mais force est de constater que l’administration n’a pas encore tout lu. Elle rechigne même à reconnaître l’antériorité d’un moulin ou d’un étang alors que la procédure est simple : c’est oui ou non. Un message d’un propriétaire ce matin à l’OCE suscite ce besoin de précisions : son étang avec moulin en aval ne figurent pas sur la carte de Cassini. Piétinement et dérapages administratifs s’en suivent.

 

Concernant les ouvrages réglementés (ceux qui bénéficient d’un « règlement d’eau »),  les arrêtés préfectoraux depuis la loi du 28 pluviose  An VIII étant nominatifs, chaque changement de propriétaire d’un ouvrage hydraulique réglementé devait se faire connaitre de la préfecture qui pouvait, le cas échéant, abroger l’autorisation initiale. C’est pourquoi jusque dans les années 1950, les notaires -officiers ministériels- étaient tenus de transmettre en préfecture les actes constatant le transfert du droit d’eau; obligation hélas tombée en désuétude.

 

L’antériorité d’un ouvrage

Un grand merci posthume à Monsieur César-François Cassini de Thury d’avoir cartographié la France avec autant de précision dès 1756. Des travaux absolument remarquables.

D’aucuns, de leur bureau au 21ème siècle invoquent de manière circonstancielle pour servir un dossier  des « imprécisions » : ce n’est pas sérieux ! Il est exact que des ouvrages préexistants n’y figurent pas. Cela ne constitue cependant pas la preuve qu’ils n’existaient pas. Les ouvrages non inventoriés n’avaient peut-être pas un grand intérêt fiscal ni pour le Roy ni pour les Seigneurs percevant les taxes?

Pour la reconnaissance de l’antériorité, la carte dite de Cassini s’est imposée par facilité puisqu’elle est diffusée par l’IGN. Le bât commence à blesser quand l’ouvrage n’y figure pas, car les investigations deviennent très spécifiques, chronophages.

S’il est simple d’identifier l’époque d’une construction 20ème ou 19ème, le doute du millésime subsiste quand on observe des bases de constructions manifestement anciennes, et dans ce cas, Cassini n’y répond pas toujours!

 

Le propriétaire de ce matin est fier, d’abord désespéré de ne rien avoir trouvé dans ses archives départementales, puis d’avoir eu l’idée de chercher dans les généalogies du département contigü ; et il a enfin trouvé ses ouvrages cités dans un document antérieur à 1789 ! Il a bien la preuve de l'antériorité

Un autre, en nommant tout simplement son moulin sur internet, a trouvé sur Google book un poème du 16ème siècle citant sans ambigüité le nom de son moulin au fil d’alexandrins.

Archives ecclésiastiques, communales, départementales, généalogistes…il ne faut négliger aucune piste dans ces recherches patientes et méthodiques.

La charge de la preuve de l’antériorité incombe désormais au propriétaire de l’ouvrage, puisque l’administration n’a pas conservé les archives qu’elle était censée détenir depuis toujours.

 

Carte grise d’un moulin et d’un étang

Jean-Marie Pingault a beaucoup travaillé le sujet des moulins et a inventé avec pertinence le terme imagé de la «carte grise du moulin » (ce qui lui a valu de nombreux appels de propriétaires qui lui réclamaient leur carte grise) !  Pour 1€ indexé prix du kW, il aurait pu faire fortune… illicite, car le sujet fut vicié : c’est au pétitionnaire à se faire lui-même sa propre « carte grise » au vu des éléments historiques qu’il doit produire à l’administration, qui pour une fois « tamponne » sans rien facturer.

C’est une perte pour les finances publiques car l’Etat aurait pu pérenniser une taxe historique si elle n’avait pas abandonné les rênes régaliens de la police de l’eau.

Passons, car cette évocation historique de taxe n’est vraiment pas de bon aloi, ni pour les moulins en 2017 et encore moins pour les étangs qui pourraient être lourdement surtaxés en 2018 pour des revenus fonciers dérisoires.

 

« Les prérogatives hydrauliques des Ponts & Chaussées ont été transférées aux DDAF et DDE en 1962/63. Malheureusement les archives n'ont pas toujours suivi ce transfert dans leur intégralité. Pour ne rien arranger, lors du transfert des locaux de DDE aux départements en 2007, ce qui restait d'archives dormantes et ignorées dans caves et greniers de ces locaux a très souvent été dispersé, voire détruit.

Les Archives Départementales n'ont toujours que des archives partielles en fonction de ce qui leur a été transmis. Cela n'a pas eu de grandes répercussions réglementaires, compte tenu du non-usage, à l'époque, de la plupart des ouvrages. Il n'en reste pas moins que l'administration se devait de faire respecter la fonctionnalité de ces ouvrages, ce qu'elle n'a pas fait, et qu' en outre elle restait en charge des documents administratifs toujours en vigueur.

A l'heure actuelle, il n'est pas rare de constater que des services départementaux de Police de l'eau ne disposent d'aucun ''dossier de moulin'', ni des états statistiques du 19ème siècle, ni des états de taxe de statistiques du 20ème  siècle (dont beaucoup semblent avoir disparu dans les années 1950). Cela génère de leur part des demandes ou réponses incohérentes quand elles ne sont pas illégales.

Que les services du ministère de tutelle écrivent, dans une circulaire que '' la détermination du caractère autorisé ou non des ouvrages constitue le plus gros et le plus complexe du travail préalable à toute intervention'' est pour le moins anormal.

Que cette circulaire ajoute que '' tout barrage avec vannage construit après 1789 sans règlement d'eau ou document suffisamment détaillé pour faire office d'autorisation, y compris les installations hydroélectriques d'avant 1919 de moins de 150 kW'' est un ouvrage non autorisé est également anormal, et génère, répercuté sur le terrain, des mensonges administratifs, repris par les ''guides juridiques'' d'Agences de l'Eau. (cf. celui de l'Agence Seine-Normandie, page 146) et par certains SAGE. 

Quand cette circulaire parle de ''flou juridique'', son rédacteur néglige le fait que l'administration en est directement responsable, par destruction d'archives publiques ». (Jean-Marie Pingault - 25 janvier 2015).

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Controverses et erreurs récurrentes sur l’usage des états de taxe de statistiques et l’invocation de prétendues sections limitantes

Les états statistiques n’expriment pas la totalité de la consistance légale initiale. “Ces documents ne font toutefois référence qu’à la puissance effectivement utilisée par les installations de l’époque, à savoir deux paires de meules. Que ces données ne suffisent pas à établir l’étendue du droit attaché à ce moulin qui résulte de la hauteur de chute d’eau et du débit maxi”.

Dans un courrier très récent, une DDT répond à un pétitionnaire qui a calculé sa puissance maximale brute (PMB) à 6m3/s : « puissance maximale brute ; revoir le calcul en s’appuyant sur les données de l’état statistique de 1936 à 0,93m3/s ».

L’administration déclare qu’elle n’a pas d’archives, mais elle n’hésite pas à les utiliser dans des références erronées. Ces approximations sont hélas très fréquentes.

En clair, les états statistiques du 19ème siècle et les « états de taxe de statistiques » du 20ème siècle peuvent être des éléments d’appréciation intéressants, mais qui ne lient en aucun cas le propriétaire actuel sur l’usage que faisait son lointain prédécesseur de la force motrice de l’eau en fonction de ses besoins propres. Est-ce bien clair ?

Par contre, si un règlement d’eau a été défini à l’époque, le modifier ne peut se faire qu’avec l’accord de l’administration à l’issue d’un dépôt de dossier.

Sans l’existence d’un règlement d’eau, le pétitionnaire maintient son calcul tel que présenté à 6m3/s aux fins que le préfet lui en accorde un. Point !

Point à épiloguer à l’amiable 1 mois, 12 mois ...ou 4 ans au tribunal administratif pour que la lecture de la loi soit enfin respectée.

Conclusion

La stratégie que nous conseillons  dans le strict respect de la loi est très simple dans sa méthodologie :

1)    Reconnaissance de l’antériorité du droit d’eau par la DDT: c’est ce que l’on nomme « l’existence légale » (qui ne renseigne cependant pas sur ce que l’usinier peut disposer en termes de force motrice). En clair : vous avez le permis de conduire (conditionnel) un véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire votre voiture.

2)    Définition de la consistance légale de ce droit d’eau reconnu ci-dessus (qui précise  ce dont l’usiner peut disposer). En clair : quelle est la puissance calculée de votre voiture, confirmée sur la carte grise.

Dernier message : pas de carte grise pour votre voiture ni pour votre moulin ni pour votre étang = valeur à la casse de votre bien mobilier ou immobilier.

 

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