Ancien moulin à vendre

Nous suggérons la vigilance des propriétaires de moulins sur l’usage des termes qualifiant leur bien immobilier et plus précisément celui "d'ancien moulin" quand ils mettent leur bien en vente. Les agences immobilières, pour la plupart, ne savent à peu près rien sur le Code de l'environnement, les moulins et les qualifient souvent "d'ancien". Outre le fait que ce renseignement ne soit pas très vendeur, il est souvent erroné. Qu' il dispose d'une roue ou non, qu'il soit en fonction ou non, un moulin réputé "régulier et autorisé", dont le droit d'eau n'a pas été abrogé par le préfet, est un moulin. Point.

Ce billet concerne précisément tous les autres, c'est à dire les "anciens moulins".

Comment devient-on un "ancien moulin" ?
Leur nombre est en augmentation consécutivement à une application dogmatique de la continuité écologique qui priorise la destruction des ouvrages hydrauliques.
On devient "ancien moulin" quand il n'est plus possible de faire usage de la force motrice de l'eau et/ou que le préfet a abrogé le droit d'eau.

Le principe du devoir d’information est pourtant juridiquement très encadré. Mais curieusement, les renseignements, loin d’être anodins, concernant le code de l'environnement sont lacunaires ou erronés et peuvent être découvertes au dernier moment par l'acheteur, voire a posteriori.

 

Renseigner le vendeur

Cet élément est très défaillant.

Les bonimenteurs qui ont obtenu la reddition d'un propriétaire de moulin en lui faisant miroiter une subvention de 100% pour détruire son barrage, en le menaçant des pires ennuis (sanctions administratives, fiscales et pénales selon les courriers des DDT) s’il n'engageait pas des dépenses exorbitantes, ne l'ont jamais informé que son bien foncier subirait une décote immobilière très importante -de l’ordre de 50 à 60% minimum de sa valeur- le jour où il envisagerait (lui ou ses enfants) de le vendre (*).
Mais ce préjudice foncier n'est jamais évoqué.
Les cas ne sont pas rares où l’ancien moulin reste à vendre longtemps, ou ne trouve tout simplement pas preneur.

En effet, la clientèle ayant en critère de prospection "maison en fond de vallée voyant le soleil tard dans la matinée, quelquefois d’accès délicat, susceptible d’être potentiellement "inondée", n'existe pas.
Le seul facteur pouvant déclencher l’intention d’acheter un "ancien moulin" réside dans son prix bradé.

Cette moins value immobilière est inévitable et pas du tout financièrement compensée quand l'administration lui a fortement suggéré de détruire son barrage (ou d'y ouvrir une brèche ce qui revient au même).


En d’autres termes, il convient de "gérer, d’entretenir et d’équiper" (art L.214-17 CE) son ouvrage plutôt que de le détruire avec la seule perspective immédiate de ne rien payer. Méfiez-vous de l’Agence de l’eau qui propose de financer les travaux de destruction aux taux suspect de 100% en guise de "mise en conformité".
L'accord indispensable du propriétaire pour détruire son bien n'est pas sans conséquences. Ce n’est pas l’Agence de l’eau qui réparera l’important préjudice immobilier qu’elle lui inflige.
Statistiquement, il serait étonnant qu’un propriétaire ou ses ayants-droit ne demande pas un jour réparation du préjudice immobilier à l’Etat après avoir détruit. Une sage précaution serait de faire réaliser une estimation de la valeur du bien dans son état "avant" les travaux de destruction.

 

Renseigner l’acheteur

Quand le notaire ou l'agence ont la mauvaise idée d'interroger la DDT, loin d'obtenir une réponse robuste, c'est souvent l'engrenage des ennuis. Les courriers sont au mieux hasardeux et précaires, au pire inexacts et inappropriés.
Concernant tous les ouvrages hydrauliques détruits ces dernières années, dans le cadre d’une parfaite information de l’acheteur et de lui faire gagner un temps précieux dans sa prospection, il serait intéressant de systématiser la mention « ancien moulin » sur la carte IGN(**) au même titre d’autres renseignements qualifiant le patrimoine bâti.

Les agences immobilières auraient ainsi une meilleure lisibilité pour distinguer un vrai moulin d’un moulin destitué de ses droits.
Pour elles, tout ce qui ne porte pas une roue ancrée dans le pignon est un "ancien moulin". Tel n'est pourtant pas le cas.
Cette mention sur la carte au 1/25 000 ème signifierait, pour tout acheteur potentiel :

• qu’il n’a plus besoin d'interroger la DDT sur la continuité écologique puisqu’une maison déroge au champ d’application de l'autorité en charge de l'eau,

• qu’il pourrait faire son shopping à bon compte : il y aura (il y a déjà) de belles opportunités pour acheter du bâti et dépendances à vil prix.

 

Nous voyons un intérêt pour les moulins qui auront tenu le choc administratif : dans une perspective de diminution de leur nombre, de l'interdiction d’en édifier d’autre, leur valeur immobilière devrait se confirmer dans le temps, surtout dans le cadre de la future transition énergétique.
Voilà au moins deux effets inattendus de la doctrine de la continuité écologique : elle pénalise très lourdement les uns et pourrait contribuer à un regain d'intérêt pour les autres biens.

 

 

(*) cette observation concerne toute la France, exceptés les secteurs où les prix élevés résultent d'autres facteurs : périphérie des grandes villes, prestige de la région, sud de la France, bord de mer..
(**)  n’importe quel usager peut porter des renseignements à la connaissance de l’IGN : ajouter par exemple la mention "moulin" quand elle ne figure pas, corriger des erreurs, proposer des modifications… L’IGN en vérifie l’exactitude avant de les publier sur la carte.

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